Homélie de Mgr Laurent Ulrich - Messe à Saint-Germain l’Auxerrois
Dimanche 16 octobre 2022 - Saint-Germain l’Auxerrois (1er)
– 29e dimanche du Temps Ordinaire – Année C
- Ex 17,8-13 ; Ps 120,1-8 ; 2 Tm 3,14 à 4,2 ; Lc 18,1-8
D’après transcription
Est-ce que Moïse levait les mains, dans un geste que les traditions religieuses connaissent bien pour manifester la prière, en levant les mains vers le ciel, ou bien est-ce que son geste était un peu un geste de vengeance à l’égard de ceux qui l’attaquaient ? On ne le sait pas. Est-ce que la veuve de l’Évangile, à l’instant, nourrissait dans son cœur des pensées de haine et de vengeance aussi ou d’imprécation contre ce juge qui ne lui rendait pas justice ? On ne le sait pas. Ce qui est certain, c’est que Moïse, au sommet de la colline, au plus près du Seigneur, avait à la main le bâton du Seigneur, le bâton de Dieu, qui était le signe très fort que c’était Dieu qui combattait dans cette guerre, cette bataille contre l’adversaire, contre l’ennemi Amalek. Ce qui est sûr, c’est que cette femme, à l’égard de ce juge, elle ne cessait pas, elle ne se décourageait pas, elle ne se lassait pas de venir, d’implorer, de demander qu’on lui fasse justice. Et c’est cela que Jésus met en scène dans cette parabole qu’il raconte. Et c’est cela que le récit qui concerne Moïse dans la première lecture dit également. C’est que tout cela c’est l’affaire de Dieu. Les combats qui sont menés, les demandes instantes pour que la justice arrive, c’est Dieu qui veut combattre avec les hommes pour cela.
Nous avons peut-être à mieux comprendre ce point. Il se trouve que, spontanément, on met Dieu de notre côté. Mais aujourd’hui, on trouve que c’est malséant, peut-être même un peu grossier, de vouloir annexer Dieu à nos combats, à nos désirs. Le mettre de notre côté pour qu’il fasse ce que nous demandons, ce que nous souhaitons, ce que nous attendons dans nos désirs parfois individualistes, égoïstes. Nous trouvons que quand les nationalismes s’en mêlent et qu’ils veulent mettre Dieu à leur service, au service de leur violence, au service de leurs conquêtes, cela n’est plus tolérable, cela trouble notre esprit de justice, notre esprit de paix, notre esprit d’encouragement à faire le bien, nous ne tolérons plus cela. D’ailleurs, dans notre monde, il y a beaucoup de gens qui, ne le tolérant plus, ont mis Dieu de côté dans les affaires du monde.
Il faut bien que nous prenions la chose autrement. Quand Jésus dit, à la fin du passage d’évangile que nous venons d’entendre, « le Fils de l’homme quand il viendra trouvera-t-il la foi sur terre ? » (Lc 18,8), il ne croit pas, il ne dit pas que plus personne ne lèvera les mains vers le ciel pour obtenir quelque chose qui lui convienne. Il dit : est-ce que vraiment nous aurons cherché à faire ce que Dieu veut ? Est-ce que vraiment c’est nous qui nous serons mis avec foi dans les idées, dans les projets de Dieu pour l’humanité tout entière ? Est-ce que nous aurons été vraiment capables de garder la foi, l’espérance et la charité qui transforment le cœur de l’homme ? Est-ce que notre prière est une prière pour nous laisser transformer le cœur et le rendre le plus possible proche du cœur de Dieu qui veut une humanité juste, une humanité belle, une humanité qui se bat pour des choses qui valent la peine et non pas pour des égoïsmes particuliers de chacun. Voilà l’invitation qui est faite. C’est Dieu qui combat pour nous. C’est Dieu qui combat pour notre justice. C’est Dieu qui combat pour notre amour fraternel. C’est Dieu qui combat pour la conversion de notre cœur à ses projets les plus humains – au meilleur sens du terme -, et les plus divins d’une certaine façon.
Alors, pour cela, nous avons bien besoin de lever les mains vers le ciel et nous le faisons spontanément pour que lui-même change notre cœur.
Aujourd’hui, ce dimanche, cette semaine, ce mois-ci, nous pensons à la mission lointaine, à la mission universelle de l’Église. Nous ne pouvons pas la penser comme une conquête sur les autres. Nous ne pouvons pas la penser comme une conquête de territoires nouveaux, comme une recherche, dirait-on, de part de marché supplémentaire. Mais nous la comprenons, cette journée mondiale, dans l’Esprit de Dieu, comme son désir le plus fort que soient connus son amour pour tous les hommes, son désir de les sauver tous, son désir de les rendre vraiment fraternels et unis en une seule famille humaine qu’il aime depuis la création et jusqu’à la fin du monde.
Alors nous avons besoin de lever les mains vers le Seigneur pour qu’il accueille notre demande : que notre cœur soit changé, retourné, tourné vers Lui et vers son désir. Demandons-le avec insistance au cours de cette eucharistie et chaque jour qui vient.
+Laurent Ulrich, archevêque de Paris.