Homélie du Cardinal André Vingt-Trois - Messe d’action de grâce pour l’Avent 2014 - Samedi après l’Épiphanie – Année B

Samedi 10 janvier 2015 – Notre-Dame de Paris

La mission n’est pas d’abord ordonnée à nous attacher de nouveaux fidèles, mais c’est désigner Celui auquel les hommes sont invités à se joindre : Jésus-Christ. La mission est source de joie, en donnant, on reçoit.

 Voir le compte-rendu de la matinée.

 1 Jn 5,14-21 ; Ps 149 ; Jn 3,22-30

Frères et Sœurs,

La mission de Jean-Baptiste a consisté à annoncer la venue du Messie. Il a été envoyé pour marcher en avant de lui et pour préparer le cœur des hommes à le reconnaître et à l’accueillir. Quand Jésus s’est levé au début de son ministère public, les hommes ont commencé à se tourner vers lui. Et voici que les disciples du baptiste ont eu l’impression que leur travail était dévoyé. C’est pourquoi ils viennent demander des explications : qui est cet homme qui se met lui aussi à baptiser et qui attire tout le monde vers lui ?

Annoncer le Christ, ce n’est pas se constituer une clientèle. Annoncer le Christ, ce n’est pas essayer de s’attacher ceux qui vous écoutent. Annoncer le Christ, ce n’est même pas travailler pour une Église ou pour sa communauté. Annoncer le Christ, c’est désigner par sa parole, par ses gestes celui auquel les hommes doivent se joindre. Partir en mission, ce n’est pas aller chercher des disciples pour nous-mêmes ! Trop souvent nous sommes déçus ou perplexes, nous nous demandons à quoi cela peut bien servir d’avoir un contact de quelques instants, d’échanger quelques mots avec quelqu’un, de poser une question, si nous, nous ne voyons jamais le résultat ! À quoi bon annoncer le Christ si nous ne connaissons pas l’effet de notre parole ? Or précisément, ce que Jean-Baptiste nous fait découvrir, c’est que le fruit de notre parole ne revient pas vers nous, mais va vers le Christ.

La mission de l’Avent 2014 n’avait pas pour but, contrairement à ce que certains journaux ont pu croire, une opération de promotion commerciale pour relancer une Église en difficulté. La mission de l’Avent 2014 n’avait même pas pour objet un effort pour que chaque paroisse reprenne une vitalité nouvelle et redore un peu son blason ! La mission de l’Avent 2014 avait comme seul objectif de désigner celui qui est venu dans le monde pour que le monde ait la vie, Jésus de Nazareth, notre Sauveur. Elle avait pour seul objectif de donner un nom et une direction à l’espérance et à l’attente confuse de celles et de ceux qui nous entourent. Elle avait comme seul objectif d’être des amis de celui qui vient pour que, grâce à nous, le plus grand nombre prenne conscience de sa venue et se tourne vers lui. La mission de l’Avent 2014 était conçue et a été réalisée pour ouvrir les yeux sur le mystère que représente la Nativité : Dieu vient parmi les hommes, il prend une chair humaine, il entre dans l’histoire humaine pour donner un sens nouveau à cette histoire.

Les témoignages de ceux qui ont rencontré le Christ l’attestent : l’étincelle, l’élément déclencheur, le choc initial qui va permettre à quelqu’un de se mettre en route, nous ne le maîtrisons pas ! Il ne nous est pas demandé de posséder le chemin des autres, il nous est demandé d’être là et de proposer ce que nous avons : un mot, une phrase, un sourire, une rencontre, une poignée de main, une question… « Qu’est-ce que tu cherches ? ». La puissance de la grâce de Dieu à l’œuvre dans le cœur des hommes, c’est sa capacité d’utiliser quelque chose que nous ignorons nous-mêmes mais dont nous sommes porteurs pour que brusquement les yeux s’ouvrent, les esprits s’ouvrent, les cœurs s’ouvrent. Aussi, la mission comporte un aspect aride, car nous avons l’impression – comme l’évangile nous le dit, mais nous l’oublions trop souvent – que nous sommes comme des semeurs sortis pour semer et nous jetons la graine sans trop nous inquiéter de savoir ce qu’elle va devenir, sur quelle terre elle va tomber ! Mais le semeur ne passe pas son temps à analyser le terrain ! Il passe son temps à répandre la graine ! Quel fruit la graine produira, c’est la liberté de l’homme qui en décidera, ce n’est pas nous ! Et en même temps, à travers cette ascèse et cette aridité de la mission qui nous dépossède de ce que nous voudrions connaître -le résultat de nos efforts- apparaît peu à peu la joie énorme de découvrir que nous possédons ce que nous n’étions pas très sûrs de posséder : la certitude que Jésus est là, que son Esprit habite notre cœur, que sa force dépasse nos faiblesses. Nous découvrons, parce que nous le donnons, ou parce que nous le partageons, que nous possédons un trésor que beaucoup d’hommes et de femmes cherchent sans le connaître.

La joie de la mission, c’est de découvrir que celui qui annonce le Christ est le premier évangélisé. C’est parce que nous annonçons le Christ, que le Christ nous est annoncé. C’est parce que nous portons sa Parole, que nous découvrons sa Parole en nous. C’est parce que nous le désignons à l’attention des autres, que nous découvrons notre attention pour lui.

Ainsi frères et sœurs, au moment où nous rendons grâce pour ce temps de mission, nous prenons conscience que nous avons reçu infiniment plus que nous ne pensions donner, qu’annoncer Jésus comme Sauveur, c’est découvrir que nous sommes sauvés. Qu’annoncer Jésus comme lumière du monde, c’est découvrir qu’il est la lumière de notre vie. Annoncer Jésus comme l’espérance du monde, c’est découvrir qu’il est notre espérance.

Que le Seigneur donne à chacune et à chacun d’entre nous la joie de l’avoir mieux découvert en le proposant à connaître, la joie de l’aimer mieux en le proposant à aimer, la joie de mieux le suivre en le proposant comme le chemin, la vérité et la vie.

Amen.

+ André cardinal Vingt-Trois, archevêque de Paris.

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