Homélie du cardinal André Vingt-Trois - Messe à la Chapelle de l’Agneau de Dieu – 3e Dimanche de l’Avent – Année B
Dimanche 14 décembre 2014 - Chapelle de l’Agneau de Dieu (XIIe)
Demeurer dans la joie malgré les difficultés de la vie passe par la foi en la présence actuelle et agissante de Dieu en nous et dans notre monde. Jean-Baptiste est venu révéler cette présence "il y a parmi vous quelqu’un que vous ne connaissez pas". Nous sommes appelés à reprendre et à prolonger la mission de Jean-Baptiste.
– Is 61,1-2a.10-11 ; 1 Th 5,16-24 ; Jn 1,6-8.19-28
Frères et Sœurs,
Nous avons entendu l’appel de saint Paul dans sa lettre aux Thessaloniciens : « Soyez toujours dans la joie, priez sans relâche, rendez grâce en toute circonstance : c’est la volonté de Dieu à votre égard dans le Christ Jésus » (1 Th 5,16-18). Cette parole n’est pas simplement une exhortation pour inviter les gens à être plus joyeux, c’est aussi une promesse. La volonté de Dieu à notre égard dans le Christ Jésus, mais aussi à l’égard de l’humanité, c’est de nous faire connaître le bonheur, c’est d’ouvrir dans nos vies des espaces d’espérance, de répit et de paix. Or pour chacun et chacune d’entre nous, la vie rencontre ses difficultés. Nous sommes confrontés à un certain nombre de problèmes qui sont ceux de toute existence humaine. Nous savons aussi que la foi au Christ n’est pas simplement une sorte d’opinion que l’on pourrait porter sans autre conséquence. C’est la conviction qu’à travers chacune de nos existences, nos difficultés, nos peines, nos espoirs et nos joies, quelque chose qui est en train de se construire. C’est l’espérance que rien de ce que nous vivons n’est vécu en vain, rien de ce que nous vivons n’est inutile, rien de ce que nous vivons n’est sans signification. Tout ce qui arrive, tout ce à quoi nous sommes confrontés est une opportunité pour découvrir en nous des motifs d’action de grâce, pas forcément parce que cela serait agréable, mais parce que nous croyons - à travers nos capacités de surmonter les difficultés, comme à travers les solidarités qui se développent autour de nous -, que l’existence humaine est un chemin qui construit quelque chose de neuf à travers l’histoire des hommes. Nous pouvons être dans la joie si nous vivons ces événements dans la foi. C’est pourquoi cet appel à être toujours dans la joie que nous adresse saint Paul est assorti d’un autre appel « priez sans relâche ». La prière continuelle, c’est la capacité permanente que nous avons de nous tourner vers Dieu et de lui exprimer ce qui habite notre cœur. Cette prière continuelle est l’expression de notre foi, c’est-à-dire l’expression de notre capacité de vivre cette histoire comme une histoire sainte, et pas simplement comme une histoire anecdotique ou comme une succession d’événements sans signification. Discerner la valeur de toute chose. Ce qui est bien le garder, ce qui est mal s’en éloigner. Cela signifie : exercer notre jugement spirituel sur les événements que nous vivons et engager notre vie dans cette relation de foi avec Dieu. Quoi qu’il arrive, quoi que nous fassions, que nous mangions, que nous buvions, comme dit saint Paul dans son épître aux Corinthiens (1 Cor 10, 31), que tout soit fait pour la gloire de Dieu.
Le regard de foi et d’espérance que nous portons sur les événements de notre vie et sur les événements du monde repose sur cette conviction exprimée par Jean-Baptiste face aux envoyés des pharisiens : « il y a parmi vous quelqu’un que vous ne connaissez pas » (Jn 1,26). C’est la conviction que la présence de Dieu à l’histoire des hommes n’est pas simplement virtuelle, morale, lointaine et sans effet, mais qu’elle est une réalité, même si elle reste difficile à percevoir, même si elle reste cachée à certains moments, même si elle ne s’impose pas pour forcer notre liberté. Dieu est vivant dans l’histoire des hommes. Cette présence de Dieu que nous sommes appelés à reconnaître, alors que nous ne la connaissons pas spontanément, la naissance de Jésus à Bethléem va en être le signe principal et la réalisation incontournable. Il y a au milieu de vous quelqu’un que vous ne connaissez pas : cela veut dire historiquement comme le proclame Jean-Baptiste, que Jésus est déjà présent au milieu de son peuple même s’il n’a pas encore commencé sa vie publique. Il est au milieu d’eux sans qu’ils le connaissent, - et nous savons par les autres évangiles qu’il va se manifester en venant demander le baptême de Jean-Baptiste. Mais plus largement, la présence du Christ à la vie des hommes est une réalité permanente de l’histoire humaine. Il est présent dans notre vie, il est présent dans notre histoire, il est présent dans l’histoire des hommes : « il y a quelqu’un au milieu de vous que vous ne connaissez pas ». Notre mission d’Église du Christ, c’est précisément de reprendre la mission de Jean-Baptiste et d’annoncer cette présence à ceux qui ne la croit pas, à ceux qui ne l’ont pas connue, à ceux qui ne l’entendent pas.
La mission à laquelle j’ai appelé les catholiques de Paris pour l’Avent 2014, c’est précisément d’être au milieu de notre ville des « Jean-Baptiste » qui annoncent la présence de quelqu’un que l’on ne connaît pas ou de quelqu’un que l’on méconnaît, ou de quelqu’un dont on se détourne. « Il y a parmi vous quelqu’un que vous ne connaissez pas » : c’est le message que nous pouvons adresser en annonçant que Noël est la fête de la nativité du Fils de Dieu venu vivre parmi les hommes.
D’une certaine façon, on pourrait dire que symboliquement, l’implantation et la réalisation de cette chapelle au cœur de ce quartier, dans la relative discrétion de son apparence extérieure, reflète assez bien ce que Jean-Baptiste nous dit : il y a dans cet ensemble de la ville une présence, il y a quelqu’un présent, vivant et agissant. Cette chapelle est à la fois le lieu et le signe de cette vie et de cette action. C’est la présence du Christ qui appelle à être reconnu, qui appelle à se manifester, qui appelle à être annoncé.
Aussi frères et sœurs, en cet Avent, je pense que nous pourrons grandir dans la prière continuelle dans la foi, comme nous pourrons grandir dans la joie profonde de ceux qui annoncent celui qui est au milieu des hommes et que les hommes n’ont pas reconnu, Jésus de Nazareth, Fils de Dieu.
Amen.
+ André cardinal Vingt-Trois, archevêque de Paris.