« L’Europe est toujours à construire »

Paris Notre-Dame du 14 novembre 2013

R.N.D. - Pendant l’assemblée de Lourdes, les évêques ont choisi de travailler sur le phénomène social de l’avortement et les conséquences sur l’éducation des enfants. Sur quoi portait la réflexion ?

Cardinal André-Vingt-Trois, archevêque de Paris.
© Pierre-Louis Lensel

Cardinal André Vingt- Trois - En France, pour 800 000 naissances, il y a environ 200 000 avortements. Cela donne une idée du nombre de familles et du nombre de femmes touchées par cette question. Il faut aussi regarder plus largement. L’avortement, tel que nous le connaissons dans nos sociétés développées, est un symptôme. Chaque femme confrontée à l’avortement vit dans une situation particulière qui s’inscrit dans un environnement culturel. Or, une grande question se pose à nos sociétés : sont-elles capables d’accueillir l’avenir, d’accueillir des jeunes et de leur faire leur place ? D’une façon symbolique, le refus d’amener à la naissance un enfant est le signe d’une société qui n’a pas trouvé les moyens de son avenir. Beaucoup de facteurs entrent en ligne de compte : des facteurs de fragilité personnelle, des facteurs de fragilité de l’environnement… On ne peut pas demander à des femmes seules, enceintes et sans aucun soutien, d’affronter une situation qui est faite normalement pour être vécue dans une famille. Et puis il y a des éléments qui tiennent à la représentation économique que les gens se font de l’existence : ils rêvent que leur enfant bénéficie de tout et donc pour qu’il bénéficie de tout, il ne faut pas qu’il y ait de concurrence.

R.N.D. - Des élections européennes vont avoir lieu au printemps prochain, les évêques se sont alarmés d’une forme d’euroscepticisme. Quelle est votre appréciation des choses ?

A. V.-T. - Depuis les premières élections européennes, la participation des électeurs a été en chute constante. On arrive maintenant à des chiffres alarmants, autour de 40% de votants. Cela veut dire que, pour beaucoup d’électeurs potentiels, l’enjeu européen n’a pas de visage concret. C’est un manque grave dans le fonctionnement de nos sociétés dans la mesure où elles sont complètement solidaires de la réalité de l’Europe. Il y a deux directions dans lesquelles il faudrait développer l’action. La première : faire un inventaire plus nourri des résultats du développement de l’Europe au cours des 60 dernières années. La construction européenne a beaucoup de défauts que tout le monde est prêt à reconnaître, elle a quand même eu le mérite d’établir les pays d’Europe dans la paix. Des pays en luttes périodiques les uns avec les autres se sont retrouvés dans la paix et ont uni leur force pour la maintenir. Ce résultat en lui-même est un bénéfice extraordinaire. Il faut penser que, jusqu’aux années 40, toutes les familles étaient frappées par la guerre. Depuis les années 40, il n’y a plus de guerres européennes. Nous sommes dans une situation particulièrement favorable. La deuxième piste sur laquelle travailler, c’est d’aider les gens et, en particulier les plus jeunes générations, à comprendre que l’Europe est un combat. Elle est toujours à construire, elle n’existe pas comme un distributeur de subventions. Cela n’aurait aucun intérêt. L’intérêt de l’Europe, c’est de mobiliser des gens pour construire quelque chose ensemble. Il y a quantité de domaines où les Européens peuvent se mobiliser à condition de ne pas voir l’Europe uniquement sous l’angle d’une ressource financière pour des catégories particulières. • Propos recueillis par Louis Daufresne pour Radio Notre Dame.

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