Au Collège des Bernardins, suivre l’étoile
Paris Notre-Dame du 16 janvier 2025
Jusqu’au 26 février, le Collège des Bernardins accueille – dans le cadre du festival du même nom – l’exposition Épiphanies d’Augustin Frison-Roche. Dix-neuf œuvres inédites – sur bois ou sur toile – où l’artiste explore ce qui se dévoile, artistiquement mais aussi spirituellement.
Épiphanies, au pluriel, c’est, paradoxalement, les dévoilements d’un Dieu qui reste obstinément hors-champ… jusqu’au dernier moment, ou plutôt au dernier regard, lorsque les yeux – ayant vainement balayé la toile pour y chercher le cœur de sa composition – s’abaissent enfin à même le sol, où repose – et nous n’en dirons pas plus – l’inestimable trésor que cherchaient les mages couverts de présents. Dans cette exposition, proposée jusqu’au 26 février au Collège des Bernardins dans le cadre d’un festival du même nom, le peintre et sculpteur contemporain Augustin Frison-Roche saisit la lumière pour révéler le divin, autant d’épiphanies – au sens d’apparitions, de signes – poétiques, artistiques mais aussi liturgiques qu’il voit et célèbre dans la nature, le récit de la Genèse, puis dans trois grands moments de la vie du Christ : le baptême du Seigneur, les Noces de Cana et, enfin, l’adoration – en format monumental – des mages.
Mais comme les rois venus de l’Orient, le visiteur est d’abord invité à suivre l’étoile – séraphique – en remontant la nef du Collège des Bernardins, où est accrochée une série de sept tableaux autour de la citation de Huysmans, dans La cathédrale : « La forêt était devenue une immense basilique. » Dans cette ode à la nature comme source de contemplation – et donc manifestation du divin – architecture et végétation se mêlent et se confondent dans une harmonieuse synesthésie, soulignée par la progression chromatique des bleu-vert aux rose-or, de la forêt à l’embrasement. L’architecture choisie – à savoir les colonnes médiévales en miroir avec celles de la nef – est directement inspirée des lieux, comme les dix-huit œuvres de l’exposition (la dix-neuvième est une Assomption qui sera placée à 21 mètres de hauteur, comme oculus de la cathédrale de Cambrai), que ce soit dans le thème choisi – « De même que les mages (et donc le visiteur de cette exposition) cherchent Dieu, la vocation du Collège des Bernardins est de chercher », souligne Laurent Landete, directeur général –, la scénographie ou les formats des tableaux, spécialement pensés par rapport à leur emplacement.
À cette première série de sept tableaux répond celle consacrée à la Genèse, déployée en sept jours, où l’on retrouve le travail à la feuille d’or qu’affectionne le peintre et à qui il a donné, selon ses propres mots, « une place importante dans cette exposition » : « Elle vient contraster avec la matière de la peinture et matérialise cette apparition de Dieu ; elle fonctionne un peu comme un vocabulaire, directement lié à l’évocation d’une transcendance, qui se met en place et révèle une autre nature. » Un langage de lumière qui lui permet de s’affranchir des représentations habituelles des Noces de Cana ou du baptême du Seigneur, où il choisit d’évoquer le signe – la colombe, l’eau transformée en vin – plutôt que la scène en elle-même. Par une fantaisie chronologique qui permet de matérialiser un retour « à la source », l’exposition s’achève par l’Adoration des mages, œuvre monumentale en quatre toiles – dont la composition a une forte valeur symbolique et spirituelle – qui livrent quelques clefs de lecture sur l’ensemble de l’exposition : la communion entre l’homme et la nature, le sauvage et le domestique, le puissant et le tout-petit, la nécessaire poésie, la beauté de la quête et la présence, enfin, d’un Dieu qui se révèle parmi les hommes. Une profession de foi qui rejoint la vocation profonde de l’artiste, celle, selon les mots du peintre, « de ne pas se contenter du réel, car l’art a besoin de faire apparaître un sens, de susciter un dévoilement ; l’épiphanie est aussi un manifeste artistique ».
Charlotte Reynaud
Renseignements
Collège des Bernardins, 20, rue de Poissy, 5e. Jusqu’au 26 février, de 10h à 18h. Entrée libre.
Programme de l’opus Épiphanies
Concerts
- L’Épiphanie, Sarah Rouppert, claveciniste et orchestre,
vendredi 17 janvier, 20h. - Récital de clavecin, Sarah Rouppert, samedi 18 janvier, 15h.
- La Misa Criolla, Ensemble La Chimera, samedi 18 janvier, 20h.
- Les Midis musicaux, Sarah Rouppert, claveciniste, 12h30 (1h), les 5 et 12 février.
Visites-conférences
- Samedi 18 janvier, 11h-12h.
- Samedi 1er février, 17h-18h.
Atelier jeune public
- Banquet Philo : Peut-on percer le mystère de la beauté ?, samedi 1er février, 16h30-18h.
Dîner du silence - Dîner en silence (entrée, plat, fromage à table, dessert pris debout au buffet), lectures spirituelles et profanes choisies par Augustin Frison-Roche, intermèdes musicaux joués sur le clavecin peint par Augustin Frison-Roche et visite guidée de l’exposition par l’artiste à la fin de la soirée.
Tarifs : 50 €, soutien 100 €. Mardi 25 février, à 20h.
Horaires et réservations sur collegedesbernardins.fr
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