Homélie du Cardinal André Vingt-Trois - Messe à la Maison Marie-Thérèse
Dimanche 19 mars 2023 - Maison Marie-Thérèse (14e)
– 4e Dimanche de Carême – Année A
- 1 S 16, 1b.6-7.10-13a ; Ps 22 (23), 1-2ab, 2c-3, 4, 5, 6 ; Ep 5, 8-14 ; Jn 9, 1-41
Frères et Sœurs,
Comme nous comprenons bien la question que les disciples posent à Jésus : qui a péché, lui ou ses parents ?
Nous avons tant de fois entendu dire, ou dit nous-même, de quelqu’un qui était accablé par la maladie ou par la mort : il n’a pas mérité ça, ce qui sous-entendait évidemment que les autres l’avaient mérité. Et que ces malheurs qui affligent l’être humain sont un jugement sur sa vie. Mais dites-nous, qui peut porter un jugement sur le péché, sinon Dieu lui-même ? Et quand nous disons qu’il ne l’a pas mérité, ou il l’a mérité, que nous disons-nous d’autre que d’attribuer à Dieu le mal qui arrive au cœur de l’homme. C’est Dieu qui punit, c’est Dieu qui t’a puni, c’est Dieu qui te punira.
C’est contre cette vision de Dieu que Jésus se retourne en disant à ses disciples : pas du tout. Cela n’est pas à cause du péché qu’il est aveugle, c’est pour que soit manifestée l’œuvre de Dieu en lui.
C’est une façon de nous inviter à porter un autre regard sur les difficultés de notre vie, sur les maladies, sur les handicaps, sur les choses qui nous rendent la vie compliquée, et dont nous avons quand même, secrètement, tendance à les reprocher à Dieu. Si tu savais, si tu voulais, si tu pouvais, tu pourrais empêcher tout cela. Comme si ce qui nous arrive était une marque de la faiblesse ou de la distraction de Dieu.
Alors Jésus nous dit : regardez bien, ce qui vous arrive ce n’est pas un châtiment de Dieu, c’est une épreuve, une opportunité pour que soit manifestée la gloire de Dieu, et la gloire de Dieu se manifeste dans son fils qu’il a envoyé. Il l’a envoyé pour être la lumière du monde, pour éclairer le cœur de l’homme, pour éclairer la vie des hommes. Pour manifester le sens de cette vie des hommes qui ne se trouve pas dans les causes des malheurs qu’il subit, mais qui se trouve dans les buts, dans le chemin qu’il suit pour vivre dans ses malheurs, en communion avec le Christ et pour recevoir du Christ la parole et le geste qui relève, qui remet debout.
Nous sommes dans le chemin qui nous conduit à la Pâques, où nous allons communier au Christ mort et ressuscité, où nous allons être confrontés à l’épreuve radicale. S’il est le Fils de Dieu, qu’il descende de la croix, sinon nous ne croirons pas en lui.
Cette épreuve radicale pour Jésus est à notre mesure moins radicale évidemment, mais quand même réelle. Si Dieu est notre Père, si nous sommes enfants de Dieu, alors qu’il nous délivre de tout ce qui nous encombre, de tout ce qui nous rend la vie compliquée, de tout ce qui nous fait souffrir, et qu’il nous conduise dans un chemin pavé de roses. Cela n’est pas comme cela que Dieu agit avec nous. Il nous prend comme nous sommes. Avec nos difficultés, nos souffrances, nos handicaps, et il nous offre dans cette situation la possibilité d’être témoins de son amour, justement, dans notre manière de réagir et de vivre debout malgré les difficultés de la vie.
Que le Seigneur illumine notre regard, pour que nous voyons ce qui ne se voit pas, comme Samuel était invité à voir ce qui ne se voyait pas chez les enfants pour discerner celui qui serait le roi d’Israël. Il était invité à voir ce que Dieu voyait, qui n’était pas les apparences mais qui était la réalité du cœur. Nous sommes invités, avec Samuel, à regarder non pas les apparences de notre pauvre vie mais la réalité du cœur c’est-à-dire notre capacité de rendre grâce à Dieu tels que nous sommes avec nos limites et nos faiblesses, et de proclamer notre foi en celui qui est le fils de l’homme, qui est l’envoyé du Père, qui est l’envoyé du monde.
Seigneur Jésus je crois.
+ André cardinal Vingt-Trois, archevêque émérite de Paris