Deux prêtres birmans à Paris
Paris Notre-Dame du 23 novembre 2017
En Birmanie du 27 au 30 novembre, le pape François visitera une petite communauté catholique au cœur d’un pays majoritairement bouddhiste. Paris Notre-Dame a interrogé deux prêtres birmans accueillis aux Missions étrangères de Paris (MEP). Ils nous parlent des enjeux complexes de cette visite.
Son nom est Jimmy Sa. Issu de l’ethnie Karen, une des 135 minorités de Birmanie reconnues par la constitution en 2008, ce jeune prêtre de 38 ans fêtera bientôt dix ans de sacerdoce. Son diocèse est celui de Pathein, au sud de la Birmanie. Il est arrivé à Paris en février 2016, et étudiera à Paris encore trois ans. « Peu de prêtres birmans viennent en France faire des études, précise son acolyte, le P. James Kai Khaw, 39 ans, issu lui, de l’ethnie Chin. Nous sommes envoyés par nos évêques pour approfondir la théologie catéchétique, à l’Institut catholique de Paris (ICP) ou à Rome, grâce à un système de bourses. En Birmanie, il n’y a qu’un seul séminaire de théologie pour nos seize diocèses. » Et de constater : « À Paris, étant en service à St-Paul - St-Louis (4e), je suis témoin de la participation active des laïcs à la vie paroissiale. C’est quelque chose qui est encore rare chez nous. Nos laïcs n’ont pas tous les outils pour se former. » Le P. Sa en tire, lui, une autre conclusion : « Chez nous, les prêtres, à force de se concentrer sur la logistique, en oublient parfois d’être simplement présents à leurs paroissiens. » Jimmy a deux frères et quatre sœurs, des yeux rieurs et un sourire timide, sous le flux des questions. Retenue toute asiatique. Il est né dans une famille chrétienne… qui ne l’a pas toujours été. Ses grands-parents, bouddhistes, se sont convertis dans les années 1940 au contact d’un père MEP, le Basque Martin Narbaitz, qui vécut trente-quatre ans dans la mission de Myaungmya.
Le P. Sa a voulu être prêtre pour « aider les familles karen », explique-t-il. Des familles qui vivent historiquement au sud du pays, non loin de la frontière thaïlandaise, région de hautes tensions entre le gouvernement et les groupes armés karen, encore aujourd’hui. Chez les Karen, bouddhistes en majorité, on dénombre 15 à 20% de chrétiens parmi lesquels une petite minorité de catholiques. Une répartition à l’image de la population du pays, qui est bouddhiste à 90%. Au total, l’Église de Birmanie compterait environ 750 000 fidèles… C’est donc une petite communauté, qu’un pape viendra visiter pour la première fois. « Nous attendons de lui un message de réconciliation face aux rivalités ethniques et gouvernementales », explique le P. Sa. Comme d’autres catholiques là-bas, il s’inquiète un peu des conséquences de cette visite pontificale dans son pays, où les groupes nationalistes bouddhistes attisent les haines ethniques et religieuses. « Chaque mot utilisé par le pape sera sensible », rappelle-t-il. En premier lieu, celui de « Rohingya », du nom, controversé en Birmanie, de cette ethnie musulmane de l’État d’Arakan, dont les membres ont fui par milliers, ces trois derniers mois, devant les exactions de l’armée birmane dénoncées par l’ONU. À l’approche de Noël, un brin de nostalgie pointe dans la voix des deux prêtres : « Chez vous, remarquent-ils, Noël est un moment familial, chacun chez soi ; en Birmanie, c’est avant tout une fête paroissiale et communautaire. » Hâte de rentrer ? « Oui, souffle le P. Kai Khaw. Nous avons du travail ! »
Laurence Faure