Cinquième station : Madeleine

Paris Notre-Dame du 23 juillet 2020

Vite oubliés sous nos pas pressés, les noms évangéliques de certaines stations du métro parisien sont pourtant remarquables. Suite de la série d’été de Paris Notre-Dame qui grimpe, cette année, dans les rames métropolitaines, sur les traces de saints et de l’histoire chrétienne qui imprègne Paris. Cinquième arrêt : Madeleine.

© Laurence Faure

L’église Ste-Madeleine (8e) qui s’élève, imposante, devant la sortie du métro éponyme, n’a pas toujours été l’église que nous connaissons, commencée sous Louis XV à l’emplacement de l’église médiévale du bourg de la Ville-L’évêque. Passée la Révolution, « Napoléon, en 1806, voulut en faire un temple à la Gloire, semblable à ceux de la Grèce païenne », écrit Philippe Bornet, auteur de l’Évangile selon saint métro (éd. Via Romana). Et puis, sous la Restauration, la Madeleine redevint catholique. Aujourd’hui église diocésaine, l’édifice à colonnades grecques reste à la fois vestige et témoin actuel de la ferveur populaire pour Marie-Madeleine. « La dédicace de la première église médiévale à la sainte remonte au XIIIe siècle », explique Isabelle Renaud-Chamska, ancienne présidente d’Art, culture et foi/Paris, et auteure de Marie Madeleine en tous ses états (éd. Le Cerf). Car Marie Madeleine connut alors une immense popularité dans la chrétienté, notamment sous le règne de saint Louis (1214-1270). Ce dernier initia les pèlerinages à la grotte de la Sainte-Baume, en Provence, où Marie Madeleine vint terminer sa vie, selon la Légende dorée de Jacques de Voragine (XIIIe s.). La cité médiévale de Paris fut imprégnée de ce culte. En témoigne aussi François d’Assise (1182-1226), qui lui dédia plusieurs chapelles. « À Paris, le premier couvent franciscain des Cordeliers (6e), continue Isabelle Renaud-Chamska, fut fondé par le bienheureux frère Pacifique qui dédia la chapelle à Marie Madeleine. » Quelle spécificité porte-t-elle, cette femme, parmi les rares citées sur le réseau métropolitain ? « Marie de Magdala, figure évangélique, est toute proche du Christ. Elle est une des seules disciples au pied de la croix, dépeint l’auteure. C’est d’ailleurs ce qui touche saint François. »
Le XIXe siècle, époque où l’église Ste-Madeleine est terminée, sera aussi friand de cette figure. « Mais alors, précise Isabelle Renaud-Chamska, elle n’est pas tant vue comme le premier témoin de la Résurrection, que comme la courtisane pécheresse, la pénitente baignant de ses larmes les pieds du Christ. » Image ambigüe tirée de l’évangile, où il est dit que le Christ expulsa d’elle sept démons (Lc, 8,2).
« Pécheresse, certes, poursuit la docteur ès-lettres et diplômée de théologie, mais surtout, pardonnée par Dieu. Marie Madeleine est une figure d’envergure, un peu vite reléguée au rang de “femme de mauvaise vie”. Or, premier témoin de la Résurrection, elle est l’apôtre des apôtres, celle qui enseigne. Elle est fondamentale dans l’annonce de l’Évangile. » « Marie Madeleine reste populaire aujourd’hui, renchérit le P. Bruno Horaist, curé de la paroisse. Elle a un côté très humain qui la rend facile d’accès et touche d’autres croyants, ou des non-croyants. À l’église, beaucoup d’orthodoxes viennent vénérer ses reliques. » Pour le pasteur, habitué des foules touristiques – aujourd’hui absentes en raison de la pandémie – la figure de Marie Madeleine rejoint le charisme de la paroisse, « dédiée à accueillir tout le monde, depuis les fans de Johnny Hallyday (ses obsèques ont été célébrées dans l’église), aux pèlerins et visiteurs du monde entier. » Et de conclure : « Marie Madeleine est l’image de l’être humain aimé de Dieu, qui se laisse réconcilier par le Christ, dans ses méandres et son cheminement propres. »

Laurence Faure @LauFaur

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