Homélie du cardinal André Vingt-Trois - Messe avec groupe de jeunes du diocèse de Paris aux JMJ de Rio (Brésil)
Lundi 22 juillet 2013 - à Pétropolis (Brésil)
Mémoire de Sainte Marie-Madeleine
– 2 Co 5, 14-17 ; Ps 62 ; Jn 20, 1.11-18
Frères et Sœurs,
Avec les apparitions du Christ Ressuscité nous sommes au premier stade de l’annonce de l’Évangile pour laquelle il envoie ses disciples à travers le monde, et puisque Marie-Madeleine est l’une des premières à faire cette rencontre du Christ Ressuscité, elle peut nous aider à mieux comprendre quel est le noyau fondateur de l’envoi missionnaire. Il ne s’agit pas simplement pour le Christ d’instaurer ou d’organiser un réseau de diffusion à partir du moment où il ne serait plus là, il ne s’agit pas d’envoyer des représentants sur le modèle des représentants commerciaux, mais il s’agit d’envoyer des témoins. La qualité première du témoin c’est l’authenticité de l’événement auquel il a participé. C’est pourquoi, la phase initiale de l’envoi en mission est cette rencontre personnelle avec le Christ Ressuscité, plus simplement avec Jésus de Nazareth : Jésus de Nazareth mort et ressuscité qui est toujours Jésus de Nazareth, mais qui n’est déjà plus seulement Jésus de Nazareth. C’est pourquoi, Marie en le voyant ne le reconnaît pas, comme nous le voyons dans d’autres passages des évangiles qui nous rapportent la rencontre du Ressuscité avec ses disciples. Elle ne reconnaît pas Jésus, selon la chair, pour reprendre l’expression de l’épître de Saint Paul : « Nous ne connaissons plus personne à la manière humaine si nous avons compris le Christ à la manière humaine maintenant, nous ne le comprenons plus ainsi parce qu’il a inauguré un monde nouveau. »
La question n’est donc pas de savoir si nous sommes d’abord des bons connaisseurs de l’histoire de Jésus de Nazareth pour avoir lu et relu les évangiles. C’est très bien, mais cela peut ne rester qu’une connaissance humaine. La question n’est pas de savoir si on rassemble une documentation exceptionnelle autour de ce qu’était la Palestine au temps du Christ, cela peut être utile mais ce n’est qu’une connaissance humaine. La question n’est pas de savoir si on va trouver quelque part une image qui représente le visage du Christ, cela peut aider à prier mais cela n’est qu’une connaissance humaine. Il ne s’agit pas d’entrer dans une connaissance humaine, mais d’entrer dans une connaissance selon l’Esprit, c’est-à-dire de faire l’expérience personnelle de la rencontre avec le Christ. Quand Jésus dit à Marie son nom, elle reconnaît celui qu’elle a connu selon la manière humaine quand il venait manger chez Marthe et Lazare dans leur maison, et voilà que maintenant c’est le même qui s’adresse à elle, « “ Marie ”, Elle se tourne vers lui et lui dit “ Rabbouni ! ” ce qui veut dire “ Maître ” dans la langue des Juifs » (Jn 20, 16).Cela veut dire : tu n’es plus simplement l’ami de mon frère Lazare, tu n’es plus simplement quelqu’un qui vient manger à la maison, tu n’es plus simplement quelqu’un que j’ai connu à travers différentes rencontres, tu es le Maître, tu es quelqu’un qui change le cours de ma vie. « Va plutôt trouver mes frères pour leur dire que je monte vers Mon Père et votre Père », mon Dieu et votre Dieu, et va annoncer aux disciples « j’ai vu le Seigneur, et voilà ce qu’il m’a dit » (Jn 20, 17-18).
Ainsi nous sommes invités à vivre cette expérience fondatrice de la mission : la rencontre personnelle avec le Christ, non pas simplement l’évocation de notre savoir sur Jésus de Nazareth et ses environs, non pas simplement l’idée que nous nous faisons de Jésus, non pas simplement des souvenirs d’images que nous avons de Jésus, mais la rencontre personnelle avec le Christ, là où il nous appelle par notre nom, comme il a appelé « Marie ». Dans le silence de notre cœur, sa voix rejoint notre voix, et il nous dit : toi, Eric, Cyril, Thomas, Agnès, Sophie, Elodie, Mathilde… C’est vous qu’il appelle, chacun d’entre vous par son nom. Non pas pour vous faire croire quelque chose de différent, mais pour vous aider à comprendre que celui qui se propose à vous au cours de ces Journées Mondiales de la Jeunesse, est quelqu’un de tout à fait nouveau, une créature nouvelle, quelqu’un qui a franchi l’obstacle de la mort et qui vient pour la vie du monde.
Et dans cette mission pour la vie du monde, il nous appelle, chacun d’entre nous, pour que nous participions à sa mission. « Va donc annoncer aux disciples j’ai vu le Seigneur et voilà ce qu’il m’a dit » (Jn 20, 18). Pendant ces quelques jours, vous avez l’opportunité de venir une nouvelle fois à cette rencontre du Seigneur. Évidemment pas physiquement, mais au plus profond de votre cœur, une nouvelle fois vous allez voir le Christ, vous allez entendre le Christ, vous allez accueillir la parole du Christ. Et c’est cette expérience très forte de communion avec la présence du Christ, avec sa parole et avec sa mission qui va constituer le socle sur lequel va s’appuyer la mission pour laquelle vous êtes envoyés annoncer la Bonne Nouvelle à toutes les nations.
Rendons grâce à Dieu qui nous permet de faire cette expérience forte de sa présence à plusieurs moments de notre vie, rendons grâce à Dieu que le Christ soit quelqu’un pour nous, rendons grâce à Dieu que sa parole touche nos cœurs et acceptons d’être envoyés par lui pour témoigner de ce que nous aurons vu et entendu.
Amen.
+ André Vingt-Trois, archevêque de Paris.