Homélie du cardinal André Vingt-Trois - Messe pour le 48e anniversaire de la fondation de la Communauté Sant’Egidio à St Séverin
Jeudi 26 mai 2016 - Saint-Séverin (Paris Ve)
L’alliance entre Dieu et l’humanité repose sur un appel personnel de Dieu et constitue un peuple à vocation universelle. Notre relation personnelle avec le Christ est le fondement de l’expérience chrétienne et permet d’être agrégé à l’Église. Cette alliance vécue personnellement nous conduit à annoncer les merveilles de Dieu. Aller vers les autres est constitutif de notre identité.
– 1 P 2, 2-5.9-12 ; Ps 99 ; Mc 10, 46b-52a
Frères et Sœurs,
Les lectures que la liturgie propose aujourd’hui à notre méditation nous aident à mieux comprendre ce qui est structurellement l’organisation de l’alliance entre Dieu et l’humanité. Cette alliance repose sur un appel personnel de Dieu et elle constitue un peuple à vocation universelle. Dans notre expérience chrétienne, rien ne peut se passer si nous ne vivons pas une relation personnelle avec le Christ. Aucune communauté, aucune famille, aucune église ne peut se substituer au dialogue que nous venons d’entendre entre Jésus et Bartimée. En effet, ce dialogue met en œuvre l’élément décisif : la foi. La foi est essentiellement une démarche personnelle par laquelle nous exprimons la confiance que nous faisons à la parole de Dieu : « Rabbouni, que je retrouve la vue ! » (Mc 10,51). Simultanément nous découvrons que cette rencontre singulière avec le Christ, non reproductible, non transposable, ne peut répéter la rencontre de Jésus et de Bartimée, pas plus que chacune de nos rencontres avec le Christ ne peut être reproduite à l’identique. Ce qu’il y a d’unique dans ce dialogue interpersonnel débouche immédiatement sur un chemin, « aussitôt l’homme retrouva la vue et il suivait Jésus sur le chemin » (Mc 10,52). En suivant Jésus sur le chemin, Bartimée se trouve immédiatement agrégé à cette troupe de disciples et de foules nombreuses qui suivaient le Christ. Cette élection personnelle, ce choix personnel qui s’est concrétisé dans le dialogue entre Jésus et Bartimée, devient le fondement de l’agrégation de Bartimée à un peuple, à une communauté, à une église. C’est ainsi que Pierre, parlant aux chrétiens de l’époque apostolique, s’adresse à eux comme à « une descendance choisie, un sacerdoce royal, une nation sainte, un peuple destiné au salut » (1 P 2,9). La conversion personnelle nous fait entrer dans un peuple nouveau et nous rend concitoyens des saints, membres de ce peuple que Dieu a suscité par la mort et la résurrection de son Fils.
L’alliance vécue personnellement dans la conversion n’atteint sa pleine dimension que lorsque nous entrons dans le peuple constitué pour l’alliance et encore, ce peuple élu, cette descendance choisie, ce sacerdoce royal, ce peuple destiné au salut, n’est pas appelé simplement à se complaire dans le sentiment de rassembler les meilleurs alors que les moins bons attendent au bord du chemin ! Ce peuple élu reçoit immédiatement, dans le cœur même de son élection et de son appel une mission : « annoncer les merveilles de celui qui vous a appelés des ténèbres à son admirable lumière » (1 P 2,9).
Ainsi, nous voyons se concrétiser à travers ces deux réflexions de Pierre et de Marc la grande tradition de l’élection d’Israël et de sa mission universelle. Mais à travers l’élection du peuple choisi, à travers la mission universelle que Dieu lui confie, nous apprenons à déchiffrer, en nous-même, l’identité, la raison d’être et la mission de l’Église et de chaque communauté en son cœur. Choisi pour constituer un peuple particulier, celui-ci n’atteint la plénitude de son identité que dans la mesure où il s’engage totalement dans l’universalité de la mission.
Le Pape François nous répète à loisir comment cette ouverture et cet engagement de l’Église à aller vers les autres sont constitutifs de son identité, mais plus encore, comment chaque chrétien au cœur de l’Église est appelé à devenir un disciple missionnaire. C’est dans le dynamisme de cette mission que la communauté Sant’Egidio est née, a grandi et se développe, dans la richesse, la multiplicité des contacts et des relations avec d’autres croyants, d’autres cultures, avec des hommes et des femmes qui sont significativement représentatifs de l’universalité de l’humanité, comme aussi avec ceux qui partagent dans la pauvreté le chemin du Christ.
Rendons grâce au Seigneur quand il nous permet de découvrir ce que nous sommes appelés à devenir en ouvrant notre vie à l’universalité de son amour.
Amen.
+ André cardinal Vingt-Trois, archevêque de Paris.