Homélie du Cardinal André Vingt-Trois - Messe à la Maison Marie-Thérèse

Dimanche 3 avril 2022 - Maison Marie-Thérèse (14e)

Dieu nous invite à découvrir la voie de la réconciliation et à nous tourner vers cette vie nouvelle où les relations avec les autres sont définies par l’amour.

– 5e dimanche de carême – Année C

- Is 43, 16-21 ; Ps 125 (126), 1-2ab, 2cd-3, 4-5, 6 ; Ph 3, 8-14 ; Jn 8, 1-11

Frères et Sœurs,

Je ne sais pas si le grand âge est un privilège, en tout cas, ceux qui étaient les plus vieux avaient compris les premiers ! Alors nous allons essayer de mettre nos pas dans les leurs, et de comprendre ce que le Seigneur veut nous dire aujourd’hui. Il a fait une chose nouvelle que nous ne voyons peut-être pas encore très bien, mais que le prophète nous annonce : il va inonder le désert, il va rendre vie à la terre.

Qu’est-ce qu’il y a de si nouveau quand nous entendons le récit de cette scène au temple de Jérusalem ? Quand nous y réfléchissons, nous qui avons passé une partie de notre vie à essayer d’aider les gens à modifier leur comportement, nous savons bien qu’il y a deux manières d’obtenir ce changement. La première manière, c’est la condamnation, la crainte, l’accusation, comme nous la voyons chez les scribes et les pharisiens. La deuxième manière, c’est de ne pas condamner, comme nous voyons Jésus le faire. Mais nous savons bien que cela n’est pas aussi simple ! Si Dieu a donné la Loi à Moïse, c’est pour permettre aux hommes de connaître leur péché. La Loi suscite la connaissance du péché, et doit aider à se corriger. Qu’est-ce qui a défailli ? Qu’est-ce qui fait que ces scribes et ces pharisiens deviennent inaptes à aider leurs semblables à changer de vie ? C’est qu’ils se sont mis à la place du juge. Ce sont eux qui jugent, ce n’est pas Dieu qui juge. Ils se mettent en position d’accusateurs, comme si eux-mêmes étaient justes, et ils utilisent la Loi pour mettre en défaut leurs semblables.

En méditant sur cette scène de l’Évangile, je pensais que nous vivons dans une société qui vit sur la surabondance des lois, à défaut de s’occuper de la droiture des consciences. Pour obtenir un comportement supportable de la part des hommes, nous n’avons rien trouvé de mieux que de leur imposer des lois qui définissent le bien et le mal, ce qui est autorisé et ce qui n’est pas autorisé. Et nous ne manquons pas non plus de scribes ou de pharisiens, de procureurs et de juges pour dire tout le mal que les autres font. Une société dans laquelle la conscience humaine n’est pas éduquée ni affinée pour reconnaître ce qui est bien et ce qui est mal, se transforme progressivement en une société pharisienne où c’est la loi qui définit ce qui est autorisé et ce qui est interdit, où l’on commence à réussir quand on peut se mettre dans le camp de ceux qui jugent pour condamner ceux qui vivent mal.

Nous ne sommes pas à l’abri de cette perversion de la Loi. La Loi que Dieu a donnée à Moïse n’était pas faite pour justifier le juge, mais pour pousser le pécheur à la conversion. Jésus, et c’est là que Dieu fait des choses nouvelles, emprunte un autre chemin pour ouvrir la voie à la conversion. Lui qui est le juste, lui qui n’a pas péché, lui qui est venu annoncer la réconciliation sur la terre, il ne se met pas en situation d’accusateur, il se met en situation de témoin, il se met en situation de contester la qualité des juges, il se met en situation d’aider cette femme à se retrouver devant sa conscience et devant le bien et le mal entre lesquels elle doit choisir.

C’est pourquoi il ne dit rien, c’est pourquoi il ne la condamne pas, c’est pourquoi il la renvoie avec une parole d’espérance : « Va et désormais ne pèche plus. » (Jn 8,11). Quand un homme ou une femme arrive à reconnaître ce qui est dévoyé dans son existence, quand un homme ou une femme arrive à entendre l’appel à la conversion, c’est la joie du Royaume de Dieu d’accueillir celui qui se convertit. Oui, Dieu fait des choses nouvelles, il nous invite à oublier le passé, non pas pour oublier ce que nous avons fait, mais pour oublier que nous vivions sous la loi du jugement. Il nous invite à découvrir la voie de la réconciliation dans le juste qui a pris sur lui nos péchés. Il nous invite à nous tourner vers cette vie nouvelle où les relations avec les autres ne sont plus définies par la loi mais définies par l’amour.

Demandons au Seigneur qu’il nous aide à nous reconnaître pécheurs, à nous dissocier de cette pratique qui consiste à attribuer le mal aux autres et à ne pas le voir en soi. Qu’il fasse de nous des pécheurs convertis et qu’il nous donne la joie du pardon.

Amen.

+André cardinal Vingt-Trois, archevêque émérite de Paris.

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