Homélie du cardinal André Vingt-Trois - Messe à St François-Xavier pour les Petites Sœurs des Pauvres – Solennité de saint Joseph

Jeudi 19 mars 2015 - Saint-François-Xavier (Paris VIIe)

Saint Joseph a reçu de Dieu une mission de protection sur la Sainte Famille. Cette mission s’étend à nos propres familles, à l’Église et à l’humanité tout entière.

 2 S 7,4-5a.12-14a.16 ; Ps 88 ; Rm 4,13.16-18.22 ; Lc 2,41-51a

Frères et Sœurs,

Marie et Joseph, qui sont la famille humaine de Jésus, n’ont pas encore compris exactement ce qu’ils sont en train de vivre avec lui, ni la véritable identité de son Père. Marie lui dit : ton père et moi nous te cherchions. Jésus lui répond : je dois être aux affaires de mon Père. Pour nous qui connaissons mieux que Joseph et Marie l’histoire de cette famille, parce que nous en connaissons les développements, nous comprenons qu’entre la paternité supposée de Joseph et le véritable Père de Jésus, il y a une différence. Mais cette différence n’apparaît pas encore clairement, en tout cas, ni Marie ni Joseph n’ont compris ce qu’il voulait dire. Ceci qui n’a pas empêché la Sainte Famille, puisque tel est son nom, de continuer à vivre, de retourner à Nazareth, et de poursuivre sa vie ordinaire au cours de laquelle Jésus a continué de croître en grâce et en sagesse aux yeux de tous.

La personnalité de Joseph joue évidemment un rôle décisif dans ces années de Nazareth. On pourrait dire d’une certaine façon que Jésus apprend à devenir un homme. Il apprend le métier de Joseph, il vit entre Joseph et Marie avec le voisinage des habitants de Nazareth, il découvre peu à peu ce que c’est qu’être un jeune juif au moment de l’occupation romaine. Il participe à la prière à la synagogue, comme le suggère l’évangile de Luc en rapportant le pèlerinage qui devait marquer sans doute le passage de Jésus à l’âge adulte religieux. Dans cet apprentissage de Jésus, la personne de Joseph joue le rôle paternel, le rôle de gardien, de protecteur. Il va veiller sur toutes ces années au cours desquelles Jésus va acquérir son expérience humaine avant de la mettre au service de sa mission divine. C’est donc très naturellement que la personnalité de Joseph est identifiée à cette fonction de gardien et de protecteur.

Dans la période que nous vivons, nous n’avons pas besoin de chercher beaucoup comment nous avons besoin de protecteurs. La plupart d’entre vous ont suffisamment d’expérience dans la vie, pour avoir connu d’autres périodes où l’on avait tout autant besoin de protecteurs qu’aujourd’hui, mais il se trouve que nous vivons ce temps-ci. Nous voyons comment notre humanité est traversée par des violences -l’attentat d’hier en a été à nouveau un moment significatif. Les hommes ont besoin d’être protégés, et ils ne seront pas protégés simplement parce que la rigueur des lois sera plus forte ou parce que les services de sécurité seront plus efficaces, même si cela peut peut-être apaiser un moment les inquiétudes. Nous savons qu’aucune loi et aucun système de sécurité ne peut empêcher quelqu’un de commettre un acte mortel. Ainsi, la fragilité que nos contemporains éprouvent à notre époque n’est pas simplement une fragilité accidentelle liée aux événements politiques du monde. A travers ces événements traumatisants, ils éprouvent d’une certaine façon, la fragilité radicale de tout être humain qui reste à la merci de gestes de violence, de gestes insensés et barbares, que rien ne pourra empêcher et dont rien ne pourra nous protéger.

Saint Joseph, protecteur de la Sainte Famille, a trouvé légitimement une place importante dans l’expérience des familles chrétiennes. Il est celui qui veille sur les familles. Depuis plusieurs années, des pères chrétiens ont placé leur mission paternelle sous la protection de saint Joseph. A l’occasion de sa fête, ils vivent un temps de retraite et de pèlerinage, précisément parce que le rôle joué par saint Joseph au cœur de la Sainte Famille projette une lumière sur la manière dont les hommes doivent assumer leur responsabilité paternelle. C’est donc très volontiers que nous intercédons pour les familles et pour ces pères de famille, afin qu’ils assument réellement leur responsabilité, et qu’ils le fassent dans la confiance en la protection de Dieu.

Saint Joseph protecteur des familles est aussi protecteur de l’Église, il a même été déclaré patron de l’Église universelle, parce que d’une certaine façon, dans la famille de Nazareth, entre Jésus, Marie et Joseph, c’est comme une promesse de l’Église à venir qui était rassemblée, comme un germe de la nouvelle famille que Jésus allait fonder avec les disciples qu’il rassemblerait. Si Joseph a été protecteur de la Sainte Famille à Nazareth, nous croyons aussi qu’il est le protecteur de l’Église et nous mettons volontiers notre confiance dans la prière que nous lui adressons pour qu’il veille sur cette Église, qu’il l’accompagne, qu’il la soutienne et qu’il intercède pour elle.

Nous savons, par notre expérience et notre histoire, combien l’Église est exposée à des tribulations diverses, des détresses spirituelles ou matérielles. Elle a connu et connaît des temps d’épreuves, aujourd’hui encore. Elle a pourtant la mission de continuer à porter l’Évangile dans une société où la signification chrétienne des repères de l’existence s’efface de plus en plus. Mais les tribulations de l’Église ne se réduisent pas aux péripéties de l’histoire de l’Église qui est en France, elles s’étendent à l’univers entier. Au cours du siècle écoulé, des pays entiers ont été soumis à la persécution, à la négation de la foi, à l’effacement des signes religieux. L’expérience devrait enseigner à ceux qui rêvent de recommencer que cela ne sert pas à grand-chose… parce que finalement, une fois que leur système s’écroule d’épuisement, la foi est toujours vivante ! Cependant aujourd’hui encore à travers le monde, des hommes et des femmes sont brimés en raison de leur foi et sont empêchés de la vivre. Nous les confions à l’intercession de saint Joseph. A travers cette protection dont nous espérons qu’il l’assume à l’égard de l’Église, la foi nous conduit à percevoir que saint Joseph a une mission de protecteur à l’égard de l’humanité tout entière. De même qu’il a veillé sur l’humanité de Jésus, il veille sur l’humanité dans son ensemble, car ce sont tous les hommes, toutes les femmes de ce temps, et de tous les temps, qui sont exposés à la destruction et à l’anéantissement de leur espérance. A tous, il est nécessaire que nous puissions annoncer avec confiance que l’humanité n’est pas abandonnée à elle-même, mais que la Providence de Dieu l’accompagne, jour après jour. La personnalité de saint Joseph cristallise et exprime bien cette présence providentielle de Dieu. Il était un père visible pour Jésus dont le Père était invisible. Il continue d’être pour nous un père protecteur au nom de notre Père que nous ne voyons pas.

C’est donc avec une grande reconnaissance et une grande joie que nous célébrons la fête de saint Joseph, que nous lui confions toutes nos intentions, et en particulier que nous le supplions pour qu’il veille sur la famille humaine et lui permette d’accueillir la promesse du salut. Amen.

+ André cardinal Vingt-Trois, archevêque de Paris.

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