Homélie du cardinal André Vingt-Trois - Veillée de prière et eucharistie du Grand Pardon de ND du Folgoët

Samedi 7 septembre 2013 - Notre-Dame du Folgoët (Finistère)

A l’exemple de la Vierge Marie, nous sommes invités à écouter la Parole de Dieu et à la laisser transformer notre vie. Elle fera de nous des signes et des témoins de la présence du Christ en ce monde.

 Ch 15, 3-4.15-16 ; 16, 1-2 ; Ps 131 ; Lc 11, 27-28

Le roi David était tout à fait au début de son règne, et Israël se constituait peu à peu comme un peuple, comme le royaume de David. La présence de l’Arche au milieu de Jérusalem était le symbole de l’alliance que Dieu avait conclue avec son peuple et le signe de la présence de Dieu à son peuple. C’est pourquoi la joie qui éclate au milieu de Jérusalem ne vient pas simplement du couronnement de David ou de la naissance de son royaume, la joie qui éclate au milieu de son peuple vient de la présence de Dieu. Et c’est pour glorifier cette présence de Dieu que le fils de David construira un temple magnifique à Jérusalem, ce temple qui sera détruit et reconstruit, et dont Jésus dira qu’il est la maison de Dieu, une maison de prière. Ce qui fait la joie du peuple de Dieu, c’est que Dieu est au milieu de lui, mais la manière de voir que Dieu est au milieu de lui va beaucoup changer. Après l’Arche d’Alliance qui avait contenu les Tables de la Loi reçues par Moïse, après la Tente de la présence qui avait été le signe de Dieu au milieu du désert, après le temple de Salomon au milieu de Jérusalem, Dieu va se rendre présent à son peuple et à l’humanité d’une manière extraordinaire. Il ne s’agira plus d’un symbole, d’un signe qui évoquera la présence de Dieu, il s’agira de la présence de Dieu lui-même, Jésus de Nazareth, Fils de Dieu, vivant au milieu des hommes dont Il se fait proche, comme le samaritain dont nous avons entendu tout à l’heure qu’il se faisait proche de l’homme qui perdait sa vie au bord du chemin, Jésus se fait proche de l’humanité qui perd sa vie. Et pour qu’il puisse se faire vraiment proche de cette humanité, il ne faut pas qu’il y arrive comme un météorite qui vient d’où on ne sait, ni comment ! Il faut qu’il naisse comme un homme, du corps d’une femme. Et c’est pourquoi Dieu envoya son Ange à Marie pour lui demander d’être la mère de son Fils : « qu’il me soit fait selon ta parole » (Lc 1, 38), et c’est ainsi qu’elle mit au monde Jésus de Nazareth, Fils de Marie, Fils de Dieu.

La naissance de Jésus de Nazareth, Fils de Marie, Fils de Dieu, c’est la naissance de Dieu au milieu de l’humanité, Dieu est venu chez lui, il a habité parmi les hommes. Et les gens qui voyaient Jésus faire des miracles et qui écoutaient sa parole, découvraient qu’il y avait chez cet homme quelque chose d’extraordinaire que l’on ne rencontrait chez aucun des prédicateurs ou des rabbins que l’on entendait. C’est pourquoi cette femme dans la foule s’écrie : « heureuse celle qui t’a porté et qui t’a nourri » (Lc 11, 27-28). Nous aussi nous disons que Marie est heureuse mais nous savons que la source du bonheur de la Vierge Marie, la source de sa joie ce n’est pas simplement d’avoir donné la vie à Jésus de Nazareth, c’est de l’avoir fait en accueillant la parole de Dieu et en la mettant en pratique. Heureuse plutôt celle qui écoute la parole de Dieu et qui la garde.

