St-Eustache restaurée pour son jubilé
Paris Notre-Dame du 8 février 2024
La paroisse St-Eustache célébrait le week-end dernier son 800e anniversaire. Point d’orgue des festivités (visites, conférences, spectacles et concert), une messe solennelle présidée dimanche 4 février par Mgr Laurent Ulrich, archevêque de Paris, qui s’est conclue par la bénédiction de la façade ouest restaurée. Reportage.
« On se sent peu de chose… 800 ans d’histoire tout de même ! » À quelques minutes du début de la messe d’action de grâce commémorant, dimanche 4 février, le huitième centenaire de la paroisse St-Eustache (1er), cette réflexion prononcée à mi-voix par un paroissien, comme à lui-même, résume à elle-seule l’intensité du moment. Au cœur du quartier des Halles, le poids de l’histoire et d’un héritage multiséculaire se font fête pour célébrer, par la même occasion, la fin de la grande entreprise de restauration de la façade de l’une des plus anciennes églises de la capitale. La joie se lit sur les visages des fidèles anonymes, des invités d’honneur comme des membres du clergé dont la procession remonte la nef sur les notes puissantes de l’orgue qui résonnent sous les doigts de Thomas Ospital, organiste co-titulaire. Dans le chœur, les chanteurs en aube bleue de la Maîtrise Notre- Dame de Paris joignent leurs voix aux Chanteurs de Saint-Eustache en aube noire, image visible des liens historiques et spirituels qui unissent les deux édifices parisiens contemporains. Dans les premiers rangs, les principaux soutiens financiers de la restauration de St-Eustache, parmi lesquels : Anne Hidalgo, maire de la Ville de Paris, Ariel Weil, maire de Paris-Centre, Maryvonne Pinault accompagnée de représentants du World Monuments Fund France et les ambassadeurs des États-Unis, d’Ukraine, d’Autriche et d’Italie. À leurs côtés, le prince Eudes d’Orléans, venu avec sa femme et leur fille représenter son frère Jean, le comte de Paris, prétendant orléaniste au trône de France. C’est en effet leur ancêtre, le duc Louis- Philippe de Chartres, futur Philippe Égalité, qui posa, en 1754, la première pierre de l’actuel portail de la façade ouest à l’honneur ce jour. « C’est empreints d’une profonde émotion que nous prenons part à cet événement avant tout religieux, souligne-t-il. Plus qu’une inauguration de façade, ce sont les 800 ans d’une paroisse du cœur de Paris qui a rayonné pendant des siècles sur toute la région. »
« Maison qui accueille »
Le rayonnement de St-Eustache, tant culturel que solidaire, se révèle d’une manière toute particulière quand, en ce dimanche matin, au début de la messe, des représentants bénéficiaires des actions de solidarité de la paroisse – la soupe Saint-Eustache, la pointe Saint-Eustache, les visiteurs de Saint-Eustache et Cerise, le Carrefour échange rencontre insertion de Saint-Eustache – saluent, depuis l’ambon, Mgr Laurent Ulrich, archevêque de Paris, qui préside la célébration. « Nous avons été accueillis avec beaucoup de respect et d’humanité et nous voulons, à notre tour, vous accueillir, annonce Michèle, leur porte-parole du jour. Nous voudrions que vous ressentiez, vous aussi, cet accueil chaleureux, que vous soyez accueilli par nous en tant que personne et non pas pour ce que vous représentez. » L’archevêque renchérit quelques instants plus tard dans son homélie : « Nous sommes là dans des centres si importants de la vie d’une ville, dans la vie d’un peuple. Maison qui accueille, maison où se dit la parole de Dieu, maison où se rencontre le Seigneur, maison où se réalisent le bienfait et la bienveillance qu’Il réserve à tous. » Marie-Antoinette, fidèle de 89 ans, applaudit : « C’est extraordinaire cette foule de gens si différents, à l’image de toutes ces personnes qui sont venues prier depuis l’an 1224 dans notre église et qui ont transmis l’Évangile pendant des siècles. À nous d’être à la hauteur et de poursuivre leur action ! » D’une autre génération, Baptiste, jeune paroissien de 20 ans, partage cependant le même sentiment : « Nous sommes les héritiers d’une histoire de 800 ans. C’est à notre tour, aujourd’hui, de transmettre le flambeau pour que perdurent, dans le temps et les cœurs, notre église, ses valeurs et son histoire. »
« La cathédrale des Halles »
À l’issue de la messe, réunie sur le parvis historique de St-Eustache, l’assemblée qui a remonté toute la nef pour passer la grande porte – symboliquement rouverte par des sapeurs-pompiers de Paris, sauveurs de Notre-Dame – découvre la façade rénovée que Mgr Ulrich s’apprête à bénir. Après deux années de travaux, l’église retrouve son accès principal, sa porte historique si essentielle comme l’a rappelé l’archevêque dans son homélie : « On se presse à la porte, on vient vers Jésus, la maison est donc devenue déjà un signe pour beaucoup, la maison où il se trouve. Mais c’est à la porte qu’il accueille, c’est à la porte qu’on lui amène des malades, c’est à la porte qu’il continue de faire du bien. » Marie-Clémence, paroissienne en charge du catéchisme, remonte l’allée : « Je n’aime pas les fins de festivités. Cet anniversaire n’est que le début ! Une fête se prépare ensemble, se vit ensemble… et nous porte, ensemble, pour la suite, tel un tremplin. La joie qui nous habite aujourd’hui ne va pas retomber, au contraire ! » Massés à leurs fenêtres, les habitants du quartier observent avec intérêt cette foule bigarrée rassemblée sous leurs yeux. Certains sortent leurs téléphones portables pour immortaliser la scène. Avant de quitter l’église, le P. Yves Trocheris, curé de St-Eustache, ne cache pas son émotion lors de ses remerciements, rappelant que la dernière messe célébrée en ces murs par un archevêque de Paris l’avait été un certain dimanche de Pâques 2019, au lendemain de l’incendie de Notre-Dame, « un moment de grande émotion que nous n’oublierons jamais ». Ses derniers mots lui sont d’ailleurs adressés : « Bien que St-Eustache soit parfois surnommé “la cathédrale des Halles”, “la cathédrale des arts” ou encore “Notre-Dame des Arts”, il nous faut rappeler ce que notre église n’est pas : St-Eustache n’est pas la cathédrale de Paris. Et laissez-moi vous dire combien St-Eustache attend avec impatience ce 8 décembre prochain qui verra la renaissance de sa très grande sœur, de sa sœur aînée, la cathédrale Notre-Dame de Paris. » Une date dans toutes les têtes et tous les cœurs : « Nous sortons du tunnel, conclut le P. Trocheris, et, avec cette messe à St-Eustache, se profile la lumière du rayonnement de ce que sera Notre-Dame. »
Mathilde Rambaud
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