Homélie du cardinal André Vingt-Trois - Messe à St Joseph-Artisan – 2e Dimanche de l’Avent – Année A
Dimanche 8 décembre 2013 - Saint-Joseph-Artisan (Paris 10e)
La vision d’un monde réconcilié qui nous est annoncé par le prophète Isaïe ne trouve pas seulement son plein aboutissement à la fin des temps. Par la conversion sans cesse renouvelée de notre vie chrétienne à l’appel de Jean-Baptiste, nous devenons les acteurs de ce monde nouveau.
Dimanche 8 décembre 2013 - St Joseph-Artisan (Paris Xe)
– Is 11, 1-10 ; Ps 24 ; Rm 15, 4-9 ; Mt 3, 1-12
Frères et Sœurs,
Tout le monde désirerait vivre dans un monde où tout serait réconcilié, comme l’annonce le prophète Isaïe, un monde où « le loup peut habiter avec l’agneau, le léopard coucher près du chevreau, un monde où la vache et l’ours ont le même pâturage, où le lion comme le bœuf mange du fourrage » (Is 11, 6-7) bref un monde d’où serait exclue la violence. Ce monde annoncé par le prophète Isaïe comme le fruit de la venue du Messie, nous l’attendons au long de l’histoire des hommes et nous sommes fortifiés dans la foi pour l’attendre dans l’espérance que le retour du Christ à la fin des temps marquera la fin de la violence et de la haine sur la terre. Aujourd’hui, comme dans tous les temps, les hommes et les femmes ont désiré ce monde de paix et de réconciliation. Aujourd’hui, comme dans tous les temps, nous voudrions que les choses se passent mieux, qu’il y ait moins de haine, moins de violence, moins de mépris les uns envers les autres.
Mais quel est le chemin par lequel on peut arriver à transformer ce monde ? De quel côté tourner nos pas si l’on veut avancer dans cette direction ? La prédication de Jean-Baptiste au désert a représenté pour les Juifs du temps du Christ, une annonce de l’avènement de ce monde nouveau, et c’est parce qu’ils ont cru que Jean-Baptiste annonçait vraiment la proximité du Royaume des Cieux qu’ils se sont précipités autour de lui pour l’écouter et recevoir le baptême de pénitence. Mais évidemment, il faut non seulement courir à l’endroit où l’on annonce la bonne nouvelle, il faut non seulement recevoir le baptême de pénitence, mais il faut surtout convertir notre vie, car le message de Jean-Baptiste est très simple : « convertissez-vous, car le Royaume des cieux est proche » (Mt 3, 2). Si la naissance de Jésus à Bethléem, sa mort et sa résurrection sur la croix n’ont pas suffi pour renouveler complètement le monde et instaurer ce Royaume des cieux fondé sur la paix, c’est précisément parce que celles et ceux qui l’ont rencontré ne se sont pas convertis. Si quelqu’un revenait de parmi les morts, certainement on l’écouterait ! C’est ce que dit l’évangile à propos du riche qui a méprisé le pauvre à sa porte et qui demande à Dieu d’envoyer quelqu’un pour avertir ses frères. Mais même si quelqu’un revient d’entre les morts, comme Jésus est revenu d’entre les morts, si les hommes qui l’accueillent ne sont pas prêts à se convertir, cela ne change rien, la violence du monde continue. Nous pouvons préparer la venue du Seigneur, nous pouvons attendre sa naissance, nous pouvons espérer que sa venue changera quelque chose, à condition que nous préparions nos cœurs et nos vies pour accueillir le Royaume qui vient. Et préparer nos cœurs et nos vies, ce n’est pas simplement, comme le pensaient peut-être les pharisiens et les sadducéens, se précipiter auprès de Jean-Baptiste comme on peut courir aujourd’hui auprès de gens qui proclament des discours enflammés et qui attirent la foule. Il s’agit non pas de se sauver tout seul, de « fuir la colère qui vient » comme dit Jean-Baptiste (Mt 3, 7), il s’agit de produire des fruits qui manifestent notre conversion. Nous ne sommes pas sauvés parce que nous appartenons à telle ou telle catégorie, nous ne sommes pas sauvés parce que nous avons hérité la foi ou l’appartenance à l’Église, nous sommes sauvés par les fruits de notre vie.
C’est pourquoi cet appel à la conversion traverse toute l’expérience chrétienne, depuis notre baptême jusqu’à notre mort. Nous sommes perpétuellement en appel de conversion, nous sommes perpétuellement invités à ajuster notre vie à la présence du Christ, nous sommes perpétuellement sollicités pour que l’amour de Dieu répandu dans nos cœurs par la foi porte du fruit. Ce fruit, saint Paul nous l’exprimait dans l’épître aux Romains, c’est la manière dont nous nous comportons les uns envers les autres. « Accueillez-vous donc les uns les autres comme le Christ vous a accueillis » (Rm 15, 7) alors « d’un même cœur et d’une même voix vous rendrez gloire à Dieu » (Rm 15, 6). « Que le Dieu de la persévérance et du courage vous donne d’être d’accord entre vous » (Rm 15, 5). Voilà des fruits de la conversion : persévérer et avancer avec courage pour construire et développer la communion dans l’Église, avoir un même cœur et une même voix pour nous accueillir les uns les autres comme le Christ nous a accueillis, et si nous sommes capables de progresser dans cet amour mutuel, dans le développement de cette communion, alors nous serons capables d’annoncer à ceux qui nous entourent qu’il est possible de vivre en société sans être dans la méfiance, dans la jalousie, dans la convoitise ou dans la violence comme nous en avons trop d’exemples malheureusement.
Oui, l’image que nous donne ce monde, c’est plutôt l’image de la convoitise, le désir d’avoir ce qu’ont les autres et que nous n’avons pas, c’est plutôt l’image de la jalousie qui nous fait soupçonner et agresser ceux que nous estimons mieux pourvus que nous, c’est l’image de la violence qui s’exprime par l’agressivité dans les relations quotidiennes, bref c’est l’image d’une vie commandée par nos désirs et non pas par l’amour.
Prions donc le Seigneur qu’au long de ce temps de l’Avent, Il renouvelle nos cœurs. Qu’Il nous ouvre à l’amour qui s’est manifesté en Jésus-Christ pour qu’à notre tour nous puissions porter des fruits de conversion et que par notre manière d’être les uns envers les autres, notre manière d’être avec ceux et celles qui nous entourent, nous devenions vraiment des acteurs d’un monde nouveau.
Amen.
+ André cardinal Vingt-Trois, archevêque de Paris.