Fin de vie : la solution des soins palliatifs

Paris Notre-Dame - 1er novembre 2007

Paris Notre-Dame du 1er novembre 2007

Samedi 6 octobre 2007 dans le cadre de la journée de sensibilisation nationale aux soins palliatifs, la Maison Jeanne Garnier ouvrait ses portes au public. Les procès sur des actes d’euthanasie souvent très médiatisés suscitent toujours émotion et débat. Cette journée a été l’occasion de réfléchir à la place des personnes en fin de vie dans notre société et ce que sont en réalité les soins palliatifs.

Pour comprendre ce qui se vit à la Maison Jeanne Garnier, commençons par découvrir ce qu’on appelle les soins palliatifs. « Ici, explique le docteur Daniel d’Hérouville, on ne soigne plus la maladie en elle-même, mais les effets qui peuvent être entraînés par la maladie. » Le but de ce type de soins est ainsi d’améliorer la qualité de vie des personnes malades pour leur permettre de mourir dans les meilleures conditions possibles. Il peut arriver, dans certaines unités, que des malades soient traités par la chimiothérapie ou la radiothérapie, mais l’objectif est seulement d’apporter un meilleur confort au patient.

Qui sont les malades accueillis ?

80 lits, environ 3000 demandes par an, il est impossible d’accueillir tous les malades qui en font la demande. Le choix est difficile ! Cependant, il faut relativiser ces chiffres : sur les 3000 demandes, beaucoup ont fait des demandes à plusieurs endroits différents et se voient accueillis ailleurs ; il y a aussi ceux qui changent d’avis et puis ceux enfin qui décèdent avant de pouvoir entrer.

En Île de France, le choix des admissions se fait sur dossier, accessible sur internet pour toutes les unités de la région. Ce dossier comprend à la fois des renseignements médicaux, des renseignements sur le degré de dépendance du malade et des éléments sociaux, comme par exemple l’isolement. Aucune discrimination sociale ou religieuse n’est faite entre les malades : qu’il soit « prince de l’Eglise », employé de bureau ou immigré, c’est le degré de complexité de la situation globale de la personne qui va être déterminant pour son entrée à Jeanne Garnier.

Relèvent des soins palliatifs, toutes les personnes confrontées à une maladie grave mettant en jeu le pronostic vital. Mais les malades accueillis dans la Maison ne sont pas tous en phase terminale. Ils peuvent être dans une phase avancée où le pronostic vital à court terme n’est pas en jeu mais peut nécessiter un séjour de répit. C’est ainsi qu’environ 10% des personnes accueillies repartent de Jeanne Garnier soit pour rentrer chez eux, soit pour leur structure d’origine. Et même si 900 personnes y décèdent chaque année, la Maison n’est pas perçue comme un « mouroir » par les malades et leurs familles mais étonnamment comme... un lieu de vie !

Un lieu de vie

Comment un endroit connu à Paris pour y mourir dans les meilleures conditions possibles peut-il être perçu par ceux qui le connaissent de l’intérieur comme un lieu de vie ?

A cette question, Daniel, médecin, Anne-Marie et Delphine, infirmières répondent unanimement : « Pour nous, la mort existe, mais elle n’est pas considérée comme un échec. Elle fait partie de la vie. Notre rôle est de faire en sorte, qu’elle se passe le mieux possible. » L’échec pour les équipes de Jeanne Garnier, c’est effectivement de ne pas avoir réussi à soulager les souffrances du malade, qu’elles soient physiques ou morales, de ne pas avoir réussi à lui redonner une certaine qualité de vie.

Le secret aussi repose sur un travail en équipe où la parole de chacun des « acteurs » est prise en compte : aide-soignants, infirmières, médecins, autres professionnels soignants et administratifs, bénévoles... : tous contribuent à l’accompagnement du malade. Les familles trouvent aussi toute leur place dans l’établissement. Elles sont accompagnées et soutenues dans leur souffrance par l’équipe interdisciplinaire. Il leur est possible de venir à n’importe quelle heure, d’y dormir, de partager des repas, de se faire accompagner par les enfants, sans restriction d’âge pour visiter leurs parents ou grands-parents. Comme le dit Anne-Marie : « Pour le patient, c’est être soigné comme à l’hôpital mais accompagné comme à la maison. » La spécificité des unités de soins palliatifs réside dans l’accompagnement qui est réalisé. Les malades ne sont pas considérés en fonction de leur maladie, mais comme des êtres humains à part entière. « Nous les accompagnons globalement, médicalement, mais aussi sur les plans psychologique et spirituel, explique Isabelle, bénévole. Les malades et leurs familles ont un chemin à faire qui n’est pas facile, et nous sommes là pour les y accompagner. »

Quel avenir pour les unités de soins palliatifs ?

Si les familles plébiscitent une Maison comme celle de Jeanne Garnier, pourquoi alors l’offre reste-t-elle encore si insuffisante en région parisienne, et ailleurs ?

