À toutes époques, faire jaillir le beau

Paris Notre-Dame du 18 février 2021

La dernière revue Documents épiscopat, publiée en février, porte sur L’Église et les artistes. Quels enjeux pour demain ? Entretien avec Mgr Sylvain Bataille, évêque de Saint-Étienne, qui en a assuré la responsabilité.

Mgr Sylvain Bataille est évêque de Saint-Étienne (Loire). Il est aussi membre de la Commission épiscopale pour la liturgie et la pastorale sacramentelle de la Conférence des évêques de France.
© D.R.

Paris Notre-Dame – Pourquoi l’Église s’intéresse-t-elle aux artistes aujourd’hui ?

Mgr Sylvain Bataille – Parce que nous avons besoin de beau et de gratuité dans notre monde douloureux et hyper technique. Ce beau, à toutes époques, nous dit quelque chose de Dieu et nous met en relation avec lui. La parole et la théologie ne suffisent pas. Il nous faut aussi d’autres expressions du mystère, dans une diversité de langage. Les expressions d’artistes, avec leurs grandes sensibilités, sont très précieuses, que ce soit par la musique et le chant, l’architecture, la peinture, la sculpture ou les vitraux. Au fil des siècles, tant d’œuvres ont été créées qui nous font vivre encore aujourd’hui. Et ni l’inspiration, ni les talents ne sont épuisés. Dans la chapelle de la maison diocésaine de Saint-Étienne (Loire) récemment construite, nous avons un crucifix du XIVe siècle qui, par sa beauté, nous porte toujours dans la prière. Merci à l’artiste local qui l’a créé ! L’Église a toujours sollicité des artistes afin de faciliter cette rencontre de Dieu, et elle continue à le faire, même si ce dialogue a toujours été complexe. C’est peut-être ce qui en fait sa richesse.

P. N.-D. – Pourquoi est-il parfois complexe de nouer un dialogue fécond avec l’art contemporain ?

S. B. – L’art contemporain est souvent très abstrait alors que le propre de la foi chrétienne c’est l’Incarnation. Dieu se dit à travers l’humanité. De plus, cet art n’est pas toujours facilement accessible aux non-initiés. Il suppose toute une éducation pour en saisir la beauté et le message. À ce propos, le pape François insiste sur l’importance d’une culture plus populaire. Enfin, beaucoup d’artistes contemporains sont bien éloignés de la foi chrétienne. Il leur est donc plus difficile d’en exprimer le mystère qui nous fait vivre. Dernière difficulté non négligeable : l’Église n’a plus les moyens qu’elle avait par le passé pour soutenir les artistes et les faire vivre.

P. N.-D. – On voit pourtant régulièrement dans les diocèses l’organisation d’expositions d’art contemporain…

S. B. – En effet. La Conférence des évêques de France (CEF) est attentive à ce dialogue avec la culture contemporaine. Ici ou là, des initiatives sous des formes plurielles et ouvertes se multiplient. Comme en témoigne le Collège des Bernardins à Paris qui organise des concerts, des conférences, des expositions, etc. Lorsque des bâtiments sont construits ou restaurés, l’Église fait appel à des artistes contemporains. Et il y a de belles réalisations contemporaines comme la double coque en ogive de bois naturel de la cathédrale Notre-Dame à Créteil (Val-de-Marne).

P. N.-D. – Au cœur de la pandémie actuelle, en quoi l’Église peut-elle aider les artistes à se relever ?

S. B. – Comme les artistes, l’Église est aussi en difficulté avec la pandémie. Néanmoins, nous pouvons continuer à soutenir les artistes sur des projets de taille peut-être plus modeste. De nombreuses collaborations sont encore à envisager car le beau n’est pas une option. Par exemple, au sein de nos célébrations, la dimension musicale est essentielle pour la prière commune. Les jeunes sont sensibles à des formes d’expression musicale plus contemporaines comme l’illustre le succès des groupes de pop-louange (Hopen ou Glorious). C’est l’occasion d’ouvrir de nouveaux chemins avec cette jeune génération d’artistes.

Propos recueillis par Alice Papin

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