Homélie du cardinal André Vingt-Trois - Veillée de prière à Notre-Dame pour la préparation du pèlerinage en Terre Sainte du Pape François et de sa rencontre avec le Patriarche Œcuménique de Constantinople, Bartholomée Ier

Mardi 20 mai 2014 - Notre-Dame de Paris

L’unité entre les chrétiens n’est pas une œuvre humaine. C’est du cœur du Christ que provient l’unité. C’est donc par notre conversion au Christ que nous progressons sur ce chemin. Pour leur pèlerinage à Jérusalem, lieu de la mort et de la résurrection du Christ, le patriarche Bartholoméos et le pape François nous le rappellent.

 Jn 17

Éminence
Excellence,
Frères et Sœurs,

Il nous est sans doute difficile aujourd’hui, cinquante ans après, de nous souvenir de l’émotion que la rencontre du patriarche œcuménique Athénagoras et du pape Paul VI a suscitée, non seulement, évidemment, dans chacune de nos Églises, mais encore dans le monde entier, tellement cet événement, par son caractère novateur et prophétique, a instauré une rupture dans une manière d’être, je n’oserais pas dire : les uns avec les autres, mais les uns à côté des autres. Et c’est précisément cette rencontre, le contact personnel des deux principaux responsables de nos Églises qui a changé cette manière d’être à côté des autres, quand cela n’était pas contre les autres, pour devenir « avec les autres ». Ce choc d’un rapprochement fut aussi imprévisible, et également difficile à assumer après tant de siècles d’ignorance ou d’hostilité. Ce rapprochement avait une portée symbolique considérable pour montrer comment l’amour de Dieu à l’œuvre dans le cœur des hommes justes pouvait changer les relations du monde. Mais, il me semble que l’émotion plus profonde encore, était l’émotion spirituelle par laquelle nous avancions dans une certaine intelligence de cette parole du Christ que nous venons d’entendre. L’unité entre les chrétiens n’est pas une œuvre humaine, ce n’est pas une œuvre diplomatique, ce n’est pas un travail de négociation au cours duquel, pendant tant de temps, on a toujours espéré que l’autre finirait par devenir comme nous, et que l’on était prêt à faire l’unité pourvu que cela se fasse à notre manière.

Le chemin de l’œcuménisme n’a pas consisté à inaugurer des colloques perpétuels, mais à reconnaître que ce que chacune des Églises avait vécu dans sa fidélité au Christ portait quelque chose du message du Christ pour le monde. Et donc ce qui n’arrivait pas à se rencontrer, ce qui n’arrivait pas à s’entendre, ce qui n’arrivait pas à se partager faisait défaut à chacun. Pour parvenir à la plénitude de la communion dans l’unique Sauveur, il faut que nous cheminions, non pas seulement pour nous rapprocher, non pas seulement pour mieux nous comprendre, non pas seulement pour nous estimer, mais surtout, il faut que nous nous rapprochions pour partager notre expérience de la communion au Christ. Il faut que nous nous rapprochions pour reconnaître chez le frère séparé quelque chose qui est essentiel à la communion de l’Église. Il ne faut pas que nous cherchions à le rendre comme nous, il ne faut pas que nous cherchions à devenir comme lui, il faut que nous cherchions à vivre ensemble, et à vivre ensemble dans l’unité qui sort du cœur du Christ lui-même.

C’est pourquoi, les pionniers du mouvement œcuménique ont toujours mis la prière à la première place de leurs initiatives, parce que la première condition du progrès œcuménique, c’est la conversion de chacun d’entre nous et de chacune de nos Églises dans la fidélité au Christ. Pas la conversion de l’autre à nous, mais notre conversion au Christ ! Et c’est dans la mesure où nous vivons activement cette conversion au Christ que la splendeur de l’Évangile et la puissance de l’Esprit d’amour font progresser la communion entre nous.

C’est sans doute une grâce particulière de notre temps, que le patriarche Bartholoméos et le pape François aient résolu de renouveler cette rencontre à Jérusalem, pour nous rappeler où est le foyer de l’unité des chrétiens, pour nous rappeler où est le cœur de l’unité des chrétiens, là où le Christ est mort et ressuscité.

Rassemblés ce soir, nous voulons demander à Dieu que cette rencontre du patriarche Bartholoméos et du pape François porte son fruit le plus plénier, mais surtout que cette rencontre ravive en nous la conviction que l’unité entre les chrétiens progressera à mesure que nous progresserons dans la sainteté, selon la tradition que nous avons reçue, à mesure que nous serons plus fidèles à la parole du Christ, à mesure que nous comprendrons mieux que l’unité c’est le Christ et qu’il n’y a pas d’autres chemins pour parvenir à l’unité que de passer par le Christ.

Amen.

+ André cardinal Vingt-Trois, archevêque de Paris.

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