Christ crucifié, Christ transfiguré
Paris Notre-Dame du 7 mars 2024
Jusqu’au 6 avril, le Collège des Bernadins, dans le cadre de son Opus 5, expose les toiles de François-Xavier de Boissoudy, accrochées autour d’un thème évocateur : Stat Crux. Regards.
Vingt-deux toiles, dont trois monumentales (2,5 x 3,5 m), à l’encre sur papier, réunies sous le vocable emprunté à la devise des Chartreux « Stat Crux » (« Stat Crux dum volvitur orbis » : la Croix demeure tandis que le monde tourne, NDLR) et accrochées, jusqu’au 6 avril, dans l’ancienne sacristie du Collège des Bernardins. Deux séries – l’une intitulée « Face à face », l’autre « Visage » – qui se répondent et s’éclairent, proposant un double regard sur un seul thème, la crucifixion du Christ. Ainsi, par un jeu d’alternance dans l’accrochage, le visiteur contemple le Christ en croix (au cœur des « Face à face »), qui le regarde à son tour, à travers les différents « Visage », qui n’en présentent qu’un seul, celui du Christ, de face selon les codes de l’icône, au fil de son agonie, jusqu’à sa mort… et sa résurrection. « Quelle est mon expérience par rapport à la Croix ? En quoi sa mort, survenue il y a 2 000 ans, me touche et m’interpelle ? », confie l’artiste peintre, François-Xavier de Boissoudy, qui porte dans sa création une réflexion sur l’art chrétien, fondant son origine dans le visage du Christ souffrant imprimé sur le voile de sainte Véronique.
Lorsque Laurent Landete, directeur du Collège des Bernadins, évoque la possibilité d’une exposition autour de la croix, François-Xavier de Boissoudy ressent l’impérieux besoin de « présenter un corps » : « Dieu s’est fait l’un d’entre nous ; on a pu le toucher, l’embrasser, autant sa mère que Judas. Même ressuscité, il est encore là. » Une incarnation qui prend corps non seulement dans un art résolument figuratif, mais aussi dans la matière utilisée pour ses toiles. Car les silhouettes qui prennent vie, chez Boissoudy, sont faites de terre et d’eau, de boue colorée et d’encre minérale, en écho à une certaine glaise de la Genèse : « Alors le Seigneur Dieu modela l’homme avec la poussière tirée du sol » (Gn 2, 7). Miracle de la technique ou clin d’œil théologique, le Christ apparaît en contraste, par absence de la matière (si ce n’est pour dessiner les ombres), opposant aux méandres de l’eau et de la terre foncée la blancheur éclatante du papier : « Le blanc du papier me permet d’imposer cette présence lumineuse, partage l’artiste. Je tourne autour de ce Christ lumineux avec un peu ce de que je suis, c’est-à-dire de la boue colorée que je fais ruisseler. Réserver du blanc dit quelque chose de la lumière du Christ, ou de ceux qui sont sauvés par cette lumière. » Immaculé, le Christ crucifié devient alors Christ transfiguré. Autour de la croix ainsi dressée sur le monde, loin des représentations traditionnelles, se distingue une foule d’hommes, de femmes, d’enfants, comme flottant dans les airs, irrésistiblement attirés auprès de leur Sauveur. Au milieu de l’exposition, un tableau rompt la perspective en proposant, dans un format monumental, une vue aérienne du Golgotha, là encore en contraste avec les représentations habituelles ; pas de colline ou de perspective en contre-plongée. Au contraire, le visiteur est comme happé, dans une sensation de vertige, au centre de la toile, présentant, à la manière d’un point sur une carte, une simple croix blanche entourée de hauts reliefs. Le regard plonge et s’accroche, irrésistiblement, et ce n’est pas anodin, en ce temps du Carême, de se sentir comme englouti par un tel geste d’amour : « Car Dieu a tant aimé le Monde, qu’Il a donné son Fils unique. »
Charlotte Reynaud
Pratique
20, rue de Poissy, 5e.
Du lundi au samedi (de 10h à 18h).
Un livre d’art du même nom est publié
aux éditions Première Partie (176 p., 33€).
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