Homélie du cardinal André Vingt-Trois - Messe et Confirmations à St Pierre de Montrouge – 6e Dimanche de Pâques – Année A
Samedi 24 mai 2014 - St Pierre de Montrouge (Paris XIVe)
La communauté de Samarie est confirmée dans sa foi au Christ par les Apôtres Pierre et Jean. L’évêque, aujourd’hui, comme successeur des apôtres est appelé à son tour à imposer les mains et transmettre les dons de l’Esprit par l’onction d’huile sainte. C’est par cet Esprit que nous devenons capables de témoigner de notre foi.
– Ac 8, 5-8.14-17 ; Ps 65, 1-7.16.20 ; 1 P 3, 15-18 ; Jn 14, 15-21
Chers amis,
Le jour où nous sommes rassemblés pour célébrer votre confirmation, le livre des Actes des Apôtres qui rapporte l’expérience vécue par les premiers chrétiens nous met exactement dans la situation que nous vivons. Vous avez entendu parler du Christ, vous avez appris à connaître le Christ, vous avez été intéressés, séduits par quelques paroles de Jésus, par quelques signes aussi peut-être de ce qu’il faisait à travers la vie des chrétiens, et voilà que cette expérience qui a commencé avec votre baptême et qui s’est développée au long de ces années, il faut qu’elle devienne une expérience de l’Église et pas simplement une expérience personnelle, une expérience particulière. Alors comme nous le voyons dans cette communauté de Samarie qui a reçu la parole du Christ, les apôtres à Jérusalem ont entendu dire qu’il y avait quelque part des gens qui avaient reçu la parole du Christ et ils sont venus pour les encourager et pour leur donner l’Esprit Saint, car ils n’avaient pas reçu encore la plénitude de l’Esprit, ils étaient seulement baptisés au nom du Seigneur Jésus. Et voilà que moi qui ai été appelé pour faire partie de la succession de ces apôtres, pour être le signe de leur présence aujourd’hui, je viens chez vous aussi pour vous donner l’Esprit Saint, pour vous imposer les mains et vous transmettre tous les dons de l’Esprit. C’est une grande joie de voir comment, à travers tant de siècles et dans des situations aussi différentes, nous vivons la même chose que la communauté de Samarie. Vous allez recevoir la plénitude des dons de l’Esprit. Mais pourquoi faire ? Pourquoi donc ces chrétiens de Samarie avaient-ils besoin de l’Esprit ? Pourquoi donc avez-vous besoin de l’Esprit ? Ne pouvez-vous pas vivre sans lui ? N’avez-vous pas vécu jusqu’à présent sans avoir reçu la plénitude de l’Esprit Saint et sans avoir été confirmés ? Tant d’hommes et de femmes autour de vous et dans le monde vivent sans avoir été confirmés ! Alors, de quoi avons-nous besoin en recevant cet Esprit du Christ ?