Il existe plusieurs causes : la première est celle de la politique de la santé. « Aujourd’hui, tout le monde est d’accord, explique le docteur d’Hérouville, pour que les soins palliatifs soient étendus le plus largement possible, mais il y a un débat entre ceux qui veulent privilégier leur développement généraliste, c’est-à-dire à la fois à domicile, dans les hôpitaux, dans les maisons de retraite... , avec des unités spécialisées en dernier recours, et ceux qui veulent créer des unités spécialisées. Notre position dans ce débat est de dire que s’il est important de faire progresser une culture de soins palliatifs, il est aussi très important de continuer à créer des unités spécialisées. L’un ne va pas sans l’autre. Or nous constatons qu’aujourd’hui, il n’y a pas de financement pour cela. »

Anne-Marie avance une autre explication : « Certains soignants ont du mal à laisser partir leurs malades, car ils vivent leur transfert comme un échec. Je les comprends d’autant mieux qu’avant d’être formée à ces soins, j’étais pareille ! » Daniel aussi pense que le manque de formation, notamment pour les médecins, explique en partie le problème.

Pour Isabelle, la vraie raison est plus profonde : « Notre société vit actuellement dans le déni de la mort mais plus elle comprendra que la mort fait partie de la vie, plus les soins palliatifs auront des chances de se développer. »

Un établissement catholique

Jeanne Garnier est un établissement catholique, d’abord par ses origines (cf. encadré) mais qui accueille tout le monde, sans distinction de religion. Le personnel n’est pas non plus recruté sur ce critère. Une aumônerie constituée de toute une équipe (une xavière responsable, des personnes bénévoles et un prêtre accompagnateur) assure une présence religieuse. Ils se rendent auprès de tout malade qui en fait la demande, et sont à leur disposition pour une écoute, un temps de prière, un accompagnement spirituel ou pour donner un sacrement. Si des patients demandent à voir des ministres du culte d’autres confessions chrétiennes ou d’autres religions, c’est l’aumônerie qui se charge de les faire venir. Des messes sont célébrées régulièrement dans la chapelle située au rez-de-chaussée. La Maison, qui ne dresse pas pour autant le drapeau de sa catholicité, l’est surtout par les valeurs qui la gouvernent : l’accueil et le respect de l’autre. Depuis ses origines, et malgré les transformations, Jeanne Garnier vit encore de l’intuition de sa fondatrice : recueillir ceux dont personne ne veut plus, les abandonnés que sont aujourd’hui encore trop souvent les malades en fin de vie. • F.W.

Un peu d’histoire

A Lyon, en 1835, une femme, Jeanne Garnier, âgée de 24 ans, perd à quelques jours d’intervalle sa fille et son mari. Elle sombre dans le désespoir mais sa foi l’en sort peu à peu et elle cherche à rendre service. On lui propose de visiter une femme dont la misère est extrême, abandonnée de tous et couverte de plaies. Jeanne Garnier découvre là sa mission : panser les plaies, soulager, consoler les malades gravement atteints et ceux qui approchent de la mort. Deux autres veuves viennent la rejoindre.

En 1842, l’association des « Dames du Calvaire » naît. Elle receuille des femmes incurables atteintes de plaies vives dont l’hôpital ne veut plus. Les dames partagent la vie des malades et se consacrent totalement à leur service. Seul, le bien-être des malades compte pour elles. Jeanne Garnier meurt en 1853 mais peu à peu d’autres hospices en France vont voir le jour.

A Paris, en 1874, Madame Jousset fonde la Maison des Dames du Calvaire dans le quartier de Javel. L’hospice devient très vite trop petit. Grâce à des dons, en 1880, un terrain est acheté, à l’emplacement actuel de la Maison Jeanne Garnier, et des bâtiments construits. Sans le savoir, ces femmes ont été les pionnières des soins palliatifs en France. •

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 Lire l’interview.

Repères

 ANNÉES 1950-1960 : naissance des soins palliatifs en Grande-Bretagne.
 1986 : circulaire Laroque relative à l’organisation des soins et à l’accompagnement des malades en phase terminale.
 1987 : les premières unités de soins palliatifs sont créées en France. - 1999 : la loi Kouchner du 9 juin garantit un droit d’accès aux soins palliatifs pour toute personne en fin de vie.
 2003 : affaire Vincent Humbert. Une mission d’information parlementaire est menée avec un travail approfondi sur la question de l’euthanasie.
 2005 : Loi Leonetti du 22 avril. L’euthanasie reste interdite en France. La loi renforce les droits du patient à une fin digne, avec l’interdiction de toute obstination déraisonnable, et l’amélioration de l’accès aux soins palliatifs.
 2007 : on recense environ 3000 lits de soins palliatifs en France. (Chiffre encore insuffisant aux yeux des professionnels)
 2008 : une enveloppe de 30 millions d’euros sera attribuée aux soins palliatifs, un montant trois fois supérieur à l’effort réalisé ces dernières années (déclaration de Roselyne Bachelot du 17 octobre 2007).

Source : SFAP

La fin de vie

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