Homélie du cardinal André Vingt-Trois - Messe à Ste Odile - Trinité - Forme extraordinaire du rite romain
Dimanche 15 juin 2014 - Ste Odile (Paris XVIIe)
La fête de la Trinité tourne notre regard vers la communion qui existe entre le Père, le Fils et l’Esprit Saint. Par le baptême nous entrons dans cette communion. Celle-ci se vit dans la communion au corps du Christ qu’est l’Église.
– Rm 11, 33-36 ; Mt 28, 18-20 ;
Frères et Sœurs,
Tout au long des dimanches du temps pascal, la liturgie nous a invités à méditer sur la présence du Christ ressuscité auprès de ces disciples, jusqu’au moment où il est retourné vers le Père et où il a envoyé son Esprit Saint le jour de la Pentecôte. Et dans les semaines qui suivent cette fête de la Pentecôte, la liturgie nous invite à méditer différents aspects de cette présence du Seigneur à la vie des hommes.
Le premier que nous fêtons aujourd’hui par la fête de la Trinité, sera suivi de la fête du Saint-Sacrement, puis de la fête du Sacré-Cœur, qui sont autant de manières de mieux comprendre ce que signifie la présence du Christ ressuscité en notre monde. La fête de la Trinité tourne notre regard vers la communion qui existe entre le Père, le Fils et l’Esprit Saint. Mais trop souvent, peut-être, nous avons eu tendance à croire que cette communion concerne exclusivement les relations internes à la divinité, sans grand rapport avec nous et avec peu d’influence sur notre propre existence. Or, précisément, nous sommes invités à découvrir avec l’évangile, que cette communion entre le Père, le Fils et l’Esprit Saint est le fondement même du baptême dans lequel nous avons été baptisés. Dès l’instant que nous sommes baptisés, nous entrons dans un jeu de relation étroite avec le Père, le Fils et l’Esprit. La communion qui existe entre les trois personnes de la Sainte Trinité s’ouvre pour accueillir ceux qui sont baptisés dans le Christ, pour qu’ils participent eux-mêmes à cette vie qui unit le Père, le Fils et l’Esprit Saint. Quand nous contemplons la Trinité des personnes, l’unité de leur nature divine, la distinction des trois personnes, nous ne sommes pas simplement confrontés à un problème métaphysique qui consisterait à savoir comment il est possible qu’il y ait une seule nature divine et trois personnes distinctes, au point que d’autres croyants imaginent que nous sommes devenus polythéistes ! C’est une question évidemment importante et difficile, sur laquelle des générations de théologiens, depuis les évangiles, n’ont pas cessé de méditer et de produire des chemins pour nous aider à comprendre, comment il y peut y avoir une communion tellement intense, que le Père, le Fils et le Saint Esprit partagent une même nature, alors que, leur existence personnelle les constitue dans la diversité de leurs missions. Mais cette question de l’unité de la nature divine et de la trinité des personnes, n’est pas seulement un problème métaphysique ou une question théologique, c’est d’abord la prise de conscience du régime dans lequel nous sommes invités à vivre par notre baptême.
Chacune et chacun d’entre nous, baptisé dans le Christ demeure évidemment un sujet. Personne ne peut se substituer à personne. Le Christ dans lequel nous sommes baptisés ne se substitue pas à notre personne, nous demeurons qui nous sommes, appelés par notre nom, nous sommes des personnes uniques, et cependant, par la communion de l’Esprit Saint, le Christ lui-même vient habiter en nous comme il l’a promis. Il établit sa demeure parmi nous et nous fait entrer dans une communion qui pénètre toutes les dimensions de notre vie, notre esprit, notre intelligence, notre cœur, notre affectivité, notre énergie, notre capacité d’agir, sans pourtant faire disparaître notre mission et notre responsabilité personnelles. C’est pourquoi, cette relation tout à fait particulière dans laquelle nous sommes profondément identifiés au Christ, comme saint Paul le dira dans une de ses épîtres, « ce n’est plus moi qui vis, c’est le Christ qui vit en moi » (Gal 2, 20), cette relation singulière qui nous unit totalement à la personne du Christ laisse subsister notre identité et notre responsabilité personnelles, je dirais même plus, elle les renforce. Ceci nous fait découvrir le sens de la communion ecclésiale qui ne consiste pas à fondre tout le monde dans un magma indéfini, ou simplement à reconnaître des liens assez distendus et sans grande contrainte de chaque membre de l’Église avec le corps ecclésial tout entier. Le sens de cette communion au contraire est de découvrir que nous ne sommes véritablement des chrétiens à part entière et qui prennent la pleine dimension de leur existence que si nous sommes profondément enracinés dans la communion ecclésiale. Nous ne devenons vraiment nous-mêmes, que par la communion la plus étroite avec le Corps du Christ. C’est pourquoi cette communion au Corps du Christ est confiée à la mission apostolique, par le don de l’Esprit Saint et nous sommes appelés à vivre notre relation avec le Christ, non pas seulement dans le secret de notre chambre, comme Jésus nous y invite quand il nous invite à prier, non pas seulement dans la méditation de la parole de Dieu, comme nous sommes invités à le faire régulièrement, ni même seulement dans notre communion eucharistique qui serait comme une démarche purement individuelle à laquelle l’existence de l’Église ne serait qu’un facteur adjacent, mais comme un acte sacramentel, c’est-à-dire que nous entrons dans la plénitude de notre relation avec le Christ quand nous participons aux sacrements de l’Église tels que l’Église a la mission de les célébrer, et tels qu’elle en a défini la forme. C’est pourquoi notre célébration dominicale, la célébration du Jour du Seigneur, la participation à la messe deviennent un marqueur de la participation à la vie de l’Église. C’est un signe de la communion dans laquelle nous entrons, non seulement avec les frères et les sœurs qui nous entourent dans cette célébration eucharistique et sans lesquels il n’y aurait pas de célébration, mais encore avec toutes les communautés chrétiennes à travers le monde qui constituent l’univers catholique de la foi et qui sont rassemblées dans la communion trinitaire.
Frères et sœurs, en ce dimanche, je vous invite à rendre grâce au Seigneur qui nous fait participer ainsi à la communion qui existe entre le Père, le Fils et l’Esprit Saint, à rendre grâce pour le don de l’Esprit que nous avons reçu à la Pentecôte et que nous recevons de manière plénière par le sacrement de la confirmation, comme je le célébrerai tout à l’heure pour les confirmés de cette paroisse. Et nous sommes dans la joie d’être unis ainsi à la catholicité de l’Église, en communion avec les chrétiens du monde entier.
Dans la suite des semaines, notre communion sacramentelle à la vie trinitaire s’approfondira par la fête du Saint-Sacrement, la Fête-Dieu, où nous serons invités à mieux comprendre et partager le signe sacramentel de la présence réelle de Jésus dans l’eucharistie qui nous donne la possibilité de communier à la vie trinitaire. Amen.
+ André cardinal Vingt-Trois, archevêque de Paris.