Homélie du cardinal André Vingt-Trois lors de la journée de rencontre des diacres permanents de la région Île-de-France
Immaculée-Conception, le samedi 14 février 2009
Grande première, samedi 14 février 2009 pour la province ecclésiastique d’Ile-de- France. Avec leurs évêques, 137 diacres – (et 90 épouses) étaient réunis pour travailler sur le thème du service, au travers de la figure tutélaire de saint Paul, au lycée st Michel de Picpus à Paris.
Outre l’homélie du Cardinal Vingt-Trois sur le thème du service, on pourra retenir les mots de Jean-Guilhem Xerri, Président d’ « Aux captifs la libération » qui a dit que Paul était un homme ancré dans son temps et que c’est son dynamisme qui l’a conduit à rencontrer toutes les cultures qui l’entouraient.
– 2 Co 4, 1-2,5-7
– Evangile selon saint Luc au chapitre 10, versets 1 à 9
Homélie du Cardinal André Vingt-Trois
Frères et sœurs,
Nous entendons et nous reprenons pour nous-mêmes ces mots de Paul aux chrétiens de Corinthe : « Nous sommes vos serviteurs à cause de Jésus » (2 Co 4,5). Cette parole concerne d’abord le ministère de Paul, mais aussi tout ministère apostolique.
Nous qui sommes vos évêques, pasteurs de chacune de vos églises particulières, nous servons le peuple chrétien qui nous est confié et nous sommes aussi les serviteurs des ministres que Dieu nous donne pour les associer à notre tâche.
Nous sommes serviteurs de l’ensemble des prêtres de nos diocèses, le presbyterium qui forme la couronne des collaborateurs les plus proches de l’évêque.
Nous sommes les serviteurs des diacres, qui ont été ordonnés en vue du service du peuple de Dieu dans l’Eglise et au milieu du monde.
Nous sommes serviteurs de votre ministère, serviteurs de la grâce que Dieu répand à travers vous, en vous, dans vos familles, dans vos quartiers, dans vos lieux de travail et dans les missions que nous vous confions au nom du Seigneur.
Cette catégorie du service n’est pas une sorte de leitmotiv plus ou moins moralisant. Elle nous rattache pleinement à la figure du Christ serviteur, en qui s’accomplissent toutes les prophéties.
Il est venu pour être le serviteur de Dieu au milieu de son peuple, et pour conduire ce peuple à l’accomplissement de sa vocation de service de l’ensemble de l’humanité. « Vous m’appelez Maître et Seigneur et vous avez raison, dit Jésus à ses apôtres après leur avoir lavé les pieds, et si moi le maître et le Seigneur je me fais votre serviteur c’est pour vous donner un exemple pour que vous vous fassiez vous aussi les serviteurs les uns des autres » (Jn 13, 13-15) et qu’ainsi nous manifestions au milieu des hommes la puissance de l’amour de Dieu.
Nous sommes serviteurs de la Parole en annonçant l’Evangile qui est « force pour le salut de tout croyant » Rm 1, 16.
Nous accomplissons ce ministère par la proclamation liturgique de la Parole, par la prédication, par la catéchèse adressée au Peuple chrétien, dans les tâches d’accompagnement qui peuvent nous être confiées, et plus encore peut-être en portant l’Evangile parmi les hommes de ce temps, dans toutes les situations qu’ils connaissent et où ils attendent une parole d’espérance.
Partout nous voulons témoigner que cette Parole est une nourriture qui nous permet de faire la volonté du Père.
Serviteurs dans le Christ, serviteurs à cause du Christ, nous mesurons aujourd’hui, comme Paul le faisait en son temps, combien le ministère qui nous est confié dépasse de toute part nos capacités personnelles et même la définition institutionnelle de nos fonctions. « Ce trésor, qu’est la connaissance de la gloire de Dieu qui rayonne sur le visage du Christ, nous le portons en nous comme dans des poteries sans valeur » (2 Co 4, 6-7).
En effet, sans mépriser ou négliger les talents et les qualités que chacun d’entre nous a reçus, nous savons que la manifestation de la gloire de Dieu parmi les hommes n’est pas une œuvre humaine et le fruit de notre labeur mais le résultat de l’action de la puissance extraordinaire de Dieu dont l’efficacité à travers nous est donnée et garantie par l’ordination reçue.
La consigne donné par le Christ au soixante-douze de partir plus loin si leur salut de paix n’est pas accueilli, ne correspond pas à une condamnation jetée subjectivement sur telle ou telle catégorie de personnes dans telle ou telle situation.
Cette recommandation manifeste que le ministère est un appel à la conversion pour celui qui le reçoit, mais aussi pour ceux vers lesquels il est envoyé. La salutation « Paix à cette maison ! » dévoile la vérité des cœurs. « S’il y a là un ami de la paix –dit Jésus - votre paix ira reposer sur lui » (Lc 10, 5-6).
Nous ne sommes pas envoyés aux hommes et des femmes de ce temps pour exercer un jugement sur eux, mais d’abord pour leur offrir la paix, la promesse de la réconciliation, l’appel à la conversion.
Pour permettre aux disciples de saisir que l’efficacité de ces paroles de réconciliation ne vient pas de leur talent propre mais de la puissance de Dieu, Jésus les enjoint à partir « sans argent, ni sac, ni sandales » (Lc 10,4).
Cette journée d’aujourd’hui nous est l’occasion de nous fortifier en écoutant ensemble la Parole de Dieu, et de nous encourager en partageant les labeurs et les fruits de notre vie et de notre ministère. Mais elle nous est d’abord l’occasion de rendre grâce à Dieu, qui est l’origine de notre vocation.
Chacun d’entre-nous peut faire mémoire des personnes qui ont été, consciemment ou non, les messagers de cet appel. Nous connaissons tous ce parent, cet ami, cette relation, ce prêtre ou ce diacre, dont la vie et le témoignage ont été un des éléments par lequel nous avons perçu l’appel de Dieu.
Dès lors, nous pouvons nous interroger pour savoir si vraiment nous aussi nous demandons à Dieu d’envoyer des ouvriers pour sa moisson, comment chacun, nous cherchons qui nous pourrions solliciter pour la moisson du Seigneur.
Nous le savons, beaucoup de communautés chrétiennes ont la désolante habitude de croire que les ministres de l’Église sont essentiellement des produits d’importation, fabriqués ailleurs et mis à leur disposition gracieusement. Il ne faudrait pas que nous-mêmes nous cédions à cet usage et croyions que d’autres peuvent appeler à notre place.
Nous devons toujours chercher ceux que nous pourrions appeler, et inculquer cette bonne préoccupation à tous ceux avec lesquels nous travaillions dans l’Eglise. Qui pouvons-nous appeler, pas nécessairement pour être diacre, mais aussi pour être diacre ? Qui pouvons-nous appeler pour prendre sa part de la moisson ?
Qui pouvons-nous appeler pour éprouver dans sa chair et dans son cœur l’action de la puissance de Dieu et de sa Parole ? Qui pouvons-nous appeler pour rendre grâce au Seigneur de ce qu’il nous donne de vivre, pour qu’il appelle à son tour ?
Frères et sœurs, au cours de cette Eucharistie, nous présentons dans le secret de nos cœurs, les joies les épreuves de notre vie, et aussi le visage et le nom de celles et de ceux que nous pouvons appeler au service de l’Evangile, de ceux que nous pouvons appeler à devenir les diacres de l’Église.
+ André cardinal Vingt-Trois,
Archevêque de Paris