Homélie du Cardinal André Vingt-Trois - Messe à St Louis d’Antin - Jeudi de la 1ère semaine de carême
Jeudi 13 mars 2014 - St Louis d’Antin (Paris IXe)
La prière d’Esther est une sorte d’annonce de la prière que le Christ nous invite à adresser à Dieu : nous remettre totalement et avec confiance entre les mains de Dieu, pour qu’il oriente notre vie conformément à sa volonté. Cette prière est toujours exaucée.
– Est 14, 1.3-5.12-14 ; Ps 1371-3.7-8 ; Mt 7, 7-12
Frères et Sœurs,
Les lectures de ce jour nous remettent en face de la dimension particulière de la prière dans le Christ. Cette prière n’est pas une question de mot, une question de formule, une question de geste, c’est avant tout une question de foi. C’est parce que nous croyons que Dieu est notre Père, parce que nous avons confiance en la fidélité du Seigneur, parce que nous espérons en sa miséricorde que nous osons prier. La première motivation de la prière, c’est la foi que nous avons en Dieu. Un exemple nous est donné dans la figure d’Esther. Amane, le premier ministre du roi Assuérus, avait décidé l’extermination de ceux qui refusaient de s’incliner devant l’image du roi. Les Juifs qui étaient fidèles au Dieu unique, ne pouvaient pas faire des gestes, dire des paroles, ou prendre des attitudes qui auraient laissé penser qu’ils croyaient que le roi était Dieu. En conséquence de cette attitude de fidélité au Dieu unique, ils étaient condamnés à être exécutés. La reine Esther, qui était juive et avait fait partie du harem d’Assuérus, avait été sollicitée par son peuple pour intercéder en sa faveur. La prière que nous avons entendue à l’instant exprime exactement l’attitude de foi dans laquelle elle se trouvait : si Dieu est vraiment le Dieu de nos pères, s’il est celui qui a fait sortir Israël d’Egypte, et l’a fait échapper à l’esclavage, alors je crois qu’il peut aujourd’hui encore sauver son peuple. C’est dans cet esprit qu’Esther s’adresse à Dieu. La prière d’Esther est une sorte d’annonce de la prière que le Christ nous invite à faire, c’est-à-dire de nous remettre totalement et avec confiance entre les mains de Dieu. Dieu n’a pas besoin que nous lui donnions des informations. Il sait ce qui existe et il sait ce qui est dans notre cœur. Il n’a pas besoin que nous lui donnions des conseils, il sait ce qui est bon pour l’homme. Aussi la prière n’est-elle pas faite pour éclairer Dieu ou pour lui transmettre des choses qu’il ne connaîtrait pas, la prière est faite pour nous permettre d’exprimer notre confiance. Quand nous exprimons à Dieu nos misères, quand nous appelons vers lui, quand nous lui demandons d’intervenir, progressivement et peu à peu, nous découvrons d’une façon renouvelée la réalité dans laquelle nous vivons. Ce n’est pas Dieu qui doit changer par nos prières, c’est nous qui devons changer dans notre rencontre avec Dieu ! Ce que nous lui disons, c’est ce qui va être l’instrument de notre changement. Nous nous débarrassons en lui des soucis superflus, des inquiétudes inutiles, ou des angoisses fondées, ces inquiétudes que l’on peut concevoir pour l’avenir… Tout cela nous le connaissons, mais d’une certaine façon, cela encombre notre vie.
En nous livrant à Dieu, en lui remettant tout ce qui est dans notre cœur, nous progressons dans la liberté, nous ne sommes plus sous le poids de ce que nous devrons faire, comment nous devrons le faire, nous sommes abandonnés sous le regard de Dieu et nous acceptons, et nous lui demandons qu’il oriente lui-même notre vie pour qu’elle soit plus conforme à sa volonté.
Aussi, Jésus peut-il nous dire que Dieu exauce toujours cette prière, qui consiste à demander à Dieu son esprit, et non pas à lui demander de solutionner nos difficultés. Si nos prières ne sont pas exaucées, c’est justement pour nous aider à comprendre que nous devrions demander autre chose. Ce que Dieu ne nous donne pas, ce n’est pas ce qu’il nous refuse, c’est ce qu’il nous épargne en ne satisfaisant pas ce qu’il y a de faux ou d’erroné dans nos demandes. Il nous fait découvrir le véritable chemin de notre vie.
Aussi avec confiance, nous nous présentons devant le Seigneur. Nous lui demandons de faire pour nous ce qu’il juge bon et d’ouvrir nos cœurs pour que nous reconnaissions ce qu’il nous fait connaître de bon. Amen.
+ André cardinal Vingt-Trois, archevêque de Paris