Homélie du cardinal André Vingt-Trois – Solennité du Sacré-Cœur de Jésus – Année C – Jubilé des prêtres – Journée de prière pour la sanctification des prêtres au Sacré-Cœur

Vendredi 3 juin 2016 - Basilique du Sacré-Cœur de Montmartre (18e)

Comme le berger est dans la joie quand il retrouve une brebis égarée, le prêtre est dans la joie quand un pécheur se convertit dans le sacrement du pardon et de la réconciliation. Le pardon est un remède à la culpabilité, au désespoir, à la violence. Le cœur percé de Jésus sur la croix est la preuve que Dieu nous aime. Les prêtres sont appelés à être à chaque instant de leur vie, signes de l’amour de Dieu pour l’humanité. Les prêtres puisent leur force dans la vie sacramentelle et dans la communion qui unit le presbyterium. Le sacrement de la réconciliation est sacrement de l’espérance.

Ouverture de la célébration

Chers frères prêtres, en 1995, le pape saint Jean-Paul II a décidé que la fête du Sacré-Cœur serait un jour de prière pour la sanctification des prêtres. Au cœur de cette année jubilaire de la miséricorde, le pape François a invité tous les prêtres du monde à vivre leur démarche jubilaire. C’est pour répondre à cet appel que je vous ai invités aujourd’hui à venir accomplir avec moi cette démarche.

Dans chacune de vos communautés, vous avez exhorté les chrétiens et vous les avez aidés à entrer dans un chemin de conversion pour accueillir la miséricorde du Christ.

Aujourd’hui, le Seigneur lui-même nous exhorte, nous ses ministres, à réaliser à notre tour cette démarche, à nous reconnaître devant lui dans notre péché, dans notre péché personnel et dans le péché de notre corps tout entier.
C’est pourquoi, je vous invite en franchissant la Porte de la miséricorde, à demander du fond du cœur au Seigneur qu’il vous touche de sa grâce pour vous faire éprouver la force de son pardon.

Homélie du cardinal André Vingt-Trois

 Ez 34,11-16 ; Ps 22,1-6 ; Rm 5,5b-11 ; Lc 15,3-7

Frères et Sœurs,

La joie à laquelle le Christ nous invite aujourd’hui est la joie du pasteur qui a retrouvé sa brebis perdue. C’est aussi, on le devine, la joie de la brebis d’avoir été retrouvée, d’être portée sur l’épaule de son berger, d’être soignée, remise en forme et réintégrée à la plénitude du troupeau. C’est la joie de tous les pécheurs réconciliés avec Dieu par la grâce du sacrement. C’est la joie de tous les ministres de la miséricorde qui sont ordonnés pour être les acteurs de cet acte de réconciliation et de paix. Comme le Christ se réjouit pour la centième brebis retrouvée, nous, prêtres du Seigneur, nous nous réjouissons chaque fois que nous rencontrons des pécheurs qui se convertissent, chaque fois que par la grâce d’un ministère qui dépasse de beaucoup nos talents et nos capacités, la Parole de Dieu trouve le chemin du cœur d’un homme ou d’une femme pour l’amener à demander pardon et à trouver la plénitude de la réconciliation.

Un homme qui vit sans pardon est un homme qui s’enferme sur sa culpabilité et risque de plonger dans le désespoir. Une société qui vit sans pardon est une société qui s’étouffe dans sa culpabilité et la transforme en agressivité envers les autres pour trouver les coupables que nous ne voulons pas reconnaître en nous-mêmes. Une humanité sans pardon est une humanité vouée à la délation, à la barbarie et à la sauvagerie.

Pourquoi donc est-il si difficile de répandre le pardon ? Pourquoi donc est-il si difficile de reconnaître que l’on a besoin du pardon ? Pourquoi donc est-il si difficile de se reconnaître pécheur ? Pour nous reconnaître pécheurs, il faut que nous soyons profondément assurés de l’amour que Dieu nous porte, non pas seulement à chacun d’entre nous en particulier, mais à l’humanité tout entière. Pour avoir la confiance d’avouer notre péché et en être pardonnés, il faut que la plénitude de l’amour de Dieu se manifeste à nos yeux.

