Homélie du cardinal André Vingt-Trois - Messe du Frat 2016
Mercredi 27 avril 2016 - Basilique Saint-Pie X à Lourdes
– Ep 2, 13-18 ; Ps 121 ; Jn 15, 1-8
Frères et Sœurs, Chers amis,
Dieu veut la paix. Nous voulons tous la paix. Nous voulons que la paix règne entre les pays ; nous voulons que la paix règne à l’intérieur de chaque pays. Nous voulons que la paix règne entre des hommes et des femmes de cultures, de races et de religions différentes. Nous voulons que la paix règne dans nos quartiers ; nous voulons que la paix règne dans nos familles. Nous voulons que la paix règne en chacun d’entre nous, car chacun et chacune d’entre nous est à la recherche de la paix du cœur.
Tous veulent la paix, et pourtant la paix n’est pas encore arrivée pour tous. La paix ne vient pas comme la pluie ou la neige, la paix a un prix, la paix se gagne, la paix suppose que l’on combatte pour la construire. Pour rétablir la paix entre les hommes et pour rétablir la paix entre les hommes et lui, Dieu a payé le prix fort, le prix de sa vie, en livrant sa vie sur la croix. Jésus par son sang versé a ouvert un chemin de paix pour l’humanité entière. Dans le temple de Jérusalem, un mur séparait l’espace où les juifs avaient accès et l’espace réservé aux païens. Saint Paul nous dit que le Christ a abattu le mur de la haine qui séparait les juifs et les païens. Il ajoute que Jésus, par sa croix, par sa mort, par sa résurrection, a ouvert un chemin vers un homme nouveau, un homme pour lequel la haine ne domine plus son cœur. Par sa mort, il a vaincu la haine. Par sa mort, il a montré que l’amour est plus fort que la haine, mais il a montré aussi que la victoire de l’amour sur la haine passe par le don de soi.
Dans notre poursuite de la paix, dans notre désir de faire grandir la paix entre les hommes, nous pouvons avoir la tentation de nous replier avec des hommes et des femmes qui sont de notre avis - et dont on pense qu’il serait facile de faire la paix avec eux - mais pour que la paix règne dans le monde, il ne suffit pas de séparer les ennemis, il ne suffit pas de trier les bons et les mauvais, il ne suffit même pas de monter dans la nacelle pour que le reste du monde soit en paix, il faut encore communier étroitement, être unis étroitement à la personne du Christ qui donne sa vie pour le monde. On ne peut pas être disciple du Christ, demeurer en lui, être des artisans de paix, si on ne se lance pas sur le chemin de Jésus.
Aujourd’hui, vous voulez la paix. Chacun et chacune veut la paix pour lui, chacun et chacune veut la paix autour de lui, chacun et chacune voudrait que le monde soit en paix, alors posez-vous une question : qu’est-ce que vous êtes prêts à faire pour que la paix grandisse ? Qu’est-ce que vous êtes prêts à changer dans votre regard sur les autres, dans votre jugement sur les autres, dans votre manière d’être avec vos proches et dans la relation que vous avez avec vous-même ? Car si vous avez sur vous-même un regard de doute, de mépris, de haine, si vous n’arrivez pas à vous aimer vous-même, comment pourrez-vous aimer les autres ? Qu’est-ce que vous êtes prêts à changer pour découvrir dans votre vie, dans chacune de vos existences, dans chacune de vos journées, la semence de paix que le Christ y a semée par le sang de sa croix ? Le geste de réconciliation et de pardon, le sourire là où règne l’indifférence ou la haine, la volonté d’aller vers ceux qui ne sont pas comme nous, d’accueillir ceux qui ne sont pas comme nous, de faire pour eux une place à notre table. Faire grandir la paix dans le monde, c’est devenir artisan de la paix dans notre vie.
Et pour que nous devenions vraiment des artisans de paix, il faut que nous acceptions de payer le prix, c’est-à-dire de renoncer à quelque chose qui nous tient à cœur, à une idée, à une vision du monde, à une envie, au désir de posséder, à la volonté de se comparer, bref, accepter que grandisse en nous l’homme nouveau qui unit le juif et le païen et qui fait naître une humanité nouvelle dans laquelle nous sommes appelés à jouer notre rôle d’artisans de paix.
Amen.
+ André cardinal Vingt-Trois, archevêque de Paris.