Homélie du cardinal André Vingt-Trois - Messe à St Eloi et baptême de 4 enfants – 5e Dimanche de Carême – Année A

Dimanche 6 avril 2014 - St Eloi (Paris XIIe)

 Ez 37, 12-14 ; Ps 129 ; Rm 8, 8-11 ; Jn 11, 3-7.20-27.34-45

Frères et Sœurs,

S’il y a une chose sur laquelle nous n’avons pas besoin de beaucoup d’informations parce que nous la connaissons trop bien, c’est la mort ! On la connaît bien parce qu’elle nous frappe tous. Elle nous frappe dans ceux qui nous ont précédés, nos parents, nos grands-parents, dans nos familles, parmi nos amis, elle frappe parfois des jeunes victimes d’accidents. Chaque jour nous entendons des informations de mort à travers le monde. Ces jours-ci, nous avons fait mémoire du génocide du Rwanda. C’était une manière de nous rappeler comment les êtres humains peuvent être eux-mêmes la première cause de la mort de leurs semblables, à travers des massacres de ce genre.

La mort est présente partout, tout le temps, et pour tout le monde. La mort est accompagnée en général de souffrance, de maladies ou d’accident. Ceux qui essayent de croire au Christ et de le suivre, sont confrontés à cette réalité dans leur vie, comme Marthe et Marie qui viennent de perdre leur frère Lazare. Marthe et Marie sont depuis longtemps des amies et des disciples de Jésus. Aussi, lorsqu’il arrive, elles lui disent : si tu avais été là, il ne serait pas mort. Cette phrase dite à Jésus, chacune et chacun de ceux qui croient au Christ le lui disent un jour ou l’autre. Si tu avais été là… Comme si la mort qui frappe l’humanité, qui nous frappe tous et nous impressionne, nous plonge dans la souffrance et la tristesse, était une sorte d’expression de l’échec de Dieu. Si les hommes meurent, c’est que Dieu n’est pas Dieu… ou qu’il n’existe pas ou qu’il est impuissant, et que le Christ qui se présente comme source de la vie est incapable de nous empêcher de mourir. Nous constatons que la mort fait son œuvre et nous arrivons finalement à nous dire que c’est parce que le Christ n’est pas là. C’est la plus grande épreuve de notre foi : croyons-nous à la victoire du Christ sur la mort ? Est-ce que nous croyons que Jésus est ressuscité ? Et si nous croyons qu’il est ressuscité, comment cette foi au Christ ressuscité change-t-elle notre manière de vivre l’expérience de la mort ? Comment change-t-elle notre manière d’affronter l’épreuve principale de l’existence humaine ? Si nous croyons au Christ ressuscité, nous savons que nous n’échapperons pas pour autant à la mort, ni à la souffrance, mais nous pouvons nous demander si le Christ va habiter notre cœur pour que nous puissions affronter la souffrance et la mort autrement que ceux qui n’ont pas d’espérance.

Est-ce que pour nous tout s’arrête avec cette vie ? Autrement dit, est-ce que pour nous Dieu n’existe pas ? Dieu a-t-il trompé l’humanité ? Si nous pensons que Dieu n’a pas trompé l’humanité, si nous croyons qu’il est vivant et agissant aujourd’hui, alors nous savons que la souffrance que nous pouvons avoir à supporter, ou la mort à laquelle nous sommes confrontés n’auront pas le dernier mot ! Ce n’est pas la fin de tout, c’est un passage, comme nous allons le célébrer au moment de Pâques, vers une autre étape qui ouvre une vie nouvelle : « Je suis la résurrection et la vie. Celui qui croit en moi, même s’il meurt, vivra ; quiconque vit et croit en moi ne mourra jamais. » (Jn 11, 25-26). C’est la parole d’espérance que le Christ nous a laissée et qui se vérifie à travers la Résurrection de Jésus. Quand il dit qu’il est la Résurrection et la vie, cette affirmation va être manifestée dans sa propre expérience après sa mort sur la croix, quand il apparaîtra ressuscité à ses disciples. Il montrera que la promesse du Seigneur n’était pas une tromperie : « je suis le Seigneur, j’ouvrirai vos tombeaux et vous en ferai sortir. Je mettrai en vous mon Esprit et vous vivrez » (Ez 37, 13-14). Cette parole de Dieu n’est pas une fausse promesse, elle s’accomplit dans la personne de Jésus : il a été mis au tombeau et il en est sorti vivant. Il nous montre ainsi qu’il est vraiment le Dieu de la vie et non pas le Dieu de la mort. Et c’est cette vie que Dieu nous a donnée, cette vie à laquelle il nous invite, qui est notre espérance et qui nous permet de traverser les quelques dizaines d’années de notre existence, non pas comme des gens qui sont en route vers le néant mais comme des gens qui marchent vers la lumière. C’est cette foi au Christ ressuscité, manifestée dans la résurrection de Lazare, manifestée dans le témoignage que nous rendent tant d’hommes et de femmes qui affrontent les difficultés de la vie, les souffrances quotidiennes et la dernière souffrance qui est la mort, non pas dans le désespoir, non pas dans l’horreur de se considérer comme dégradés parce qu’ils vont mourir, mais au contraire dans la dignité de ceux qui assument leur existence et qui l’assument jusqu’au bout.

C’est dans cette foi au Christ ressuscité que nous nous réunissons chaque dimanche autour de l’eucharistie, c’est dans cette foi au Dieu de la vie que nous avons été baptisés et c’est dans cette foi au Dieu de la vie que je vais maintenant baptiser ces jeunes qui se sont préparés au baptême. Amen.

+ André cardinal Vingt-Trois, archevêque de Paris.

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