Homélie du Cardinal André Vingt-Trois - Messe de rentrée des étudiants d’Île-de-France 2010
Mardi 16 novembre 2010 - Cathédrale Notre-Dame de Paris
Au cours de la messe de rentrée des étudiants d’Île-de-France, en présence de près de quatre mille jeunes, Mgr Vingt-Trois a rappelé que notre vie chrétienne est mise en route par le surgissement du Christ dans nos vies telles qu’elles sont, et que sa venue nous éveille à changer notre vie et à ne pas être tièdes.
– Ap 3, 1-6.14-22 ; Ps 14, 1-5 ; Lc 19, 1-10
Chers Amis,
« Celui qui a des oreilles, qu’il entende ce que l’Esprit dit aux Églises » (Ap 3, 6)
Nous avons entendu dans la première lecture cette phrase répétée plusieurs fois. Nous allons donc essayer d’entendre ce que l’Esprit dit aux Églises. La Parole de Dieu, comme vous le savez, accomplit ce qu’elle dit. Puisqu’elle nous parle d’entendre ce que l’Esprit dit aux Églises, elle nous donne le moyen de nous mettre à l’écoute de l’Esprit.
La Parole de Dieu met d’abord devant nous le personnage de Zachée. Il n’est pas très recommandable, un peu glauque, il s’est enrichi frauduleusement. Il est probable que les gens de Jéricho qui se massaient au bord de la route pour voir passer Jésus ne se pressaient pas de lui laisser la place, afin qu’il puisse Le voir de ses yeux, car, comble de malchance, Zachée était petit. Avec tout cela, pouvait-il espérer voir quelque chose ! Il était doublement handicapé pour s’approcher de Jésus : riche et malaimé, et petit. Il monte donc dans un sycomore et soudain, il va se passer quelque chose : Jésus pose son regard sur lui et lui dit : « Zachée, aujourd’hui il faut que je vienne chez toi » (Lc 19, 5).
Chacun de nous a ses handicaps qui le gênent pour rencontrer le Christ. Nous ne sommes pas tous riches, nous sommes le plus souvent honnêtes et il arrive que nous soyons grands. Mais nous avons d’autres faiblesses. Et nous avons besoin que le regard de Jésus se porte sur nous, qu’il nous interpelle et qu’il s’invite dans notre vie. Même si nous avons fait une part du chemin, même si nous essayons d’être chrétiens et de mettre en pratique la Parole de Dieu, tout cela ne suffit pas. Il faut que ce soit Lui qui vienne chez nous. Ce soir encore, vous vous êtes déplacés pour venir dans cette cathédrale et pourtant c’est Lui qui vient chez vous, ce n’est pas vous qui allez chez Lui. Il s’invite et vient prendre sa place dans votre vie.
Et à partir de cette interpellation inimaginable et inespérée, Zachée se précipite, ouvre sa maison et organise un repas où le Christ va partager la table des pécheurs. C’est là notre grande espérance : Jésus est venu pour partager la table des pécheurs et non pour fréquenter les gens recommandables et mis en vedette. Il est venu pour toucher nos blessures, pour se pencher sur nos faiblesses et pour nous mettre debout. « Zachée aujourd’hui, il faut que je reste chez toi ».
Un jour, dans le passé, ou ce soir, ou dans l’avenir, une fois ou à plusieurs reprises, vous avez entendu cette parole du Christ : « Bruno, Estelle, Martine, Jérémie, ce soir il faut que je demeure chez toi. »
« Celui qui a des oreilles, qu’il entende ce que l’Esprit dit aux Églises ». Aujourd’hui le Christ dit à chacun d’entre vous : « je veux être avec toi, je veux demeurer chez toi ». Peut-être n’êtes-vous pas très nets ? Peut-être que chez vous, tout n’est-il pas très bien rangé ? Peut-être n’êtes-vous pas très propres ? Peut-être avez-vous des handicaps dans votre paquetage ? Mais c’est bien vous qu’Il choisit et c’est chez vous qu’Il va venir, à votre table.
Cette visite, évidemment, change beaucoup de choses. C’est ce que l’on appelle la conversion. Zachée dit : « je vais rendre ce que j’ai volé en donnant une partie de mes biens aux pauvres » (Lc 19, 8). Et nous, qu’avons-nous à changer ? Si Jésus vient demeurer chez moi ce soir, que dois-je changer ? Suis-je désireux de changer quelque chose ? Au fond, votre cœur est-il tiède, ni chaud ni froid ? N’êtes-vous ni assez chauds pour être de vrais témoins du Christ, ni suffisamment froids pour vous détourner de Lui ? Etes-vous tièdes, juste assez pour pouvoir dire « je suis chrétien », mais sans que cela change grand-chose ?
Alors, il faut que quelque chose bouge. Il faut choisir. On ne peut pas en même temps être avec Lui et sans Lui. On ne peut pas en même temps le suivre et s’éloigner de Lui, demeurer avec Lui et vivre comme s’il n’était pas là, avoir de sentiments chrétiens et une conduite païenne. On ne peut pas en même temps être chaud et froid.
« Sois vigilant, raffermis ce qui te reste et qui est en train de mourir » (Ap 3, 19). Dans tout ce que vous avez reçu, il y a certaines choses que vous laissez dormir tranquillement dans un coin, car vous avez autre chose à faire et que ce n’est pas le moment de les sortir. Il y a d’autres dons que vous avez oubliés, et d’autres que vous laissez doucement disparaître. Soyez vigilants, raffermissez ce qui reste en vous, ne laissez pas mourir la flamme, l’espérance et la joie. N’étouffez pas la Parole : « Que celui qui a des oreilles entende, ce que l’Esprit dit aux Églises » (Ap 3, 22).
Aujourd’hui, puisque nous sommes dans un début d’année, je vous invite à accueillir le Christ dans votre maison, dans votre vie de cette année, à partager avec Lui le repas. Jésus déclare que « Aujourd’hui le salut est arrivé dans cette maison » (Lc 19, 9), parce que Zachée s’est converti, qu’il a donné son bien aux pauvres et rendu quatre fois plus à ceux à qui il avait fait du tort. Aujourd’hui le salut entre dans votre vie pour faire toute chose nouvelle, pour réchauffer ce qui est refroidi, pour redresser ce qui est tordu, pour affermir ce qui est en train de s’épuiser, pour vous permettre d’accueillir la Parole du Christ, d’entendre son appel, d’y répondre et de trouver la joie de recevoir Jésus à votre table, dans votre maison.
« Seigneur, je fais don aux pauvres de la moitié de mes biens » (Lc 19, 8). Seigneur, aujourd’hui, je fais don de ce que je suis, de ce que je peux donner. J’accueille cette Parole qui me réveille pour être vigilant. Je reconnais ce qu’il faut changer dans ma vie pour être véritablement un témoin du Christ, pour n’être pas tiède, pour être rempli de la force de l’Esprit.
En silence, prions les uns pour les autres. Que le Seigneur accomplisse ce qu’il a dit aux Églises par son Esprit.
+ André cardinal Vingt-Trois
Archevêque de Paris