Homélie du cardinal André Vingt-Trois - Messe à l’occasion du rassemblement des responsables des Équipes Notre-Dame de la Province Nord-Est et Île-de-France
Dimanche 16 novembre 2014 - Asnières-sur-Seine (92)
L’expérience des Équipes Notre-Dam est celle de talents distribués à des couples qui, par ce qu’ils vivent et partagent, sont appelés à témoigner en ce monde de leur fidélité au don de Dieu et à la foi chrétienne.
– 33e Dimanche du temps Ordinaire – Année A
– Pr 31,10-13.19-20.31-31 ; Ps 127,1-6 ; 1 Th 5,1-6 ; Mt 25,14-30
Frères et Sœurs,
Pour les « fils de la lumière » (1 Th 5,5), chaque jour est le jour du Seigneur, chaque jour est le jour de la venue du Christ et chaque jour, il nous demande de rendre compte de ce qu’il nous a donné et de ce que nous avons fait fructifier et produit. Aujourd’hui, c’est « le jour du Seigneur » (1 Th 5,2), c’est le jour où nous sommes appelés, comme chaque jour à nous présenter devant lui et à lui rendre compte de ce que nous faisons des richesses qu’il nous confie.
La Providence nous donne de méditer sur cette parabole des talents en cette période où l’Église est engagée depuis plusieurs mois de façon spécifique dans une réflexion sur la Bonne nouvelle de la famille face aux défis de ce temps. Dans cette réflexion universelle, nous sommes invités à identifier les défis auxquels la famille est confrontée et à proposer, en puisant dans la sagesse de l’Église, les solutions que nous pouvons imaginer.
Vous êtes réunis, conseillers spirituels, animateurs et membres des Équipes Notre-Dame, pour un temps de réflexion et de prière. Je voudrais simplement éclairer ce jour, qui est un jour de grâce, en essayant de comprendre comment la parabole des talents éclaire ce que vous vivez, ouvre un appel et un chemin pour l’avenir. Elle éclaire ce que vous vivez parce que votre expérience des Équipes Notre-Dame est une expérience de distribution des talents. À travers votre pratique, vos équipes et l’expérience que vous vivez ensemble, Dieu vous fait des dons très spécifiques concernant le développement et l’approfondissement de la communion entre les époux, le développement et l’approfondissement d’une fraternité ecclésiale entre les familles. Ils concernent le message dont vous êtes porteurs pour ceux qui vous entourent, nourris par votre réflexion sur les thèmes d’année et vos échanges. Pour les plus anciens, ou les plus rodés d’entre vous, je n’ai pas besoin de développer beaucoup ces talents, vous les avez tous présents à l’esprit. Pour ceux qui commencent leur itinéraire dans les Équipes Notre-Dame, il y a gros à parier que c’est en pensant à ces dons de Dieu qu’ils ont rejoint une équipe et qu’ils essayent d’y mener leur vie chrétienne.
La question que nous pose la parabole des talents n’est pas de savoir si Dieu est riche, ni s’il distribue sa richesse, c’est de savoir ce que l’on en fait. Les trois personnages que nous présente la parabole nous aident à comprendre qu’il y a une manière généreuse d’accueillir les dons de Dieu et qu’il y a une manière frileuse et craintive de les accueillir. De même, dans votre chemin, dans les Équipes Notre-Dame, il peut y avoir une manière généreuse d’accueillir les dons dont vous bénéficiez, et une manière frileuse et craintive de les recevoir, de les protéger de peur qu’ils se dispersent et soient perdus. C’est une façon de poser, d’une certaine manière, la question de la mission ecclésiale des Équipes Notre-Dame. Sont-elles fondées et ont-elles prospéré pour devenir une sorte de refuge pour des couples inquiets de savoir comment vivre leur vie chrétienne dans l’expérience conjugale et familiale ? Cela n’est pas un péché d’être inquiet et de chercher des assurances. Sont-elles fondées et ont-elles prospéré pour devenir un signe à destination de tous les couples et de toutes les familles ? Sont-elles destinées à être une représentation visible et compréhensible de la fécondité du sacrement de mariage tel que vous l’avez vécu et tel que Dieu vous donne de le vivre ?
