Homélie du Cardinal André Vingt-Trois - Messe à la Maison Marie-Thérèse
Vendredi 25 mars 2022 - Maison Marie-Thérèse (14e)
– Annonciation du Seigneur
- Is 7, 10-14 ; 8, 10 ; Ps 39 (40), 7-8a, 8b-9, 10,11 ; He 10, 4-10 ; Lc 1, 26-38
Frères et Sœurs,
Les voies du Seigneur ne sont pas nos voies. Ils étaient nombreux au long des générations d’Israël à espérer la venue d’un messie. Ils étaient nombreux à s’imaginer ce que serait ce messie : un messie puissant qui surgirait à Jérusalem, qui prendrait la place du Roi et qui restaurerait la royauté de David. C’est à Nazareth, une bourgade méprisée - que peut-il sortir de bon de Nazareth… - au fond de la Galilée, à une jeune fille inconnue - sauf de l’évangéliste qui lui donne son nom - que le Seigneur ouvre son projet. Celui qui viendra sauver son peuple ne sera pas un puissant de Jérusalem, il sera un descendant de David. Mais il y a tant de descendants de David… Il sera appelé Fils de Dieu. Comment comprendre quelque chose à ce langage ? Comment cette pauvre jeune fille ne serait-elle pas troublée par la parole de l’ange ? Sois sans crainte, Marie, car c’est ce que Dieu veut faire. Sois sans crainte parce que c’est la voie que Dieu a choisie, même si elle ne correspond pas au chemin que l’on avait imaginé pour la venue du Messie, même si elle ne prédispose pas l’avènement d’un puissant messie à Jérusalem. C’est cette voie-là qui est la voie de Dieu.
Nous savons tous, par l’histoire de notre vie, que le dessein de Dieu s’accomplit selon ce qu’il veut, selon ses règles de vie, selon ses règles de fonctionnement qui ne sont pas les règles du monde. Ainsi, pour rendre témoignage à son amour et à sa miséricorde, Dieu ne choisit pas ce qui est grand et ce qui est puissant, mais ce qui est faible et méconnu. Ainsi, pour dessiner un chemin de salut, il ne choisit pas les offrandes et les sacrifices, il choisit l’offrande d’une liberté : celle de son Fils, et un sacrifice : celui de son Fils. Il choisit le chemin de la pauvreté pour confondre les puissants.
Nous le savons, nous en avons été à la fois les bénéficiaires et les témoins dans notre propre vie, nous avons, nous aussi, à plusieurs reprises, perçu l’appel de Dieu à laisser conduire notre vie. Nous avons à plusieurs reprises entendu la mission que Dieu voulait nous confier et nous avons essayé d’y répondre autant que nous pouvions. Nous n’étions pas les puissants de ce monde, nous n’étions pas les plus efficaces pour transformer la société, nous n’étions pas les plus en vue pour attirer les regards, mais c’est quand je suis faible que je suis fort dira saint Paul. C’est dans notre faiblesse même, dans notre pauvreté, dans la misère de notre péché que Dieu a choisi de faire passer le chemin du salut, c’est dans le dénuement de nos moyens qu’il a choisi de manifester la puissance de ses moyens.
Aussi, la réponse de Marie : « qu’il me soit fait selon ta parole » devient notre réponse. Non pas parce que nous aurions les solutions mais parce que nous croyons. Nous croyons ce que l’ange dit à la Vierge : « Rien n’est impossible à Dieu », et ce que Dieu a manifesté à travers tant d’existences à travers le temps, c’est précisément qu’il rend possible ce qui nous parait impossible, c’est précisément qu’il réalise ce que nous n’avons pas les moyens de réaliser, et Marie, dans sa liberté, dans son abandon, dans son obéissance, ouvre sa vie à la venue du Messie.
Rendons grâce à Dieu qui nous a associés à notre tour à cette réponse de la Vierge Marie. Rendons grâce à Dieu qui a fait porter du fruit à travers la faiblesse de notre vie. Rendons grâce à Dieu parce qu’il est vraiment celui qui sauve, celui qui remet l’homme debout.
Amen.
+André cardinal Vingt-Trois, archevêque émérite de Paris