Homélie du cardinal André Vingt-Trois - Messe d’action de grâces pour la béatification de Mgr Alvaro del PORTILLO, évêque prélat de l’Opus Dei

Lundi 29 septembre 2014 - St François-Xavier (Paris VIIe)

L’élection divine ne se réalise pas à la manière de l’élection des hommes. C’est lui qui nous choisit avant que nous ne le choisissons nous-même et c’est l’Esprit qui construit en nous notre réponse pour ratifier ce choix. L’amour qui nous habite est appelé à être partagé. Il fructifie dans une joie durable. C’est ce chemin qu’a suivi le bienheureux Alvaro del Portillo.

Mot d’accueil du cardinal André Vingt-Trois

Frères et Sœurs,

C’est une grande joie pour moi de célébrer cette eucharistie avec les membres et les amis de la Prélature de l’Opus Dei en France, à l’occasion de la béatification de Mgr Alvaro del Portillo. C’est une occasion pour nous de rendre grâce pour les fruits que le don de Dieu a porté à travers son existence, et l’occasion aussi d’exprimer à Dieu notre reconnaissance pour l’expérience ecclésiale que nous vivons avec la prélature de l’Opus Dei.

Homélie du cardinal André Vingt-Trois

 Si 50, 22-24 ; Ps 137 (138) ; Col 3, 12-17 ; Jn 15, 9-17

Frères et Sœurs, chers amis,

La béatification de Mgr Alvaro del Portillo en cette année coïncide, providentiellement sans doute, avec le centième anniversaire de sa naissance et le vingtième anniversaire de son rappel à Dieu, ce qui nous donne dans ces quatre-vingts années d’existence, le chemin au long duquel il a accueilli l’appel de Dieu, qu’il y a répondu en construisant à travers son existence la figure d’un pasteur et en nous donnant une illustration vécue de l’image du Bon Pasteur tel que l’évangile nous le rapporte.

Avant toutes choses, nous devons retenir de ces lectures que c’est Dieu qui choisit. Saint Paul le disait aux Colossiens « vous avez été choisis par Dieu et vous êtes sanctifiés par lui » (Col 3, 12), et Jésus le disait à ses disciples, « ce n’est pas vous qui m’avez choisi, c’est moi qui vous ai choisis » (Jn 15, 16). Il y a là une conviction : l’amour de Dieu anticipe de toutes façons ou de toutes sortes de manières ce que nous comprenons et ce que nous percevons de son amour, et c’est cet amour persévérant et miséricordieux qui trace son chemin à travers notre vie pour rejoindre notre liberté.

Dans une culture qui est plus généralement conçue sur le mode du libre choix, pour ne pas dire du libre-service, beaucoup de chrétiens vivent dans l’illusion qu’ils ont choisi Dieu, et prolongeant cette illusion, ils croient qu’ils peuvent choisir leurs paroisses, leurs mouvements, leurs communautés, comme s’ils défilaient dans un libre-service de réalités spirituelles en se laissant conduire par leurs inclinations. Ce n’est pas comme cela que fonctionne l’élection divine. Dieu ne nous met pas devant une infinité de possibles, pour que nous puissions choisir ce qui nous convient le mieux ou ce qui correspond le mieux à nos idées ou ce qui fortifie le plus nos préjugés. Il nous choisit, il nous a choisis. Ne serait-ce que, pour la plupart d’entre nous, en nous faisant entrer dans son Église par le baptême, sans que nous n’y soyons pour rien ! Il nous a choisis, il nous a sanctifiés par sa parole et par ses sacrements et tout ce que nous pouvons faire, essayer de vivre pour témoigner de cette prévenance de l’amour de Dieu à travers notre vie ne sera jamais qu’une réponse à ce choix initial, comme c’est une réponse à cet appel. Et nous ne choisissons pas plus la réponse que nous n’avons choisi l’appel, car c’est en nous la puissance de l’Esprit Saint qui construit notre propre réponse et qui nous demande d’adhérer, de ratifier, d’ajuster notre vie à cette force de l’amour qui investit notre cœur à mesure que nous le découvrons dans les signes que Dieu nous donne de son amour.

Le commandement que Jésus laisse à ses disciples de « s’aimer les uns les autres » (Jn 15, 17) s’enracine dans cette conviction que la seule norme qui s’impose à travers l’histoire des hommes, c’est l’amour que Dieu porte à l’humanité et c’est l’amour que nous essayons de porter à Dieu à travers la personne du Christ. Mais si Dieu nous a choisis et nous a conduits par son appel et par la réponse de notre liberté, s’il nous a amenés à ce moment de notre histoire, de l’histoire de notre vie, de chacune de nos existences, et de l’histoire de notre Église, c’est pour que nous portions du fruit. Ce n’est pas pour que nous puissions nous installer confortablement dans la sécurité que nous donne l’amour de Dieu, mais c’est afin que nous nous appuyions sur cette sécurité que nous donne l’amour de Dieu pour avoir le courage intrépide de partager la vie de nos contemporains dans les grandes réussites dont notre monde a donné les preuves, comme aussi dans les échecs, dans l’espérance que l’intelligence et la générosité humaine permettent de nourrir, comme aussi dans le regret et l’intercession devant l’égoïsme et le péché des hommes pour lesquels nous implorons la miséricorde de Dieu.

Porter du fruit, c’est témoigner à travers chacune de nos vies que le principal commandement que Dieu a donné à l’humanité, c’est de l’aimer et de le servir, et d’aimer notre prochain comme nous-mêmes, en n’oubliant jamais, comme l’évangile nous le rappelle à travers la parabole du Bon Samaritain, que le prochain n’est pas celui qui s’impose à nous, mais celui dont nous nous faisons proches. Cette conviction d’avoir été appelés par Dieu, choisis par lui, pour porter du fruit au milieu des hommes, est une source de joie : « je vous ai dit cela pour que ma joie soit en vous et que votre joie soit parfaite » (Jn 15, 11).

Le chrétien se nourrit vraiment de la parole du Christ et du pain de vie qu’il nous partage. Le chrétien qui construit sa vie sur la foi est uni à cette joie du Christ. Et cette joie atteint sa perfection et nul ne peut nous la ravir. C’est pourquoi tous les sentiments qui peuvent spontanément monter en nous, comme des reproches, comme une aigreur, comme une agressivité, comme une volonté d’éradiquer le mal du monde, ne peut engendrer que la tristesse. Le Christ arrache le mal du monde par l’offrande qu’il fait de sa vie. Quand les fils de Zébédée veulent pulvériser les ennemis par le feu du ciel, le Christ les retient car ce n’est pas sa manière d’annoncer l’élection de Dieu. Nous devons être habités par cette joie très profonde de savoir que, quelles que soient nos faiblesses, nos limites, nos lâchetés, peut-être notre péché, quels que soient les obstacles que nous rencontrons, les difficultés de notre vie, ou les difficultés, les erreurs de l’humanité qui nous entoure, rien ne peut nous arracher à l’amour de Dieu.

Il me semble que la vie d’Alvaro del Portillo a donné une très belle illustration, à la fois de cet appel qui l’a conduit à être l’un des premiers compagnons et des premiers disciples de Saint José Maria, mais encore du message de fidélité, d’humilité et de douceur qui a été le sien tout au long de sa vie, en particulier pendant le temps où il a été Prélat de l’Opus Dei.

Laissons-nous donc habiter par la joie de le voir béatifié et remercions Dieu qui nous associe à son chemin de sainteté.

Amen.

+ André cardinal Vingt-Trois, archevêque de Paris

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