Homélie du cardinal André Vingt-Trois - Messe à ND – 23e Dimanche du temps Ordinaire – Année A
Dimanche 7 septembre 2014 - Notre-Dame de Paris
Jésus attend de ses disciples qu’ils vivent dans la communion et la charité. Il en est lui-même la source et la force. Cette responsabilité incombe d’abord aux successeurs des disciples, mais aussi à chaque membre de l’Église. Comment portons-nous cette responsabilité à l’égard de ceux qui souffrent ?
– Ez 33, 7-9 ; Ps 94, 1-2.6-9 ; Rm 13, 8-10 ; Mt 18, 15-20
Frères et Sœurs,
Nous nous souvenons que, dans la liturgie des deux dimanches écoulés, la profession de foi de Césarée, suivie du dialogue entre Pierre et Jésus, a marqué comme un point de départ dans la marche du Christ vers sa Passion, et en même temps, elle a marqué un moment décisif pour les disciples. Allaient-ils le suivre ? Ou allaient-ils l’abandonner, préférant rester fidèles à l’image qu’ils s’étaient faite d’un messie triomphant alors que Jésus leur enseigne le chemin d’un messie souffrant ? En tout cas, ceux qui le suivent vont découvrir, à travers les événements de cette marche vers Jérusalem, des caractéristiques importantes qui vont définir les conditions de ce groupe des disciples qui suivent le Christ. Ce passage donne une des clefs importante pour comprendre ce que Jésus attend de ceux qui le suivent. Il attend d’eux qu’ils vivent dans la communion, non pas simplement parce qu’ils sont des compagnons de route ou parce qu’ils ont de la sympathie les uns pour les autres, ou parce qu’ils ont envie de donner une bonne image de leur groupe à ceux qui les entourent, mais ils vivent dans la communion parce qu’ils sont unis par le nom de Jésus : « Si vous demandez quelque chose en mon nom ». Cela veut dire que le centre de cette unité, et en même temps sa source et sa force, c’est le Christ lui-même. On ne peut pas suivre le Christ, ou du moins essayer de le suivre, sans entrer dans une relation de communion avec les autres disciples. Les disciples du Christ ne sont pas des individualités qui suivent chacun leur chemin sans trop s’inquiéter de qui marche à droite ou qui marche à gauche. Ils sont un corps uni par la référence à Jésus, et cette union, cette communion est le bien le plus précieux.
C’est pourquoi ce bien va devenir, selon les paroles du Christ dans l’évangile de saint Jean, un signe d’identification. C’est à la manière dont nous nous aimons les uns les autres que ceux qui nous entourent peuvent apprécier l’authenticité du message du Christ. Comment pourraient-ils croire à un messie qui rassemble un peuple nouveau, si celui-ci vivait selon les manières de vivre de tous les groupes humains, sans que rien dans le comportement des uns par rapport aux autres ne soit transformé par cette présence active du Christ à son Église ? C’est pourquoi l’une des caractéristiques de ce groupe des disciples est de vivre dans l’amour, dans la communion, dans la charité, dans la miséricorde, le pardon et la réconciliation. Et nous qui sommes membres de cette Église, qui que nous soyons, nous sommes tous responsables de cette communion et de cette charité. Car il dépend de nous que cette communion et cette charité structurent les relations entre les membres de l’Église.
Ce message est d’abord adressé aux disciples, c’est-à-dire à ceux que Jésus va envoyer pour être garants de l’unité. Et c’est pourquoi dans notre expérience d’Église, il existe une mission de responsabilité, de veilleur, comme nous le disait le prophète Ezékiel, une mission « d’épiscope », comme dira le terme grec pour « veilleur », d’évêque comme nous l’avons exprimé en français, c’est-à-dire un ministère tout entier orienté à susciter, à fortifier, à développer cette communion entre les membres de l’Église. Et nous avons, les uns par rapport aux autres, la responsabilité de veiller à ce que cette communion ecclésiale soit la plus forte, la plus vivante et la plus nourrissante possible.
Si nous détournons notre regard, nous pouvons nous laisser emporter par la tentation de l’indifférence que l’on habille poliment de la vertu de tolérance, indifférence à l’égard de ce que vivent les uns ou les autres, nous pouvons nous laisser tenter par une espèce de responsabilité limitée à notre propre chemin, sans nous inquiéter de ce que deviennent d’autres frères ou d’autres sœurs autour de nous, dans nos communautés, dans nos familles, dans les réseaux humains auxquels nous appartenons, mais encore à travers le monde. Rappelez-vous la phrase de saint Paul : « qui ne souffre que je ne souffre ». Comment vivons-nous dans la communion avec nos frères et nos sœurs qui sont à travers le monde persécutés à cause de leur foi ? Comment portons-nous dans notre cœur la souffrance de ces hommes, de ces femmes, de ces vieillards, de ces enfants qui sont arrachés à leur maison, à leur travail, à leur ville parce qu’ils ne veulent pas renoncer au Christ ? Comment portons-nous dans notre prière et dans notre partage le soutien à ces chrétiens ? Comment sont-ils membres de notre corps au point que ce qui leur advient nous touche nous aussi ?
J’ai invité cette semaine toutes les communautés chrétiennes du diocèse à prier régulièrement pour les chrétiens éprouvés dans leur foi à travers le monde, notamment les chrétiens d’Orient, mais aussi dans bien d’autres pays. Nous invitons dimanche prochain à une célébration au Sacré-Cœur de Montmartre en communion avec ces chrétiens qui sont soumis à la pression terroriste d’une apparence de religion qui veut les contraindre.
Frères et sœurs, quand nous sommes réunis en son nom, Jésus est au milieu de nous. Cela veut dire que nous ne pouvons pas nous réunir n’importe comment. Si Jésus est vraiment le centre de notre réunion, il faut que chacun et chacune des membres de nos assemblées et de nos communautés soient étroitement liés afin que la vigueur de la charité fasse apparaître l’unité de la foi et que nous exercions notre responsabilité les uns par rapport aux autres pour permettre que les plus forts soutiennent les plus faibles, mais que tous agissent par fidélité à la parole de Dieu.
Amen.
+ André cardinal Vingt-Trois, archevêque de Paris.