Homélie du cardinal André Vingt-Trois - Messe d’ordination de quatre Diacres Permanents en la cathédrale Notre-Dame - Fête de Saint Denis et de ses compagnons

Samedi 5 octobre 2013 - Notre-Dame de Paris

La mission de l’Église est à la fois prophétique et pastorale, annoncer l’avènement du salut et accompagner l’humanité dans sa réponse aux dons. Les diacres permanents sont associés par leur ordination à cette mission, en particulier aux périphéries comme le répète souvent le Pape François.

 Voir l’album-photos de la célébration.

 Is 52, 7-10 ; Ps 95 ; Jn 10, 11-15

Frères et Sœurs,

Une tradition ancienne, dont sans doute bien des historiens pourraient sourire tant elle est difficile à vérifier scientifiquement, mais dont les théologiens et les croyants s’inspirent dans leur prière, nous dit que saint Denis, le fondateur de notre Église, était entouré de deux compagnons, Rustique et Éleuthère. Cette tradition voulait voir dans ces deux compagnons un prêtre et un diacre, sans doute pour nous aider à comprendre que ce qu’il y a d’exceptionnel dans la vie de saint Denis n’est pas lié simplement à sa personne, mais lié à sa mission de l’Église dont il avait reçu la charge. Cette mission de l’Église, nous en avons un éclairage à travers les lectures que nous venons d’entendre, elle consiste à annoncer le salut à l’humanité. « Il est beau de voir courir sur les montagnes le messager qui annonce la paix, le messager de la bonne nouvelle, qui annonce le salut » (Is 52, 7). C’est la première mission de l’Église d’être messagère de cette bonne nouvelle et d’annoncer le salut aux hommes à travers les épreuves qu’ils traversent. Cette mission se prolonge et s’accomplit à travers la mission du Christ bon pasteur qui livre sa vie pour ses brebis. La mission de l’Église est donc à la fois une mission prophétique, une mission de veilleur chargé d’annoncer l’avènement du salut, et une mission pastorale, une mission de soin pour accompagner l’humanité dans sa réponse aux dons de Dieu.

Ces deux dimensions de la proclamation de la bonne nouvelle du salut et de l’accompagnement pastoral des hommes constituent les références de notre vie ecclésiale à travers les siècles, et aujourd’hui, encore, pour nous, comme nous le manifeste de façon aussi simple et directe les interventions de notre pape au cours des semaines et des mois écoulés, quand il nous invite à centrer toute notre expérience chrétienne sur la personne du Christ et quand il nous invite à être témoins et acteurs de la miséricorde de Dieu à l’égard des hommes.

Annoncer et servir, annoncer et prendre soin, proclamer la bonne nouvelle et donner tout ce que l’on a, tout ce que l’on est, pour aider les hommes à répondre à cette bonne nouvelle.

C’est dans ce contexte, et en célébrant la fête de notre fondateur, que j’ordonne avec joie quatre nouveaux diacres pour le service du diocèse de Paris. Et les missions qu’ils recevront devront leur permettre d’accomplir, de prendre part, à cette mission de l’Église, d’annoncer la bonne nouvelle et de prendre soin de l’humanité.
En voyant tout à l’heure l’ensemble des diacres permanents avancer en procession pour accompagner le livre des Évangiles, nous avions comme une image et une parabole d’un aspect de leur ministère. Ils marchent devant la Parole du Christ pour porter la Parole du Christ et l’annoncer au monde. Et leur marche est une lumière qui avance dans le peuple chrétien et à travers le peuple chrétien dans l’humanité. Ordonnés au diaconat, vous êtes ordonnés à être serviteurs de cette Parole de Dieu pour le monde, guetteurs et annonceurs de la venue du salut, et ce ministère de vigilance et d’annonce est déjà une lumière pour les hommes et une espérance.

Nous essayons, à travers la vie de toutes nos communautés chrétiennes, de porter cet évangile, mais nous savons que le témoignage rendu par des ministres ordonnés dans les conditions ordinaires de l’existence, d’une vie professionnelle ou d’une vie familiale, a une toute autre portée. Ainsi, comme vos prédécesseurs, vous avez pu constater comment le fait de vous engager à répondre à l’appel du Christ pour être ordonnés diacres constituait comme une sorte de signal par rapport à ceux qui vous entourent. Le signal d’une proximité à laquelle ils ne pensaient peut-être pas, d’une proximité non seulement avec l’Église, mais avec la Parole de Dieu dont l’Église est porteuse. Comme aussi, votre entourage, vos amis, votre famille, reçoivent l’exercice du ministère comme un signe qui leur parle. Annoncer la bonne nouvelle du salut, accompagner les hommes pour accueillir cette bonne nouvelle du salut, nous savons, peut-être à Paris plus qu’en d’autres endroits, compte-tenu des conditions particulières d’une grande agglomération, nous savons combien beaucoup d’hommes et de femmes aujourd’hui, non seulement n’ont pas l’annonce de la bonne nouvelle du salut, mais n’ont pas les moyens personnels de répondre à cette annonce. Nous savons que l’écart entre la parole qui est prononcée et la parole qui est entendue suppose qu’il y ait des personnes qui soient des pédagogues, des intermédiaires, des accompagnateurs, des compagnons de route qui puissent rendre cette parole accessible, audible, et lui redonner sa vigueur d’espérance.

Le Pape François nous parle souvent, depuis qu’il a été élu, de la mission de l’Église aux périphéries du monde, aux périphéries géographiques, aux périphéries sociologiques, aux périphéries personnelles, psychologiques. Beaucoup de gens se dessèchent parce qu’ils séjournent autour de ces périphéries, sans que nous soyons toujours capables de les rejoindre et de leur parler, ou tout simplement sinon de leur parler au moins d’être proches d’eux et de manifester par notre proximité que l’amour de Dieu n’est pas seulement une promesse pleine d’espérance, mais que c’est une réalité présente et actuelle. C’est pourquoi dans le ministère des diacres, on privilégie toujours autant qu’on le peut les missions qui leur permettent d’exercer leur ministère dans ces périphéries de l’existence, où peut-être plus qu’ailleurs les défaillances, les lacunes, les vicissitudes de l’histoire rendent plus difficiles d’entendre l’annonce du salut.

En célébrant aujourd’hui votre ordination diaconale, nous rendons grâce en même temps pour ceux qui m’entourent, les diacres déjà ordonnés dont c’est le jubilé, parce qu’ils ont été ordonnés il y a 25 ans ou 10 ans, mais ceux qui ont été ordonnés en dehors d’une date significative peuvent aussi rendre grâce et célébrer le mémorial de leur ordination ! C’est donc avec une joie toute particulière que nous recevons à travers vous un renouveau de la mission confiée à l’Église d’être porteuse de la bonne nouvelle du salut, messagère de la paix, témoin de l’espérance et de donner, à travers la présence effective de ses ministres au milieu des hommes, dans les charges, les contraintes et les combats de l’existence, le signe que Dieu vraiment s’est fait proche de l’humanité et qu’Il veut être proche d’elle jusqu’au bout.

Pendant quelques instants de silence, je vous invite à prier pour ceux qui vont être ordonnés, pour ceux qui célèbrent l’anniversaire de leur ordination, et pour tous ceux qui se posent la question de pouvoir un jour répondre à cet appel, et je vous demande de prier pour toute notre Église, pour qu’elle soit davantage fidèle à sa mission de témoin de la bonne nouvelle du salut et de compagne pour accompagner l’humanité blessée dans sa réponse à cette bonne nouvelle.

Amen.

+ André cardinal Vingt-Trois, archevêque de Paris.

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