Homélie du cardinal André Vingt-Trois - Messe à Notre-Dame de Paris pour le 40e anniversaire de l’édition française de la Revue catholique internationale Communio

Vendredi 1er mai 2015 - Notre-Dame de Paris

 Gn 1,26 à 2,3 ; Ps 89 ; Mt 13, 54-58

Frères et Sœurs,

Cet épisode de la visite de Jésus à Nazareth, la surprise que suscite son enseignement, l’étonnement devant cette sagesse dont les témoins ne pensaient pas que pouvait être titulaire le fils du charpentier, posent d’une façon forte la question qui est au cœur de la foi chrétienne : comment Dieu intervient-il dans l’histoire des hommes, comment habite-t-il le cœur des hommes pour accomplir son dessein de salut ? L’identité particulière de Jésus de Nazareth, qui s’exprime de façon spéciale à l’égard de la personne de Joseph, de Marie, de ses frères et de ses sœurs, concrétise le paradoxe de la foi chrétienne. Dieu, tel qu’il s’est révélé à travers l’Alliance, c’est celui que personne n’a jamais vu, celui qui échappe à toute conceptualisation, et à toute manière de se l’approprier dans un langage humain. En même temps, Dieu est celui qui apparaît et qui vit dans les conditions de l’existence humaine. Et c’est cette conjonction entre l’altérité absolue de Dieu et la communion intégrale dans laquelle il a voulu entrer avec l’humanité qu’il a créée et qu’il appelle à la sainteté, qui est le cœur même de la foi. Cette foi qui fait défaut aux habitants de Nazareth qui ne voient dans la personne de Jésus que l’un des leurs dont ils repèrent les familiers, les parents, les frères, les sœurs, autrement dit : l’un d’entre eux. La Parole de Dieu a pris chair dans l’histoire humaine de telle façon que celui qui est tout différent de nous soit en même temps tout semblable à nous, ou plus exactement, de telle façon qu’en prenant existence dans l’humanité, il nous rende semblables à lui et nous permette d’entrer dans la communion qu’il a voulue dès l’origine du monde. C’est une tentation permanente de la foi chrétienne de réduire ce paradoxe, d’oublier que c’est Dieu lui-même qui agit et qui parle à travers la personne du Christ, ou d’oublier que l’humanité du Christ est indissociable de la divinité de Dieu. En essayant d’être fidèle aux données apparemment contradictoires de ce paradoxe, la foi chrétienne pose au milieu des hommes une énigme : d’où cela vient-il ? D’où vient cette sagesse qui s’exprime en des mots humains et qui pourtant révèle quelque chose d’autre que le vocabulaire humain ? Quelle est la source de cette parole qui étonne, qui séduit, qui appelle ou qui scandalise ? Car on peut aussi être choqué de ce que des hommes puissent porter la parole de Dieu… Notre foi est-elle assez forte pour porter ce paradoxe ? Notre foi est-elle assez profonde pour intégrer avec sérénité et confiance la parole de Dieu transmise par des hommes ? Notre foi est-elle assez vive pour que nous acceptions de porter nous-mêmes les signes de ce paradoxe et d’exprimer à travers nos cheminements intellectuels, philosophiques, théologiques, l’expression de la sagesse divine à destination de l’humanité d’aujourd’hui ?

Que le Seigneur nous donne d’être des fidèles auditeurs de la sagesse de Dieu à travers la parole du Christ, que le Seigneur nous donne la force de porter cette sagesse dans les contradictions du monde.

Amen.

+ André cardinal Vingt-Trois, archevêque de Paris.

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