Beaucoup de gens demandent aujourd’hui ce qu’il faut faire pour contribuer à la bonne conduite et à l’achèvement du synode sur la famille. Je répondrais volontiers ce que Pierre répondait à ceux qui avaient entendu son discours de la Pentecôte et qui, le cœur transpercé, se tournaient vers lui en lui disant : « Que nous faut-il donc faire ? - Convertissez-vous et croyez à la bonne nouvelle » (Ac 2,37-38). Ce qu’il nous faut faire pour le bon achèvement du synode sur la famille, c’est d’accueillir les questions qu’il pose, les lumières qu’il apporte comme une chance et une grâce qui nous sont données, pour vivre dans l’aujourd’hui du Christ la Bonne nouvelle de l’alliance indéfectible entre Dieu et l’humanité, telle qu’elle est sacramentellement figurée à travers l’union de l’homme et de la femme, union unique et définitive. Est-ce que ce chemin sacramentel qui incarne l’alliance entre Dieu et l’humanité est une mission au-delà des forces humaines ? Certes, nous le croyons puisque nous pensons que c’est par la grâce du sacrement que cette fidélité et cet engagement irrévocables sont rendus possibles. Sont-elles une contrainte extérieure qui asservit la relation conjugale et familiale à un cadre moral disproportionné aux attentes et aux moyens de l’humanité ? Nous sommes chargés de témoigner d’expérience vécue à travers le monde. L’engagement que vous avez pris l’un envers l’autre, la vitalité de la famille qui surgit de cet engagement, la fidélité à cet engagement à travers les différentes étapes de l’existence et les péripéties auxquelles toute famille est soumise, sont autant de manières de répondre à la question. Nous ne sommes pas entrés dans la fidélité par force ! Nous sommes entrés dans la fidélité par la puissance de l’amour et c’est cette puissance de l’amour qui porte son fruit, malgré nos faiblesses, nos erreurs et peut-être parfois nos échecs. Répondre à la question posée, cela veut dire qu’aujourd’hui nous avons moins besoin de réciter les conditions fondamentales de la foi chrétienne sur le mariage que de montrer par la vie que nous menons comment ces conditions sont capables de transformer le cœur de l’homme et de le conduire vers la plénitude du bonheur. C’est vers ce témoignage que l’expérience forte qui nous est donnée de vivre dans les Équipes Notre-Dame est orientée. C’est pour ce témoignage que vous recevez des dons multiples et divers et que vous êtes fortifiés dans votre expérience. C’est pour affronter, non seulement l’adversité idéologique mais plus profondément le combat spirituel auquel la fidélité nous expose que vous êtes entourés les uns par les autres, soutenus les uns par les autres, fortifiés les uns par les autres, et entraînés les uns avec les autres à la plénitude du don.
Aussi, frères et sœurs, en ce moment où nous célébrons l’action de grâce du don que le Christ a fait de sa vie pour que les hommes aient la vie, nous voulons rendre grâce pour les fruits de son sacrifice à travers tant de couples et de familles. Nous voulons rendre grâce pour les fruits qu’il donne à ceux qui se reconnaissent pauvres et qui cherchent à s’appuyer sur la communion ecclésiale pour être fidèles à leur mission.
Demandons au Seigneur, par l’intercession de Notre Dame, que la vigueur et la vitalité de l’amour que vous renforcez par votre chemin dans les Équipes Notre-Dame portent leur fruit et donnent autour de vous un signe vécu, non pas tant de votre rigueur doctrinale que de votre fidélité au don de Dieu et à la foi chrétienne.
Amen.
+ André cardinal Vingt-Trois, archevêque de Paris.