Le Seigneur nous le dit dans l’Évangile quand il va partir, au moment de passer de ce monde à son Père. Il va laisser ses disciples. Dans quelques jours, jeudi exactement, nous allons célébrer l’Ascension, le moment où le Christ remonte auprès du Père et laisse ses disciples seuls. Ils avaient marché, vécu avec lui pendant plusieurs mois, ils l’avaient entendu, ils l’avaient vu faire des miracles, ils avaient partagé sa vie, et ils pensaient qu’il était avec eux. Et puis voilà qu’il n’est plus là ! Ce n’est plus tout à fait la même chose d’être disciple du Christ quand il marche devant et qu’il n’y a plus qu’à le suivre ou bien d’être disciple du Christ quand il n’y a rien à voir ! Nous, nous sommes disciples du Christ et il n’y a rien à voir ! Personne d’entre vous n’a vu le Christ et personne ne le verra jamais. Évidemment, les disciples qui ont été habitués à sa présence et à vivre avec lui risquent de se sentir orphelins. Jésus les a abandonnés, il les a laissés à leur triste sort… Et voilà que Jésus leur dit : non ! « je ne vous laisserai pas orphelins, je reviens vers vous. D’ici peu de temps, … vous me verrez vivant, et vous vivrez aussi. » (Jn 14, 18-19) Mais cette présence du Christ ne sera plus comme elle était avant sa mort. Il va être présent à ses disciples par ce défenseur, l’Esprit de vérité qui sera pour toujours avec eux. « Je prierai le Père, il vous donnera un autre Défenseur qui sera pour toujours avec vous » (Jn 14, 16). C’est cet Esprit de vérité, l’esprit du Christ que les apôtres ont reçu le jour de la Pentecôte, et qui est la garantie que Jésus n’a pas abandonné ses disciples, qu’il ne les a pas laissé orphelins, qu’il les accompagne comme il accompagne son Église tout au long de son histoire, comme il nous accompagne aujourd’hui, comme il accompagne chacune et chacun d’entre vous au long de sa vie jusqu’à la fin. Pourquoi nous accompagne-t-il ? Pour rester fidèles à ses commandements, pour mettre sa parole en pratique. Celui qui m’aime, c’est celui qui a reçu mes commandements et qui reste fidèle. Être fidèle aux commandements du Christ, on sait ce que cela veut dire, on connaît la formule et on connaît les mots, mais la difficulté ce n’est pas de connaître les mots, c’est de les vivre, c’est de les mettre en pratique : « aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés » (Jn 13, 34), rendez-le bien pour le mal, pardonnez, etc. Tout cela nous le savons, ce sont des mots de tous les jours que nous connaissons bien, donc la difficulté ce n’est pas de le savoir, c’est de le faire, et c’est pour le faire, pour le vivre, que nous avons besoin de la présence de cet Esprit Saint, pour surmonter ce qui résiste en nous. Il est plus facile de vivre comme s’il n’y avait pas de parole du Christ… mais « celui qui m’aime reçoit mes commandements et y reste fidèle » (Jn 14, 21). Nous sommes appelés à être des fidèles de la parole du Christ en ne nous détournant pas de lui, en ne l’oubliant pas.
Nous sommes appelés à être des témoins de cette parole, comme saint Pierre le dit dans son épître : « être toujours prêt à nous expliquer devant tous ceux qui vous demandent de rendre compte de l’espérance qui est en vous, avec douceur et respect » (1 P 3 15-16). Être chrétien, ce n’est pas se cacher, ce n’est pas avoir honte, ce n’est pas camoufler ce que l’on croit et ce que l’on vit, c’est tout simplement être soi-même, sans provocation mais sans faiblesse. L’Église, le monde ont besoin de vrais témoins du Christ et c’est pour que vous puissiez porter votre part de ce témoignage que vous avez besoin de l’Esprit Saint.
Aussi, j’invite tous ceux qui vous entourent ce soir, vos parrains, vos marraines, évidemment, vos parents, amis, éducateurs, tous ceux qui ont été des compagnons au long de ce chemin, à prier pour que vous receviez la force de Dieu lui-même pour être fidèles à sa parole et pour devenir de vrais témoins au milieu de ceux qui vous entourent.
Tout à l’heure, je vous inviterai à renouveler la profession de foi de votre baptême et je prierai Dieu en imposant sur vous les mains comme l’ont fait Pierre et Jean à Samarie, pour que l’Esprit Saint descende sur vous et avec les deux curés qui m’entourent nous marquerons chacune et chacun d’entre vous avec l’huile sainte qui pénétrera votre peau d’une façon indélébile. Vous pourrez toujours faire semblant de ne pas le savoir… mais l’huile vous aura pénétrés ! Vous serez marqués au front pour toujours.
Prions pour vous, pour chacun et chacune d’entre vous et demandons au Seigneur qu’il vienne vous visiter. Amen.
+ André cardinal Vingt-Trois, archevêque de Paris.