Homélie du Cardinal André Vingt-Trois - Messe à la Maison Marie-Thérèse

Dimanche 26 mars 2023 - Maison Marie-Thérèse (14e)

– 5e Dimanche de Carême – Année A

- Ez 37,12-14 ; Ps 129, 1-8 ; Rm 8,8-11 ; Jn 11,1-45

Frères et Sœurs,

Marthe et Marie, et beaucoup des gens qui étaient venus les entourer, pensaient que Jésus aurait pu empêcher Lazare de mourir. D’une certaine façon, ils n’osent rien dire mais ils estiment que c’est un peu une défaillance que de ne pas avoir empêché la mort de Lazare. Jésus leur dit ce qu’il a déjà dit à ses disciples : il a laissé Lazare mourir parce que, ce qu’il s’agit de donner, ce n’est pas d’empêcher la mort d’avoir lieu, c’est de manifester la puissance de Dieu sur la mort et de donner un signe que, lorsque lui, Jésus, sera mort crucifié, Dieu sera toujours dans sa puissance pour le ressusciter. S’il avait pu empêcher la mort de Lazare, combien plus aurait-il pu empêcher sa propre mort ? Mais ce n’est pas cela qu’il est venu faire, il est venu dans le monde manifester que Dieu est la vie, et il est lui-même la résurrection et la vie. C’est cela qu’il veut montrer aux Juifs. C’est cela qu’il veut montrer à Marthe et à Marie. C’est cela qu’il nous montre à travers le récit de cette résurrection de Lazare.

Mais nous ne sommes pas Lazare et nous ne sommes pas Jésus. Alors nous pouvons entendre ce récit comme une belle histoire, édifiante, mais pouvons-nous aller jusqu’à la profession de foi de Marthe et de Marie : « nous croyons Seigneur que tu es le Fils de Dieu, et que tu as les paroles de la vie éternelle ». Sommes-nous capables, sommes-nous en disposition de nous identifier à ce Christ vainqueur de la mort ? Par notre baptême nous avons été configurés au Christ prêtre, prophète et roi, par le signe de l’onction du saint chrême ; et les prêtres et les évêques ont été configurés au Christ Serviteur par l’onction du saint chrême. Ils sont devenus, nous sommes devenus un avec lui. Par la puissance de son Esprit qui habite nos cœurs, il est vivant en nous, c’est lui qui vit en nous, comme saint Paul le dira : « ce n’est plus moi qui vit, c’est le Christ qui vit en moi » (Galates 2, 20). Et si c’est le Christ qui vit en moi, lui qui est la résurrection et la vie, comment pourrait-il me laisser mourir ? Comment pourrait-il, plus exactement, laisser la mort victorieuse sur la vie en moi ?

Cette vie de l’Esprit qui est en moi me constitue comme témoin de la résurrection du Christ. Cette vie de l’Esprit qui a été renforcée par l’onction de la confirmation me constitue comme témoin de la vie qui est en Jésus Christ. Cette vie ne s’identifie pas à ma vie biologique, à ma vie corporelle, l’Esprit est vivant en moi mais il est plus vivant que moi. Moi, je suis un vivant en sursis, lui, il est un vivant définitif, éternel. C’est lui qui me fait franchir l’épreuve de la mort, non pas comme l’extinction de ma vie, mais comme l’ouverture d’une nouvelle étape de ma vie.

Oui, nous sommes capables dans la pauvreté de nos existences, dans l’épreuve de l’âge, de l’isolement, des souffrances parfois, des handicaps, nous sommes capables d’être témoins de cette vie en nous. Nous sommes capables de vivre dignement dans un corps qui perd sa dignité. Nous sommes capables de vivre dignement parce que nous vivons dans l’Esprit, et notre corps qui se délite, qui se défait, qui s’émiette, n’est pas plus grand que notre esprit, n’est pas plus grand que l’Esprit de Dieu qui vit en nous, n’est pas plus grand que la puissance du Christ qui vaincra la mort après le passage par la croix.

Ainsi, vous qui allez être marqués par l’huile des malades, vous allez recevoir d’une, façon nouvelle, la force du Christ pour être ses témoins d’une vie digne dans les difficultés de la dernière étape. Non pas que vous serez délivrés de toutes vos difficultés, mais ces difficultés, vous les vivrez dans le Christ, avec le Christ, en communion avec le Christ, comme nous le faisons chaque fois que nous recevons l’eucharistie et que nous demandons au Seigneur qu’il nous relève pour que nous devenions avec lui témoins de la vie de Dieu pour toujours.

Amen.

+André cardinal Vingt-Trois, archevêque émérite de Paris

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