Quand la lance du centurion a percé le cœur du Christ en faisant jaillir du sang et de l’eau, il n’accomplissait pas simplement le rite ultime pour vérifier la mort de la victime. Il accomplissait un geste prophétique car le sang et l’eau qui coulaient du cœur du Christ exprimaient en même temps, le don total que Jésus avait fait de lui-même et la source de vie que ce don devenait pour l’humanité entière. C’est en regardant couler le sang et l’eau du côté transpercé du Christ que nous comprenons ce saint Paul dit dans l’épître aux Romains : « La preuve que Dieu nous aime, c’est que le Christ est mort pour nous, alors que nous étions encore pécheurs » (Rm 5,8)
Il ne suffit pas que les prêtres soient des ministres de la miséricorde et du pardon, il faut encore que chacune de leur vie, tous les moments de leur vie deviennent des signes de cet amour de Dieu qui s’est exprimé dans la personne de Jésus de Nazareth, lui qui a aimé les siens jusqu’à l’extrême et leur a dit : « Il n’est pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime » (Jn 15,13).
Chers frères, chacun de nous a prié sur ces phrases du Christ. Chacun de nous s’est engagé dans un chemin de conversion pour que ces phrases deviennent réalité dans sa vie particulière et quotidienne. Chacun de nous s’est nourri de l’image du Christ offrant sa vie, de l’image du bon pasteur courant après la brebis perdue. Chacun de nous porte en lui ce modèle du bon pasteur. Mais nous le savons, chacun de nous porte aussi les restes, les traces, les cicatrices et les blessures du mal accompli dans sa vie. Chacun de nous porte en lui des faiblesses qui sont le lot de tous. Chacun de nous a besoin de ses frères pour réaliser la figure du bon pasteur et surmonter la tentation de fuir devant la difficulté.

Nous exerçons notre ministère dans un temps où l’on a parfois tendance à s’imaginer qu’il est plus difficile. Mais plus difficile que quoi ? Pus difficile que quand ? Nous ne sommes pas sur terre pour mesurer les difficultés. Nous somme sur terre pour faire face à la réalité, telle qu’elle est aujourd’hui pour nous. Nous puisons notre force dans la communion eucharistique à celui qui a partagé son corps et son sang à ceux qu’il avait choisis. Nous puisons notre force dans la communion sacramentelle qui unit tous les membres du presbyterium. Nous puisons notre force dans les attentes des hommes et des femmes auxquels nous sommes envoyés, et - oserais-je le dire- nous puisons notre force dans celles et ceux qui n’attendent rien mais auxquels nous sommes aussi envoyés.

Cette certitude que l’amour de Dieu qui emplit nos cœurs par la foi déborde de toute part nos limites, est non seulement un réconfort, mais aussi un appel à toujours puiser dans cette quête de la brebis perdue, le sens et la direction de notre ministère.
Frères et sœurs, le sacrement de la réconciliation est dans le trésor de l’Église la porte de l’espérance pour qu’aucun de ceux qui veulent revenir sur leur vie et emprunter le chemin de la conversion ne soit abandonné, pour qu’aucun de ceux que la culpabilité afflige ne se laisse enfermer dans cette culpabilité, pour qu’aucun de ceux qui sont animés par le désir de désigner chez les autres les coupables ne soit encouragé à croire qu’il est devenu juste au milieu des pécheurs alors qu’il est justifié de son péché par la mort et la résurrection du Christ.

Que le Seigneur donne à tous les membres de l’Église la joie de vivre le sacrement de la réconciliation comme le sacrement de l’espérance. Amen.

+ André cardinal Vingt-Trois,
archevêque de Paris.

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