Homélie du cardinal André Vingt-Trois - Messe à Notre-Dame – 6e dimanche de Pâques - Année A

Dimanche 25 mai 2014 - Notre-Dame de Paris

Après son Ascension, le Christ reste présent sur une triple modalité : présence de l’Esprit dans nos cœurs, présence à travers les fruits que l’Esprit produit dans son Église, présence par la capacité qui nous est donnée dans l’Esprit de rendre témoignage à sa Parole.

 Ac 8, 5-8.14-17 ; Ps 65, 1-7.16.20 ; 1 P 3, 15-18 ; Jn 14, 15-21

Frères et Sœurs,

Au cours de ces dimanches du temps pascal, la liturgie nous invite à méditer sur les dernières paroles que Jésus a adressées à ses disciples avant son arrestation et son procès. Aussi devons-nous entendre ces lectures dans deux périodes différentes où elles ont été prononcées et où elles sont reçues. La première période, c’est celle que nous venons d’entendre à l’instant : Jésus annonce à ses disciples qu’il va les quitter. Même s’ils vont être témoins de son arrestation, de son procès, de sa mort, il ne les abandonnera pas. Ils le verront vivant et cette vision sera le fondement de leur foi.

Mais nous pouvons entendre aussi ces paroles du Christ dans notre propre temps, comme l’annonce de ce qui se passera après son Ascension, quand il aura quitté physiquement ses disciples. Nous pouvons imaginer le désarroi dans lequel ceux-ci vont se trouver au moment où après avoir vécu avec lui, marché avec lui, entendu ses paroles, son enseignement, vu les signes et les miracles qu’il faisait, ils vont soudain se retrouver sans lui. Leur premier réflexe sera de s’enfermer et de se protéger par peur de ce qui les entoure. Il faudra attendre le don de l’Esprit Saint à la Pentecôte pour que cette situation d’abandon soit surmontée et que les disciples comprennent comment Jésus peut être présent dans leur vie bien qu’ils ne le voient pas. C’est exactement l’expérience de foi à laquelle nous sommes invités, nous qui ne verrons jamais le Christ de nos yeux en ce monde, et qui devons expérimenter sa présence sous une forme invisible, la forme de son Esprit.

La promesse du Christ de ne pas laisser ses disciples orphelins s’applique à son Église tout au long de son histoire, depuis le jour de la Pentecôte jusqu’à la fin des temps. Jésus n’abandonne pas ceux qui croient en lui, Jésus ne laisse pas ceux qui croient en lui sans indication, sans nourriture, sans lumière, sans parole. Il est vivant, au milieu de nous, pour que nous vivions. A travers ces versets de l’évangile de saint Jean, nous sommes invités à reconnaître les modalités de la présence du Christ dans nos vies. Les lectures de ce jour nous présentent trois formes d’identification de cette présence.

La première, c’est la présence de l’Esprit de Dieu à nos cœurs. Si nous l’aimons nous serons en communion avec lui, nous resterons fidèles à ses commandements, et il viendra demeurer en nous. « Je reviens vers vous… vous reconnaîtrez que je suis en mon Père et que vous êtes en moi et moi en vous ». Cette certitude de la présence du Christ à notre cœur, pas simplement comme la présence de quelqu’un d’extérieur à notre vie mais comme quelqu’un qui est au plus intime de nous-mêmes, la certitude que nous ne sommes jamais seuls, qu’à tout moment de notre journée, de notre existence, nous pouvons nous tourner vers lui et nous adresser à lui, cette certitude, c’est la première modalité de la présence du Christ par son Esprit que nous avons reçu au baptême et à la confirmation. Il n’abandonne pas ceux qui croient en lui, il est présent au plus intime d’eux-mêmes.

La deuxième modalité de cette présence de l’Esprit, se manifeste à travers les fruits que produit l’Esprit dans son Église, comme nous l’avons entendu à travers le récit des Actes des apôtres, où nous voyons que Philippe donne les signes du salut. Tous, à Samarie, entendaient parler des signes qu’il accomplissait, ou même ils les voyaient : il délivrait les possédés des esprits mauvais, il guérissait les infirmes, les paralysés et les malades. Ces signes du salut réalisés à travers la vie de l’Église en la personne de Philippe sont une source de grande joie. A l’heure où beaucoup de gens ne savent plus très bien quel sera leur avenir, s’ils ont un avenir, à l’heure où beaucoup de gens doutent de la vie et se demandent s’il vaut la peine de vivre, rencontrer des signes d’espérance à travers les services que l’Église est appelée à rendre à l’humanité, en accueillant ceux qui sont entravés dans leur liberté par le péché ou par les esprits mauvais, à travers ceux qui sont accablés par la souffrance du corps ou de l’âme, à travers ceux qui sont soumis à la misère, c’est donner les signes du salut, c’est manifester que le Christ continue d’agir en notre monde. Ces signes du salut apportent une espérance qui est la source de la joie. C’est la deuxième modalité de la présence du Christ à notre monde, c’est sa présence à travers nous, à travers son Église qui est son corps ressuscité et qu’il envoie en mission pour poser les signes du salut à travers l’action de chaque jour, à travers l’action de l’Église dans son ensemble, comme à travers l’action de chacun et de chacune d’entre nous, à travers son existence.

La troisième modalité de cette présence du Christ au monde par son Esprit, c’est la capacité qu’il met en nous de rendre témoignage à sa parole, afin que nous soyons toujours prêts à nous expliquer devant ceux qui nous demandent de rendre compte de l’espérance qui est en nous. Si ceux qui nous entourent sont témoins des fruits de l’Esprit dans notre vie, il est bien légitime qu’ils s’interrogent d’où vient cette force. D’où vient cette énergie ? D’où vient cette paix ? D’où vient cette joie ? Il est légitime qu’ils nous demandent où nous puisons les ressources de notre vie. C’est l’Esprit de Dieu en nous qui nous permet de rendre témoignage que c’est le Christ lui-même que nous reconnaissons dans nos cœurs comme celui qui est la source de toutes nos forces.

Voilà donc cette triple modalité de la présence du Christ à l’intime de notre cœur, dans la prière et dans la méditation de sa parole, à travers les fruits du salut tels qu’ils s’expriment dans l’action de la vie des chrétiens et de l’Église, comme à travers la présence du Christ dans ses sacrements, et enfin la puissance du témoignage que l’Esprit met en nos cœurs pour que nous puissions attribuer à Jésus lui-même le bien que nous faisons et non pas à nos vertus. Ceci manifeste que Jésus, selon sa promesse telle qu’elle nous est rappelée dans les évangiles, est avec nous tous les jours jusqu’à la fin du monde, et que jamais un disciple du Christ, un chrétien baptisé, confirmé, qui essaye de garder la parole de Dieu et de la mettre en pratique, jamais il ne peut être abandonné, toujours il sait que le Seigneur l’accompagne tous les jours de sa vie. Fortifions notre foi dans cette conviction que l’Esprit du Christ répandu en nos cœurs nous rend capables de rendre compte de l’espérance qui est en nous, de donner les signes du salut à travers le service de nos frères, et de communier à la présence du Christ en nos cœurs et dans les sacrements de l’Église.

Amen.

+ André cardinal Vingt-Trois, archevêque de Paris

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