L’Espérance à la barre

Paris Notre-Dame du 17 mars 2022

Le mercredi 9 mars s’est achevé le procès de l’attentat de St-Étienne-du-Rouvray, durant lequel le P. Jacques Hamel a été assassiné en pleine messe. Mgr Emmanuel Tois, vicaire général du diocèse de Paris, ancien magistrat et aumônier des magistrats chrétiens du palais de justice de Paris, nous partage quelques éléments de réflexion.

Mgr Emmanuel Tois, vicaire général du diocèse de Paris.
© Yannick Boschat

Paris Notre-Dame – Que retenir de ce procès ?

Mgr Emmanuel Tois – L’intérêt d’un procès pénal est toujours bien plus large que son aboutissement, la reconnaissance de culpabilité, ou les peines et les sommes allouées aux parties civiles. C’est aussi un formidable espace de parole qui favorise la manifestation de la vérité et qui permet la restitution publique d’une enquête et d’une instruction. Il permet aussi de voir ce que sont devenus les victimes, ou en l’occurrence leurs proches, mais aussi les accusés. Dans ce procès, il y a pour moi deux vrais manques : d’une part, les deux véritables coupables sont morts, et ceux qui sont jugés ont des rôles subalternes. De l’autre, Roseline Hamel n’a pas eu les réponses qu’elle espérait sur les ratés éventuels dans le suivi du terroriste Adel Kermiche. Mais si le volet judiciaire du procès peut paraître, par certains aspects, décevant, l’espace de parole déployé est, lui, tout à fait fascinant et témoigne d’un procès hors norme.

P. N.-D. – En quoi peut-on le qualifier de hors norme ?

E. T. – On voit bien que ce procès, qui est bien moins long que celui du Bataclan, n’est pas passé inaperçu, en témoigne le traitement par la presse. Au-delà de la qualité du travail fourni par l’institution judiciaire, il y a, je crois, le fait que le P. Jacques Hamel, vieux prêtre de 85 ans célébrant sa messe, est le symbole de l’innocence et de la vulnérabilité. Personne n’a jamais minimisé la violence de ce crime totalement gratuit. Il y a une émotion générale. Il est hors norme aussi par les témoignages remarquables des différentes parties civiles, et en particulier ceux de Guy Coponet, paroissien forcé de filmer le meurtre du P. Hamel et blessé à son tour par les terroristes, et de Roseline Hamel, la sœur du prêtre. Les journalistes montrent bien comment l’audience est saisie plusieurs fois : il y a le Je vous salue Marie ininterrompu de Guy Coponet, le mouchoir tendu à un des accusés par une paroissienne, les échanges entre les accusés et les parties civiles… On assiste, plus qu’à d’autres procès, à des cheminements qui se croisent : celui des victimes dans le pardon malgré la souffrance, et celui des accusés qui vont au-delà des traditionnels regrets. Lorsque Farid Khelil dit « son amour » à Roseline Hamel, elle a cette réponse si forte : « Tout en émettant un doute sur votre sincérité, vos paroles me font du bien. » De mémoire de magistrat, je n’ai jamais vu des accusés qui remercient les parties civiles. On peut s’interroger sur une éventuelle stratégie dictée par la défense, mais j’ai l’Espérance que certaines paroles résonnent et fassent cheminer ces hommes.

P. N.-D. – En tant que chrétien, quel sens donner à ce procès ?

E. T. – Il y a bien sûr une dimension évangélisatrice incroyable, par la foi considérable dont ont témoigné les différentes parties civiles. Dans mon cœur et ma prière, j’y vois les prémices des fruits du martyre et l’Espérance que ce procès, par la force des témoignages, permette à ces hommes accusés de s’amender. C’est, aussi, une réponse à l’endoctrinement : les accusés ont pu voir les conséquences directes du mal, et en regard, ils ont entendu les victimes refuser de sombrer dans la haine, faire preuve de compassion malgré leur souffrance. On sait que Roseline Hamel a pris contact avec la mère d’un des terroristes en pensant à la douleur d’une mère de voir agir ainsi son fils. On l’a vue, aussi, consoler les sœurs d’un des accusés à l’issue du verdict. C’est un témoignage très fort sur le pardon, qui ne laisse personne indifférent.

Propos recueillis par Charlotte Reynaud

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