Homélie du cardinal André Vingt-Trois - Messe à ND - 2e dimanche de l’Avent – Année B
Dimanche 10 décembre 2017 - Notre-Dame de Paris
Le temps que Dieu nous donne de vivre est un temps qui nous est offert pour nous convertir, non par contrainte extérieure mais dans un acte libre de réponse à la parole que Dieu nous adresse. Jean-Baptiste nous montre un chemin : pour accueillir le Christ, nous devons auparavant entendre cet appel à la conversion et le mettre en œuvre.
– Is 40, 1-5.9-11 ; Ps 84, 9-14 ; 2 P 3,8-14 ; Mc 1,1-8
Frères et Sœurs,
Comment préparer les chemins du Seigneur dans nos vies ? C’est la question à laquelle nous sommes confrontés en ce deuxième dimanche de l’Avent. En effet, l’épître de saint Pierre nous invite à regarder le temps que nous vivons, non pas comme un temps inutile ou un temps particulièrement périlleux, mais comme une espérance.
Le temps qui nous est donné, c’est le temps que Dieu nous accorde pour que nous puissions nous convertir. La première génération chrétienne à la suite de l’Ascension du Seigneur croyait que tout était fini et que Jésus allait revenir à très brève échéance. Et puis, il a fallu accepter, non seulement des années, mais des décennies, des siècles, et essayer de comprendre ce que cela voulait dire. Pourquoi faut-il attendre puisque tout est accompli, que tout est réalisé dans la mort et la résurrection du Christ ? Que peut-il encore bien se passer ? N’est pas une contradiction de nous dire que tout est accompli dans le Christ et puis que l’histoire de l’homme continue de dérouler pendant des siècles ? Est-ce que Jésus-Christ aurait oublié de faire quelque chose ?
L’apôtre Pierre nous donne un élément de réponse et de compréhension. « Le Seigneur ne tarde pas à tenir sa promesse, alors que certains prétendent qu’il a du retard. Au contraire, il prend patience envers vous, car il ne veut pas en laisser quelques-uns se perdre, mais il veut que tous parviennent à la conversion. » (2 P 3,9). Nous retrouvons à travers l’apôtre Pierre la ligne fondamentale de la mission du Christ qui n’est pas venu imposer sa loi aux hommes, mais appeler les hommes à la conversion pour que leur attachement à la parole de Dieu ne soit pas forcé de l’extérieur mais conquis de l’intérieur par le retournement du cœur. Le royaume de Dieu ne s’impose pas comme un royaume terrestre, il se propose, il appelle la liberté humaine à le reconnaître et à y répondre. C’est pourquoi, tout au long de ces siècles de l’histoire des hommes, nous continuons d’attendre la venue du Seigneur. Non pas que nous oublions qu’il est venu il y a deux mille ans à Bethléem, mais parce que nous reconnaissons que le chemin ouvert par sa naissance et par sa vie, n’est pas encore complètement achevé. Saint Paul dira dans une de ses épîtres qu’il porte en sa chair ce qui manque aux souffrances du Christ, c’est-à-dire que l’acte rédempteur par lequel Jésus sauve l’humanité appelle une réponse des hommes et suppose une conversion des cœurs.
Ainsi, ce chemin par lequel il vient et par lequel nous allons vers lui, est un chemin de conversion. Nous savons que le désert a tenu une place considérable dans l’expérience fondatrice de l’alliance entre Dieu et Israël, nous savons qu’il a été un lieu d’expérience extraordinaire pour un certain nombre de prophètes qui ont vécu dans ce passage au désert la relation radicale avec la présence de Dieu manifestée par le sentiment de son absence. Nous savons que Jésus lui-même, avant de commencer son ministère public est passé par l’épreuve du désert. La prophétie d’Isaïe, comme le ministère de Jean-Baptiste, ne nous surprennent donc pas. Nous savons que c’est par ce passage au désert que se construit l’histoire du salut. Nous savons que c’est par cet appel venu du désert que le cœur de l’homme peut être éveillé à l’accueil de celui qui vient.
La prédication de Jean-Baptiste au commencement de l’évangile de saint Marc rassemble dans un récit très court les deux éléments constitutifs de l’avènement du Fils de Dieu dans notre chair et de notre accueil à celui qui vient. « Commencement de la bonne nouvelle », mais ce commencement de la bonne nouvelle est inauguré par la prédication du Baptiste qui est un appel à la conversion au baptême de purification des péchés. Il n’y a pas d’accueil possible du Christ dans nos vies si nous n’accueillons pas d’abord cet appel à la conversion et au pardon de nos péchés. Il n’y a pas de conversion et de pardon de nos péchés si nous n’entendons pas la prédication du Baptiste, si nous ne sommes pas touchés au cœur par l’annonce de la venue du Christ.
Ainsi, Frères et Sœurs, en ce temps de l’Avent par lequel nous cheminons jusqu’à la Nativité, nous sommes invités, non pas à un championnat de conversion où il nous faudrait renchérir les gestes et les paroles pour manifester notre volonté de conversion, nous sommes invités à accueillir la parole de Dieu car c’est d’abord « celui qui vient » qui trace son chemin à travers le désert, qui redresse ce qui est tordu, qui aplanit ce qui fait obstacle, qui rassemble le troupeau, et c’est cette annonce de la venue du bon berger qui est l’élément déclencheur d’une attitude nouvelle de nos cœurs.
C’est pourquoi en ces jours où nous nous préparons à célébrer la Nativité du Christ, nous sommes invités à méditer davantage la parole de Dieu que nous recevons jour après jour à travers la liturgie de l’Église, nous sommes invités à laisser retentir en nous l’annonce du chemin que Dieu veut tracer dans nos vies, l’annonce de la venue de celui qui est le berger de son peuple.
Amen.
+ André cardinal Vingt-Trois, administrateur apostolique du diocèse de Paris.