La foi nomade

Paris Notre-Dame du 25 juillet 2024

Paris Notre-Dame poursuit sa série d’été sur les lieux de passage avec un troisième épisode à bord du bateau-chapelle Je Sers. Amarré sur la rive droite de la Seine, au pied de Conflans- Sainte-Honorine, cette paroisse fluviale est animée par l’aumônerie des bateliers.

© Marie-Charlotte Noulens

Sous le pont de Conflans coule la Seine. Elle caresse le bord des coteaux sur lesquels est accrochée la ville de Conflans-Sainte-Honorine (Yvelines). En ce mois de juillet, sa robe scintille sous l’effet des rayons du soleil et la chaleur fait remonter des odeurs de terre humide. Sur le quai de la République, des dizaines de chalands sont amarrés. Parmi eux, le bateau Je Sers sort de l’ordinaire. Long de soixante-dix mètres, il porte une immense croix bleue, peinte sur l’avant. Il est en réalité un bateau-chapelle. « La paroisse fluviale a été fondée par l’abbé Joseph Bellanger à la fin des années 1930 », précise Bernard Hache, batelier à la retraite et ancien trésorier de l’association Entraide Sociale Batelière (ESB). Durant la guerre 14-18, le P. Bellanger est un jeune lieutenant séminariste, commandant d’un corps franc du 19e régiment d’infanterie. Ses hommes étaient presque tous bateliers. Blessé mortellement lors des combats, un sergent, marinier, mourut dans les bras du séminariste et, dans un dernier souffle, lui fit promettre de prendre soin de ses frères de métier.
À l’époque, les bateliers sont marginalisés en raison de leur mode de vie nomade. Ils naviguent de longs mois sur les fleuves d’Europe et n’ont que peu de lien avec la vie à terre. Ils se retrouvent de facto exclus du système social français. L’abbé Bellanger tint sa promesse et consacra son apostolat à l’accompagnement spirituel et social des mariniers. Il fonda l’ESB qui fit l’acquisition du bateau-chapelle Je Sers, inauguré en 1936 et bénit par l’évêque du diocèse de Versailles d’alors, Mgr Roland-Gosselin. Le bateau est divisé en trois parties : la chapelle, à l’avant du chaland, une salle centrale réservée aux activités sociales de l’ESB et une salle utilisée pour la distribution d’aide alimentaire. « Notre vie reste nomade, hors du temps, souligne Bernard Hache. La paroisse fluviale et l’ESB fonctionnent de pair. Nous avons une messe chaque soir et deux le dimanche, sauf l’été, ainsi que des cours de catéchèse pour les enfants. » Mariage, baptême, enterrement… La paroisse vit au rythme des bateliers.

Une grande dévotion

La vie des bateliers s’est améliorée mais l’activité paroissiale a un peu diminué. « Sur les 6 000 bateaux naviguant dans les années 1950, il n’en reste que 800 », précise Bernard Hache. Son épouse, Maryse, ancienne batelière, renchérit : « Il y a beaucoup de terriens parmi les paroissiens désormais. » L’ESB poursuit son œuvre sociale envers les bateliers et les « terriens ». La spiritualité des mariniers est difficilement saisissable, teintée de mysticisme et d’une grande dévotion. « Le milieu batelier est catholique et une courte majorité reste pratiquante, insiste Maryse avec douceur. Tous les mariniers font bénir leur bateau et baptiser leurs enfants. » La chapelle est chaleureuse, lovée dans le bois et tapissée de maquettes de chalands. Au fil du temps, les bateliers se sont appropriés ce lieu de prière. Les vitraux sont ciselés dans les hublots et l’ambon est en forme d’ancre. Des statues de Notre-Dame des Eaux et de saint Nicolas, patron des bateliers entourent le chœur. La paroisse fluviale reste une bouée de sauvetage, une verrière de bateau lumineuse, comme celle qui indique la présence de Dieu dans le tabernacle de la chapelle. Elle diffuse une douce clarté, rassurante après un long voyage au bout duquel le Christ mène le batelier à bon port.

Marie-Charlotte Noulens

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