Homélie du cardinal André Vingt-Trois - Messe à la Maison Marie-Thérèse
Dimanche 5 décembre 2021 - Maison Marie-Thérèse (14e)
– 2e dimanche de l’Avent – Année C
- Ba 5, 1-9 ; Ps 125 (126), 1-2ab, 2cd-3, 4-5, 6 ; Ph 1, 4-6.8-11 ; Lc 3, 1-6
Frères et Sœurs,
Israël a vécu toute son histoire dans l’espérance de l’accomplissement des prophéties, en particulier celles qui annonçaient la restauration de la splendeur de Jérusalem, telles que Baruc les avait évoquées. C’est de la toute-puissance de Dieu qu’ils attendaient la restauration de leur royaume. Quand l’évangile de saint Luc ouvre le ministère public de Jésus, il donne comme cadre historique les gouvernants de l’époque, chacun dans sa province. On aurait pu attendre que le Messie envoyé par Dieu pour la restauration d’Israël vienne au milieu de cet aréopage, pour y mettre la puissance de Dieu à l’œuvre. Mais ce n’est pas ce que nous dit l’évangile de saint Luc. Il rappelle les noms de ces princes et de ces gouverneurs, de ces grands-prêtres, comme cadre et repère historique du moment où les choses vont s’accomplir, mais non comme le lieu où ces choses vont s’accomplir. En effet, c’est dans le désert, par différence avec les lieux de pouvoir et de commandement, que la Parole est adressée à Jean, fils de Zacharie.
Évidemment, la mémoire d’Israël a les moyens de déchiffrer et de discerner le sens de ces événements, à condition qu’elle y soit préparée ! Car le désert, c’est le lieu où a surgi le peuple nouveau, c’est le lieu où les transhumants de l’Égypte ont affronté l’épreuve, c’est le lieu où ils ont été attaqués par les serpents, soumis à la faim et à la soif, et où ils ont, sous la conduite de Moïse, fait l’expérience de la puissance de Dieu capable de les guérir, de les nourrir, de les abreuver, et de les conduire vers la terre promise.
Mais cette mémoire n’est pas forcément active et disposée à fonctionner à tout moment. Ainsi, quand la Parole de Dieu est adressée à Jean dans le désert, ce n’est pas simplement pour annoncer que Dieu va recommencer ce qu’il a déjà fait, c’est pour appeler les gens qui l’entendent à une conversion. Oui, c’est Dieu qui va sauver son peuple, c’est Dieu qui va aplanir les chemins et redresser ce qui est tortueux. Mais il ne va pas effectuer ce travail sans son peuple ni sans l’humanité. Il va le faire au cœur des hommes. C’est pourquoi Jean appelle, annonce et propose un baptême de conversion. La toute-puissance de Dieu sera à l’œuvre dans des cœurs convertis qui vont devenir les agents de l’action de Dieu. Ce sont eux qui devront préparer les chemins du Seigneur, aplanir les obstacles, redresser les chemins tortueux. C’est ce travail du cœur qui va permettre que l’œuvre de Dieu s’accomplisse. C’est à ce travail du cœur que Jean le Baptiste invite ces auditeurs. Il ne leur annonce pas un Messie magique qui viendrait accomplir la restauration de Jérusalem dans les chants de fête. Il leur annonce quelqu’un qui veut changer leur vie. Il leur annonce un chemin aride à travers le désert. Il leur annonce une alliance qui dépasse l’alliance conclue avec Israël, qui renouvelle l’Alliance de Dieu avec l’humanité, car au terme de cette conversion, de ce chemin nouveau tracé à travers le cœur des hommes, c’est tout être vivant qui est appelé à recevoir le salut de Dieu. C’est l’ouverture de l’alliance à l’universel, c’est l’ouverture d’Israël aux Nations, et c’est cela que nous préparons modestement, chacun à notre place, quand nous entrons dans ce travail de conversion du cœur, quand nous apprenons à identifier ce qui fait obstacle à la Parole de Dieu, quand nous apprenons à corriger ce qui rend tortueux les chemins du Seigneur, bref quand nous entrons dans le chemin de la conversion pour accueillir celui qui vient apporter le salut à tout être vivant. Amen.
+André cardinal Vingt-Trois, archevêque émérite de Paris.