En ce jour où nous fêtons la Vierge Marie, nous devons regarder d’abord cet acte de foi par lequel elle croit ce que Dieu lui dit, cet acte de foi en la parole de Dieu qui va bouleverser sa vie, cet acte de foi en la présence de Dieu à travers sa parole. Et l’Église qui est témoin de cette présence de Dieu au long des âges sait qu’elle ne peut exercer sa mission qu’en étant porteuse de la parole de Dieu, en accueillant la parole de Dieu, en la gardant, en la mettant en pratique et en la partageant. Quand nous voulons travailler à la mission de l’Église, quand nous souhaitons que l’Église soit plus vivante, quand nous désirons qu’elle rende mieux témoignage à l’amour de Dieu pour les hommes, nous devons d’abord nous tourner vers la parole que Dieu nous adresse et qu’Il adresse à l’humanité. C’est pourquoi, tout rassemblement d’Église se constitue autour de cette parole de Dieu, toute communauté chrétienne s’engendre, se développe et se fortifie quand elle se nourrie de la parole de Dieu. Nous le faisons, j’allais dire sans y penser, chaque dimanche, quand nous participons à la messe et que nous entendons les lectures de la parole de Dieu. Ces lectures ne nous sont pas données simplement pour nous aider à nous remémorer des histoires, elles nous sont données parce qu’en les recevant et en les intégrant, en les intériorisant, nous devenons le Corps du Christ, nous devenons la présence du Christ en ce monde. Comme toujours au cours de l’eucharistie, quand la parole du Chris transforme le pain en son Corps et le vin en son Sang, nous recevons la présence de Dieu à travers la parole du Christ. Cette parole est garantie par ceux qui la prononcent, qui ont reçu la puissance de l’Esprit-Saint pour la prononcer pour la vie de toute l’Église, les prêtres du Seigneur non pas parce qu’ils sont de la tribu d’Aron, mais parce que l’Esprit-Saint leur a été donné pour être témoins de cette parole active, de cette parole qui transforme le pain et le vin. Comme elle transforme le pain et le vin, elle transforme aussi notre vie, elle fait de nous des signes et des témoins de la présence du Christ en ce monde.

Si nous sommes heureux de nous retrouver, ce n’est pas pour la chaleur que nous nous communiquons les uns aux autres, c’est parce qu’en nous retrouvant, nous sommes rassemblés autour de cette parole de Dieu qui renouvèle notre vie et qui fait de nous des témoins de son amour.

Frères et sœurs, en participant à ce pardon vous avez fait un chemin, certains en voiture, d’autres à pieds, mais vous êtes venus, de toutes parts, non pas simplement pour satisfaire à une ancienne tradition, non pas simplement pour retrouver les émotions de votre jeunesse ou pour découvrir quelque chose d’un peu bizarre et ésotérique… vous êtes venus pour recevoir la parole de Dieu, vous êtes venus appelés par la parole de Dieu au fond de votre cœur. Vous êtes venus pour recevoir la parole de Dieu proclamée au cours de notre liturgie, et vous êtes venus pour emporter cette parole de Dieu et la partager au monde.

Comment gardez-vous la parole de Dieu ? Est-ce que la parole de Dieu pour vous c’est un livre ? Est-ce que c’est une bible cachée dans votre armoire ou au fond du tiroir d’une commode ? Est-ce que ce sont quelques feuilles arrachées ici ou là, où trainent des phrases de l’Écriture ? Ou bien est-ce que c’est vraiment Dieu qui parle à vos cœurs ? Est-ce que c’est vraiment Dieu qui parle de vous aux autres et des autres à vous ? Est-ce que c’est vraiment Dieu qui vient vous dire quelque chose sur votre vie ? La parole de Dieu n’est pas cachée, elle n’est pas sur des hautes montagnes, elle n’est pas dans le lointain, elle est toute proche, elle est dans ton cœur et sur tes lèvres, elle est la prière que tu dis le soir ou le matin, elle est telle phrase de l’Évangile qui remonte à ta mémoire, elle est simplement le murmure secret qui monte dans ton cœur quand tu penses à Dieu. La parole de Dieu nous environne, nous entoure, nous porte, elle nous pousse et elle nous envoie.

Alors puisque ce soir vous avez reçu cette parole comme tant de fois au long de votre vie, qu’une fois de plus cette parole devienne nourriture, qu’une fois de plus cette parole devienne présence du Christ, qu’une fois de plus cette parole fasse de vous des témoins qui partagent avec leurs frères les richesses qu’ils ont reçues. Que la Vierge qui a accueilli totalement la parole de Dieu, qui a répondu totalement à la parole de Dieu, qui s’est laissée conduire toute entière par la parole de Dieu, accompagne notre écoute de la parole de Dieu, notre accueil de la parole de Dieu, et les changements que la parole de Dieu doit provoquer en notre vie.

Amen.

+ André cardinal Vingt-Trois, archevêque de Paris.

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