Homélie du cardinal André Vingt-Trois - Messe à St Marcel pour la fête patronale et bénédiction de la statue de Jésus bon Pasteur - 33e dimanche du temps ordinaire - Année C

Dimanche 17 novembre 2013 - St Marcel (Paris XIIIe)

Au terme de l’année liturgique et de l’Année de la foi, l’évangile de Luc nous invite à regarder le découlement das événements du monde, non comme une succession de faits chaotiques, mais comme l’accomplissement de ce que Dieu veut accomplir avec nous.

 MI 3, 19-20 ; 2 Th 3, 7-12 ; Lc 21, 5-19

Frères et Sœurs,

La fin de l’Année de la Foi coïncide, et c’est ainsi que Benoît XVI avait voulu en fixer les bornes, avec la fin de l’année liturgique puisque dimanche prochain sera le dernier dimanche avant que nous entrions dans l’avent. Cette fin de l’année liturgique, comme tout le déroulement du cycle liturgique qui nous conduit à parcourir les différentes étapes de la vie du Christ et le déploiement du mystère du salut, oriente notre regard vers la fin des temps. C’est pourquoi nous avons entendu cette lecture de l’évangile de saint Luc sur les temps du retour du Christ, sur les derniers temps. Évidemment, comme vous l’entendez régulièrement en écoutant les radios ou les télévisions, ou que vous lisez un certain nombre de livres, les hommes sont toujours curieux et préoccupés de savoir ce qu’il va se passer, et surtout quand cela va se passer.

Justement, dans l’évangile, le Christ nous explique qu’il n’y a ni jour ni lieu à connaître car ce qu’il va se passer est déjà commencé : c’est ce qu’il se passe dans l’histoire des hommes ! On peut imaginer, comme les prophètes l’avaient annoncé, que la fin des temps sera précédée par des événements extraordinaires, mais si nous regardons et si nous réfléchissons sur ce que nous vivons, nous nous apercevons que ces événements extraordinaires, nous les avons déjà, nous pouvons déjà les identifier. « On se dressera nation contre nation, royaume contre royaume » (Lc 21, 10), nous voyons bien à travers les siècles, que ce soit dans le siècle écoulé vécu en Europe, et aujourd’hui encore dans d’autres parties du monde, se dresser les nations contre les nations, les royaumes contre les royaumes, et cette hostilité, cette violence entre les peuples se traduisent par la cruauté de la guerre. Aujourd’hui le Président de la République commence un voyage officiel en Israël. Depuis 1948, c’est-à-dire plus de 60 ans, cette région est en guerre ! « Il y aura de grands tremblements de terre » (Lc 21, 11), il y a régulièrement non seulement des tremblements de terre mais des phénomènes naturels qui dévastent des régions entières comme cela vient d’être le cas aux Philippines, comme c’est le cas chaque année quelque part. Tous les ans, il y a des typhons, des ouragans, des tremblements de terre, quelques fois des éruptions volcaniques. « Des épidémies de peste et des famines » (Lc 21, 11), nous savons qu’il y a une proportion importante de la population humaine qui vit sans le seuil minimal de nourriture pour survivre. La famine n’est pas quelque chose du passé comme c’est le cas en Europe, mais c’est quelque chose très présent à travers le monde. « Des faits terrifiants surviendront, et de grands signes dans le ciel » (Lc 21, 11)

Ces événements extraordinaires ne sont pas simplement des événements de la fin des temps ! Ou alors il faut dire que la fin des temps est commencée, que nous sommes entrés dans cette période où la manifestation du Christ dans sa gloire se réalise, et nous en avons des signes annonciateurs ! Aussi quand les disciples demandent à Jésus « Maître, quand cela arrivera-t-il, et quel sera le signe que cela va se réaliser ? » (Lc 21, 7) nous voyons les signes que c’est en train de se réaliser. Mais cela ne se réalise pas en une heure, en un jour, en une année ! C’est une réalisation, un accomplissement qui se déploient à travers l’histoire des hommes, et la question pour nous, c’est évidemment de savoir comment nous comprenons ces événements, ces faits terrifiants, ces événements extraordinaires qui bouleversent la vie des hommes et qui plongent beaucoup dans le malheur. On peut les interpréter simplement comme une sorte de fatalité : il y a toujours du mal à l’œuvre dans le monde. Mais on peut les interpréter aussi comme le signe que quelque chose est en train de se produire, quelque chose est en train d’advenir, que nous ne voyons pas encore, que nous ne sommes pas capables de dater, de situer dans le temps et l’espace mais quelque chose est en train de se réaliser : la venue du Christ dans sa gloire.

Si nous regardons les événements qui surviennent dans le monde à la lumière de cet acte de foi, il nous faut considérer aussi les événements qui surviennent dans notre vie à la lumière de cette foi dans le retour du Christ. Il nous faut comprendre qu’à travers ce qui nous arrive, d’heureux ou de malheureux, de bénéfique ou de maléfique -dans chaque vie il arrive des événements imprévus, insoupçonnés, imprévisibles, de joie ou de peine, des événements qui apportent la vie, comme la naissance d’un enfant, ou des événements qui apportent la mort, comme le décès de quelqu’un-, ce n’est pas simplement un accident qui survient dans notre vie, c’est un signe qui fait partie de ces faits surprenants exprimant pour celui qui croit, le retour du Christ. Nous sommes donc invités à vivre les événements de notre vie, de notre pays, de la vie du monde, non pas dans la crainte et la terreur, nous n’avons « pas à nous soucier de notre défense » (Lc 21, 14), comme nous dit le Christ, mais dans la persévérance, non pas la persévérance par ignorance, la persévérance parce que l’on ne comprendrait pas ce qu’il se passe, mais la persévérance de la foi, c’est-à-dire la certitude que Dieu n’abandonne pas les hommes et qu’à travers ces événements il trace un chemin qui nous apportera, comme le disait le prophète Malachie « la guérison dans son rayonnement » (MI 3, 20).

C’est cette guérison que Dieu est en train d’accomplir à travers l’histoire, c’est cette guérison à laquelle il nous demande de participer, c’est cette guérison en laquelle nous croyons, qui nous permet de vivre à travers les événements de notre existence, non pas dans la crainte et le tremblement, mais dans la confiance et la sérénité parce que nous savons que Dieu ne laissera tomber aucun cheveu de notre tête.

Ainsi, frères et sœurs, quand nous arrivons au terme de cette Année de la Foi, nous sommes invités à regarder le déroulement des événements du monde, non pas comme une sorte de succession de faits chaotiques qui n’auraient aucun lien les uns avec les autres, mais comme l’accomplissement de ce que Dieu veut réaliser avec nous, et l’appel qu’il nous adresse pour les affronter dans la confiance et la persévérance. Amen.

+ André cardinal Vingt-Trois, archevêque de Paris

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