Léon XIV, « gaudium magnum »

Paris Notre-Dame du 15 mai 2025

À 18h08 ce jeudi 8 mai, le monde a suspendu sa course alors qu’une fumée blanche s’échappe de la cheminée de la chapelle Sixtine : un pape a été élu. Récit d’un moment de communion et de liesse qui s’est vécu sous de nombreuses latitudes et, ici, à Paris.

Un temps d’adoration particulièrement recueilli était proposé à l’issue de la messe. Une fois la bénédiction "Urbi et orbi" prononcée, les fidèles ont chanté le "Tantum ergo" et prié une dizaine de chapelet.
© Charlotte Reynaud

Y -a-t-il rituel plus abouti que celui de l’annonce d’un nouveau pape ? Pendant de longues heures – et même plus d’une journée entière – nous avons été des millions à scruter en direct et à travers le globe une cheminée et un goéland. Une attente interminable un mercredi soir, pour une épiphanie à une heure inattendue, ce jeudi 8 mai, à 18h08 pour Paris : la fumée blanche ! Liesse générale sur la place Saint-Pierre, exultation pour le monde entier. Partout, les cloches sonnent à l’unisson l’élection d’un pape dont on ne connaît, pourtant, encore ni l’identité ni le nom. « Une joie de grands enfants » sourit le P. Benoît Stemler, vicaire à St-Michel (17e), qui a appris la nouvelle avec l’équipe de prêtres de sa paroisse. « C’est là qu’on voit qu’on est une famille, abonde le P. Charles Cornudet, curé à N.-D.-de-la-Croix (20e). Ça sonne à Rome et, une minute plus tard, ça sonne dans le monde entier. »

Exultation générale

Une onde carillonnée qui n’a pas épargné Paris. À cette heure, plusieurs églises célébraient la messe. C’était le cas à Notre-Dame, où celle de 18h venait de commencer, en présence des 142 séminaristes d’Île-de-France et de près de 600 paroissiens de Ste-Marie-des Batignolles (18e), venus en pèlerinage jusqu’à la cathédrale. Un événement paroissial prévu de longue date, mais dont la proximité inespérée avec l’entrée en conclave, la veille, n’avait pas échappé au curé, le P. Vincent Guibert : « J’avais ce grand désir dans le cœur que toute la paroisse puisse vivre l’élection du pape à Notre-Dame de Paris ; je l’avais demandé au Seigneur dans ma prière. » « Demandez, on vous donnera » (Mt, 7, 7). Première exultation dans la sacristie, alors qu’Ednaldo, sacristain de la cathédrale, griffonne, tout à sa joie, un « Habemus papa » sur un bout de papier pour le faire parvenir discrètement dans le chœur : « Dans l’émotion, j’ai oublié le “m”, mais “Nous avons un papa”, c’est joli aussi ! », plaisante-t-il à la sortie, le précieux papier dans la poche. Seconde exultation dans la nef, lorsque le P. Henry de Villefranche, chapelain, tout juste prévenu, prend la parole au moment de l’homélie – après de longues secondes de silence et quelques grands gestes, sous le coup de l’émotion : « Que peut-il se passer dans une église comme Notre-Dame ? On vient y rencontrer le Seigneur et Notre-Dame est un signe que Dieu habite vraiment parmi nous. Dieu vient habiter dans le monde, il s’incarne. Et le Seigneur est toujours celui qui est présent dans sa bienveillance, dans sa puissance. Et mes amis, un des signes que Dieu nous accompagne, c’est que… Habemus papam ! » Tonnerre d’applaudissements et cris de joie dans la cathédrale. Et le P. de Villefranche de poursuivre : « Il ne suffit pas que Dieu nous donne un pape ; il faut que nous l’accueillions, que nous l’écoutions, et que nous priions pour lui ! »
Associant le geste à la parole, les PP. Henry de Villefranche et Guillaume Normand, vice-recteur, proposent, à l’issue de la messe, un temps d’adoration pour ceux qui voudraient attendre en prière l’apparition au balcon de St-Pierre. À 19h15, le P. Normand annonce au micro le nom et l’identité du nouveau pape, Léon XIV. Le P. de Villefranche se livre alors à un peu de pédagogie, rappelant l’héritage de Léon XIII qui, par « ses enseignements et notamment l’encyclique Rerum Novarum, a fait entrer l’Église dans le XXe siècle ». Au moyen d’une tablette numérique approchée du micro du chantre, les premiers mots du pape résonnent dans la cathédrale dans un silence… religieux. Après la bénédiction Urbi et orbi, les chapelains rappellent aux fidèles qu’ils ont reçu l’indulgence plénière et invitent chacun à prier un instant devant le Saint-Sacrement, avant de chanter le Tantum Ergo et réciter une dizaine de Je vous salue Marie, en plusieurs langues. Certains Américains – premiers surpris de l’élection de ce cardinal venu d’Amérique – partagent leur émotion de pouvoir prier en anglais pour ce pape « signe de joie et d’espérance, à un moment où nous en avons bien besoin ! » Pour d’autres visiteurs, vivre cette annonce en direct à Notre-Dame est « un cadeau du Ciel ». « C’est tout un symbole et une immense allégresse, pour des fidèles de Paris, de recevoir notre nouveau pape dans la cathédrale, alors que nous sommes précisément réunis tous ensemble – paroissiens, diacres et prêtres –, en peuple de Dieu. Nous avons vécu cette messe dans une grande joie intérieure, dans la confiance que le Seigneur nous avait donné un pasteur ; c’est un très beau signe de la relation du Christ bon Pasteur avec chacune de ses brebis », souligne le P. Guibert, qui invite ses paroissiens à se rassembler de nouveau, le 27 mai prochain, afin de confier ce nouveau pontificat lors d’une veillée de prière.

