Langue des signes : et le Verbe se fait chair
Paris Notre-Dame du 9 novembre 2023
Le P. Arnaud Mougin, curé de Ste-Rosalie (13e), apprend, depuis un an, la langue des signes avec pour objectif, dans les prochains mois, de célébrer la messe en la signant. À quelques jours de la Journée diocésaine des personnes sourdes et malentendantes, ce dimanche 12 novembre, il se confie sur cet apostolat.
Paris Notre-Dame – Pourquoi vous êtes-vous porté volontaire pour apprendre la langue des signes ?
P. Arnaud Mougin – Mgr François Gonon, notre vicaire général, nous avait confié l’année dernière que le diocèse de Paris était à la recherche d’un prêtre disposé à apprendre la langue des signes. Je n’ai pas réfléchi longtemps avant de répondre présent ! Pendant mes études, j’avais déjà suivi une année d’initiation dont je gardais un bon souvenir ; c’est sans doute pour cette raison que je me suis senti davantage concerné. On n’imagine pas à quel point les personnes sourdes et malentendantes sont coupées du monde et cet enfermement m’a toujours interpellé. Même si j’ai une facilité certaine à aller vers elles, je suis très vite confronté à la barrière linguistique. L’apprentissage de la langue des signes oblige aussi à un véritable travail sur soi : il faut être expressif, mimer voire exagérer ses gestes. Moi qui, plus jeune, étais d’un naturel réservé – même si, après dix ans de sacerdoce, je suis plus à l’aise devant une assemblée –, je trouve l’exercice intéressant ! Depuis un an, je découvre un nouveau monde, comme si je me retrouvais dans un pays inconnu, face à une autre culture. Je réalise aussi, au fil des rencontres, la soif spirituelle des fidèles sourds et malentendants ; ils sont très sensibles au fait qu’un nouveau prêtre du diocèse apprenne, pour eux, la langue des signes.
P. N.-D. – Quel est le sens de rendre la messe accessible aux fidèles sourds et malentendants et que ce ne soit pas seulement un interprète qui traduise les paroles du prêtre ?
A. M. – En tant que chrétiens, et plus encore comme prêtre, nous croyons que le Verbe de Dieu s’est incarné. Il y a quelque chose de très fort dans la langue des signes : elle s’incarne, concrètement. Le parallèle entre l’incarnation du Christ et ce langage est puissant. Quand je signe, j’ai vraiment l’impression que le Verbe se fait chair d’une manière particulière. La parole de Dieu s’est faite homme et mes mots se font chair car je dois les exprimer avec des gestes et des expressions du visage. C’est finalement une manière nouvelle d’appréhender le mystère de l’incarnation : la parole n’est plus seulement un enchaînement de sons et d’ondes invisibles mais devient au contraire visible, concrète, incarnée. C’est ce qui donne tout son sens au fait qu’un prêtre puisse signer pendant les moments les plus importants de la messe, en particulier au moment de la consécration – mon objectif de la rentrée prochaine.
P. N.-D. – À qui s’adresse la Journée diocésaine des personnes sourdes et malentendantes ?
A. M. – L’objectif de cette journée est vraiment la rencontre, avec la messe de 11h traduite en langue des signes, un repas partagé suivi d’un temps d’échange l’après-midi. Au milieu de notre quotidien et de nos habitudes, nous sommes tous appelés à ne pas oublier que se trouvent autour de nous des personnes sourdes et malentendantes. Qui plus est, cette communauté a le désir de rencontrer les personnes entendantes. C’est en apprenant à communiquer et en faisant tomber les murs entre nous que cela pourra advenir, je le vois avec mes paroissiens qui les accueillent avec tant de joie ! Il y a encore beaucoup à faire pour mieux se connaître et s’accueillir les uns les autres, mais si chacun peut repartir de cette journée en sachant signer « bonjour, merci, au revoir », cela pourra changer beaucoup de choses !
Propos recueillis par Mathilde Rambaud
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