Homélie du cardinal André Vingt-Trois – Messe à St Jacques-St Christophe - Sainte Trinité – Année B
Dimanche 31 mai 2015 - St Jacques-St Christophe de la Villette (Paris XIXe)
Par le baptême nous sommes rendus participants de l’amour qui unit les personnes de la Trinité. Notre Dieu n’est pas éloigné, il est proche de nous et nous entrons avec lui dans une relation filiale. A chaque eucharistie ce Dieu proche nous rassemble et s’adresse à nous. Nous sommes invités à témoigner de la présence de Dieu au milieu des hommes.
– Dt 4,32-34.39-40 ; Ps 32,4-6.9.18.20-22 ; Rm 8,14-17 ; Mt 28,16-20
Frères et Sœurs,
Il nous arrive parfois de nous demander ce que la Trinité peut entraîner comme conséquences dans notre vie. En quoi ce mystère donne-t-il une figure, une présence de Dieu tout à fait originale ? Que Dieu soit Père, Fils et Esprit Saint, qu’ils s’aiment, qu’ils aient des relations étroites, qu’est-ce que cela change pour nous, à notre manière de croire, à notre manière de vivre ? Ce que Dieu a mis en mouvement - comme nous le rappelait le livre du Deutéronome - en créant l’homme et en le lançant dans l’histoire des siècles, c’est précisément quelque chose d’unique. Tout ce qui advient dans l’histoire des hommes, ce qui constitue le tissu de l’histoire de l’humanité dans son ensemble, avec ses réalisations extraordinaires, mais aussi ses guerres, ses violences, ses massacres… tout ce qui advient dans chacune de nos vies, les moments de bonheur ou de malheur, la joie d’accueillir un enfant, la tristesse de vivre des moments de ruptures avec ceux que l’on aime, que ce soit parce que l’on n’arrive plus à vivre ensemble, ou que ce soit parce que la mort nous les arrache, bref tous ces événements sont des signes, des messages. Ces messages nous aident à comprendre que dans tout ce tissu de l’histoire humaine, Dieu lui-même est engagé. Il n’est pas seulement le Dieu du ciel, il est le Dieu du ciel et de la terre. Il n’est pas seulement le Dieu tout autre, il est le Dieu tout autre et en même temps, il est le Dieu qui s’est fait semblable à nous dans la personne de Jésus de Nazareth. Il n’est pas le Dieu étranger, indifférent à l’histoire des hommes, il est le Dieu qui est venu partager l’histoire des hommes. Il n’est pas seulement le Dieu du petit peuple qui était groupé autour de Jérusalem, il est aussi le Dieu de l’humanité tout entière, et par le don de son Esprit, il se rend présent non seulement à chacun de ceux qui croient en lui, mais il se rend présent à l’humanité entière à travers la mission qu’il confie à ses disciples. Ainsi, le Dieu auquel nous croyons n’est pas simplement un tout puissant étranger dont on ne sait rien, il est le tout puissant proche de nous. Il est celui qui nous a parlé et qui nous parle à travers des paroles humaines. Il est celui qui nous aime à travers l’amour que nous vivons les uns avec les autres. Dire que Dieu est Trinité, cela veut dire que Dieu est proche de l’humanité, de chaque homme, de vous, de moi, de chacun d’entre nous.
C’est pourquoi cette fête de la Trinité est si importante. Elle nous aide à comprendre que par le baptême que nous avons reçu, au nom de la Trinité, au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, nous sommes entrés dans un réseau de relations avec Dieu dont rien ne peut nous séparer. Nous sommes intégrés à cette relation avec Dieu, pas simplement comme des serviteurs aveugles à qui l’on demanderait de prier au moment fixé, sans pouvoir toucher la relation avec Dieu ni la susciter, nous entrons avec Dieu dans une relation d’enfants avec leur Père. « L’Esprit que vous avez reçu », nous dit saint Paul dans l’épître aux Romains, « n’est pas un Esprit qui fait de vous des esclaves et vous ramène à la peur ; vous avez reçu un Esprit qui fait de vous des fils ; et c’est en lui que nous crions ̎Abba !̎, c’est-à-dire : Père ! » (Rm 8,15). La religion dans laquelle nous sommes engagés par notre foi, n’est pas une religion de servitude et d’écrasement, elle est une religion d’amour et de croissance. Comme un Père doit veiller à la croissance de ses enfants, Dieu veille à la croissance de l’humanité. Nous sommes entrés avec lui dans une relation de communion que rien ne peut dissoudre.
C’est pourquoi, quand chaque dimanche nous nous rassemblons pour célébrer l’eucharistie, il ne s’agit pas simplement d’accomplir des gestes qui vont vers Dieu. Dieu rassemble sa famille non pas seulement pour écouter prières, plaintes et appels au secours, mais pour s’adresser à elle, lui parler, lui dire ce qu’il souhaite réaliser. Il le fait aujourd’hui avec nous. Il nous rassemble pour fortifier la communion qui nous unit à lui par la communion eucharistique et par la communion avec tous nos frères. Il nous rassemble pour fortifier notre conviction qu’il est un Dieu proche. S’il est proche, si nous sommes devenus disciples du Christ par le baptême, ce n’est pas simplement pour créer une sorte de zone de tranquillité dans un univers difficile ! C’est pour nous envoyer non seulement à ceux qui nous sont proches mais à toutes les nations pour faire des disciples, c’est-à-dire, précisément, pour leur annoncer que Dieu n’est pas étranger à l’homme mais qu’il est proche de l’homme et de ses soucis.
Nous sommes envoyés par Dieu en mission, chacun selon nos possibilités, notre âge, notre situation sociale, nos responsabilités professionnelles, familiales, pour témoigner que les événements de notre vie n’ont pas seulement un sens visible par tous, mais qu’ils ont aussi un sens caché que seul le regard de la foi peut détecter : le signe de la présence de Dieu au milieu des hommes.
Que cette conviction soit notre espérance, qu’elle fortifie notre foi et qu’elle fasse de nous des témoins de Dieu, Père, Fils et Saint-Esprit.
Amen.
+ André cardinal Vingt-Trois, archevêque de Paris.