L’aujourd’hui de Dieu

« Un signe », c’est ce que disent avoir perçu nombre de ceux qui étaient présents ce soir-là à la cathédrale. Deux séminaristes se réjouissent ainsi d’avoir pu communier – littéralement – à cette joie en Église, sans même connaître le nom de ce « pape nommé », « dans la confiance en l’Esprit Saint ». Pour l’organiste titulaire adjoint, Thibaut Fajoles, à l’orgue de chœur ce jour-là, cet « Habemus papam ! » est « l’un des moments les plus forts vécus à la cathédrale » : « On a tous été envahis de joie, j’en ai eu des frissons ! Apprendre qu’on a un pape en pleine liturgie, au moment de l’homélie… c’est quand même beau le mystère de la foi ! » Pour celui à qui incombait la joie de l’annonce, le P. Henry de Villefranche, l’émotion a cédé le pas à la reconnaissance : « Notre-Dame nous donne bien des signes de la présence de Dieu ! Apprendre cette nouvelle en pleine messe, au moment de l’Évangile, entre le dimanche de « Pierre, m’aimes-tu ? » et celui du Bon Pasteur… L’aujourd’hui de Dieu, on ne peut pas s’y tromper ! »

Promesse d’unité

Un aujourd’hui appelés à se célébrer les jours d’après. À Notre-Dame comme dans toutes les paroisses de Paris, les fidèles sont appelés à rendre grâce pour ce nouveau pontificat au cours des différentes messes. Mgr Laurent Ulrich, archevêque de Paris, a d’ailleurs invité le soir même de l’élection « tous les catholiques de Paris à participer ou à s’unir [à la messe des jeunes, célébrée le 9 mai, cf p. 10], à soutenir le Saint-Père par leur prière personnelle, dans la communion et la joie de toute l’Église. » Partout, les propositions paroissiales et spirituelles fleurissent. Mais pour certaines paroisses, le choix du nouveau pape résonne tout particulièrement ; À St-Léon (15e) – qui fête cette année le centenaire de sa paroisse – le choix du vocable est déjà une belle nouvelle en soi : « Chez nous, saint Léon – et je parle ici de Léon le Grand – est une figure familière, souligne le P. Denis Metzinger, curé de la paroisse. Ce qu’on retient de son pontificat, c’est son souci de la vérité et de la paix ; c’est un homme qui n’a cessé, au Ve siècle, de chercher la paix, au milieu des querelles théologiques et des invasions barbares. » À St-Augustin (8e), on a bien retenu que le Saint-Père s’était présenté lui-même comme « un fils de saint Augustin » : « Il y a une grande fierté chez les paroissiens, confie le P. Thibaut de Rincquesen, curé, qui a pour projet de déployer une grande bannière à l’effigie de Léon XIV sur la façade de son église dans les jours à venir. En citant la phrase très connue de saint Augustin – “avec vous je suis chrétien, pour vous je suis évêque” –, il a exprimé, de manière très touchante, la posture d’humilité et de service, qui est la sienne. La règle de saint Augustin insiste beaucoup sur la vie en communauté de frères et l’importance de manifester le Christ à travers l’amour fraternel qu’on a les uns pour les autres. Ceux qui se réclament de son patronage – et ils sont nombreux à travers le monde ! – sont aussi des pasteurs, tournés vers la mission et l’apostolat. Pour moi, cette filiation est promesse d’unité. » Une promesse qui s’est d’abord manifestée à travers les cardinaux qui ont su « écouter dans leur cœur la motion de l’Esprit Saint qui les appelait à dire rapidement l’unité de l’Église autour du nom de celui qu’ils ont choisi », selon les mots Mgr Ulrich, lors de la messe des jeunes ; une promesse qui s’est exprimée aussi dans cet élan de joie à travers le monde, d’un seul cœur et d’une seule âme, en écho à cette règle de saint Augustin : « Avant tout, vivez unanimes à la maison, ayant une seule âme et un seul cœur orientés vers Dieu » (Reg. I, 2)

Charlotte Reynaud

Articles
Contact

Paris Notre-Dame
10 rue du Cloître Notre-Dame
75004 Paris
Tél : 01 78 91 92 04
parisnotredame.fr

Articles