Homélie du Cardinal André Vingt-Trois - Messe de l’Assomption de la Vierge Marie à la Maison Marie-Thérèse

Dimanche 15 août 2021 - Maison Marie-Thérèse (14e)

- Ap 11, 19a ; 12, 1-6a.10ab ; Ps 44, (45), 11-12a, 12b-13, 14-15a, 15b-16 ; 1 Co 15, 20-27a ; Lc 1, 39-56

Chacune et chacun d’entre nous garde au cœur le souvenir des grandes fêtes de l’Assomption que nous avons vécues avec un nombreux peuple assemblé, et où nous pouvions nous laisser porter par la joie de ce peuple. Mais aujourd’hui, tels que nous sommes, avec nos pauvretés, nos misères, nous ne sommes pas invités à vivre une joie de nostalgie. Nous sommes invités à recevoir, aujourd’hui, la joie que le Seigneur nous donne. Elle ne correspond pas aux critères que beaucoup imaginent de la fête, mais elle est la fête en notre cœur, comme Jean-Baptiste tressaillit dans le sein d’Elisabeth à la vue de Marie. Nous sommes invités à nous laisser toucher par la visite de la Vierge, et à entrer dans la joie qu’Elisabeth exprime et qui exprime aussi la joie de toute l’Église.

Ce n’est pas une joie surjouée, factice, c’est une joie réelle et très profonde parce qu’elle s’enracine dans une certitude que la lecture du Livre de l’Apocalypse nous permet de nous représenter : le combat qui ne finit pas entre la vie et la mort, le combat dans lequel nous sommes pris, chacune et chacun d’entre nous, à mesure que nous nous approchons du terme de notre vie. Et nous comprenons que pour beaucoup de nos contemporains, cette perspective soit une source de désespoir, un doute radical sur le sens de l’existence. Bien sûr, nous annonçons la résurrection du Christ et nous y croyons, mais toujours, dans un coin de notre esprit, il demeure une petite objection… Certes, il a été vu crucifié, il a été vu ressuscité, mais il était Dieu. Et nous ne sommes pas aussi convaincus que nous pourrions l’être qu’il était pleinement homme. Et nous savons que dans la tradition de l’Église, il y a tout un courant qui repose sur l’idée que l’humanité du Christ n’était qu’apparence, mais qu’en réalité, il n’était que Dieu. Alors, que Dieu soit vainqueur de la mort cela n’étonne personne, mais que quelqu’un de notre race, de notre sang, de notre condition humaine puisse échapper à la mort, ça c’est incontournable car la Vierge Marie n’est pas Dieu. S’il peut y avoir des débats, des doutes, des questions sur la réalité de l’union de l’humanité et de la divinité dans la personne de Jésus, il n’y a plus de débat sur la personne de Marie, elle n’est pas Dieu. Elle est une femme, de notre race humaine, et la grâce que Dieu lui a faite pour qu’elle devienne la mère de son fils s’étend jusqu’à la fin de sa vie, dont nous comprenons qu’elle n’est pas soumise à la corruption de la mort.

Aussi, célébrer l’Assomption de Notre-Dame dans sa chair et dans son esprit, célébrer la glorification de la personne de Marie en Dieu, c’est une espérance. C’est une façon de nous représenter la victoire sur le dragon dont nous parlait l’Apocalypse, non pas simplement en rejoignant un espace désertique où l’Église s’est réfugiée dans les temps de persécution, mais en entrant dans la gloire du Père. Cette femme, connue de tous - ils disaient dans l’Évangile : Nous savons qui il est, il est le fils de Marie, de Joseph, etc. -, elle passe en Dieu en surmontant la destruction de la mort. Et c’est parce qu’elle est de notre race, de notre espèce, de notre condition, parce qu’elle est l’une d’entre nous, que son passage représente pour nous une espérance considérable. Non pas que nous ambitionnions nous aussi de passer à travers la mort, mais nous savons que la mort vers laquelle nous nous acheminons n’est pas le dernier mot de l’existence humaine, nous savons, grâce à la Résurrection du Christ, premier né d’entre les morts, grâce à l’Assomption de Marie, que la puissance de Dieu arrache l’humanité à la destruction de la mort et la fait échapper à la destruction que le dragon voulait réaliser.

Cette espérance, c’est notre joie, c’est la joie que nous donne aujourd’hui la célébration de l’Assomption de Marie. Nous pouvons avancer en paix vers la fin de notre vie, parce que nous savons que la fin de notre vie est en Dieu avec Marie, parce que nous savons que dans la personne de Marie, Dieu a surmonté la mort et a fait triompher la vie éternelle.

Que cette parole d’espérance apaise ce qu’il y peut y avoir d’inquiétude et de crainte dans nos cœurs, qu’elle nous rende la confiance dans l’amour indéfectible de Dieu, lui qui a voulu prendre notre chair pour que notre chair passe dans la résurrection.

Amen.

+André cardinal Vingt-Trois, archevêque émérite de Paris

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