Homélie du cardinal André Vingt-Trois - Messe à Notre-Dame des Victoires pour la fête de Sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus
Mardi 1er octobre 2013 - ND des Victoires (Paris IIe)
La petite voix, la voix d’enfance dans la spiritualité de sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus est une voix de purification, de simplification, de réalisme devant nos petites possibilités et devant la grandeur de ce que Dieu accomplit à travers la faiblesse des hommes.
– Rm 8, 14-17 ; Ps 130 ; Mt 18, 1-5
Frères et Sœurs,
Cette parole du Christ est très simple. Nous savons tous ce qu’est un enfant. Quand Jésus nous dit qu’il faut devenir comme des petits enfants pour accueillir le Royaume, nous comprenons très bien ce qu’Il veut dire. Et pourtant, nous savons que cela n’est pas si facile. Vous vous rappelez sans doute qu’au début de l’évangile de saint Jean, dans le dialogue entre Jésus et Nicodème, quand Jésus dit qu’il faut « naître à nouveau », Nicodème pose la question : mais qu’est-ce que cela veut dire de naître à nouveau quand on est déjà vieux, peut-on revenir dans le sein de sa mère ? Est-ce que pour accueillir le Royaume de Dieu il faut opérer une régression infantile, revenir vers un âge enfantin pour être capable d’y entrer ? L’un des traits caractéristiques de la sainteté de sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus, c’est précisément qu’elle a incarné dans sa vie une illustration de cette parole du Christ dans l’évangile, elle a montré ce que cela voulait dire être un enfant devant Dieu.
Nous connaissons suffisamment l’histoire de sa vie pour savoir comment cette expérience de la petitesse, de la faiblesse, de la fragilité ont marqué la psychologie de sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus. Cela s’enracinait dans l’expérience traumatisante de sa petite enfance, où elle avait été privée de l’affection de sa mère et devait retrouver difficilement qui allait la protéger, qui allait être son ange protecteur. C’est comme cela que peu à peu, à la surprise de beaucoup, à travers des expériences de communion intense avec le Christ dans sa psychologie d’enfant, elle a découvert et elle a expérimenté le mûrissement d’un chemin de liberté. Ce chemin de liberté correspondait à la relation qu’elle découvrait avec Dieu comme père. Et l’on est surpris en considérant l’histoire de sa vie, de la fermeté et de la maturité de sa décision au moment de suivre ses sœurs au Carmel, de voir comment elle réussit à obtenir du Pape une bénédiction pour franchir prématurément les portes du couvent.
Ce serait une erreur complète d’interpréter ces démarches de sainte Thérèse dans une sorte de vision enfantine du monde. C’est au contraire parce qu’elle a acquis une réelle maturité qu’elle peut avancer avec autant de certitude et de fermeté, non pas sur ses forces qu’elle connaît faibles, et dans lesquelles elle n’a pas confiance, mais en comptant sur la fidélité de Dieu et la puissance de Dieu à l’œuvre dans sa faiblesse. Pendant les quelques années de vie religieuse qu’elle a vécues au Carmel, cette gravité, cette fermeté et cette maturité n’ont fait que croître à mesure qu’elle comprenait davantage combien son jeune âge, sa faiblesse, son état maladif qui s’est révélé très vite, la souffrance endurée à la fin de sa vie, combien tout cela concourait à mieux lui faire découvrir la puissance de celui qui la tenait dans sa main et qui lui permettait de vivre.
Ainsi, ce que l’on a appelé la petite voix, la voix d’enfance, dans la spiritualité de sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus est une voix de purification, de simplification, de réalisme devant nos petites possibilités et devant la grandeur de ce que Dieu accomplit à travers la faiblesse des hommes. Nous savons aussi comment cette spiritualité de l’enfance, que sainte Thérèse a vécue pour elle-même et dont elle a porté témoignage, a pu contribuer à développer parmi les chrétiens une meilleure compréhension de leur propre condition d’enfants de Dieu et de leur confiance dans la paternité divine comme nous y invitait l’épître aux Romains tout à l’heure : « Dieu ne nous a pas appelés à devenir des esclaves » (Rm 8, 15) mais à devenir des enfants, confiants dans l’amour miséricordieux et fidèle de Celui qui nous a appelés à la vie et qui nous appelle à la sainteté.
C’est donc dans cette même confiance que nous rendons grâce au Seigneur et que nous unissons notre prière à celle de toutes les carmélites qui célèbrent aujourd’hui la fête de sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus.
Amen.
+ André cardinal Vingt-Trois, archevêque de Paris.