Méditation pour le Mercredi saint : Le don de sa vie

« Mon être en effet n’est jamais une chose confinée, enfermée, menacée ou en danger. Mon être est bien une demeure, un palais, celui du grand Roi, de cet hôte infini qui m’a aimé jusqu’à donner sa vie pour moi ». Une méditation de Mgr Alexis Leproux, vicaire général du diocèse de Paris, pour entrer dans le mystère de la Passion.

Du temps, j’en ai un peu plus que d’habitude. Et, plutôt que de me connecter, je saisis un vieil album qui traîne sur une table. Du regard, je parcours ces images du monde d’hier, celui de mon enfance, de mes années d’étude ou encore, de ces premières années de sacerdoce. Fermant les yeux, je m’abandonne un instant à cette forme de rêverie, si rare en temps normal, si sage en temps de confinement. J’entre dans ce palais, ma mémoire, où tout semble au présent. Mes souvenirs ne sont pas ces vieilles choses qu’un musée conserve, certes avec patience, et qu’on dépoussière de temps en temps comme autant d’objets inertes. Non, mes souvenirs sont pleins de vie, incroyablement vivants, de cette vie donnée en abondance, de cette vie intarissable que rien ne peut arrêter. Et j’entends de nouveau cette voix : « Si tu savais le don de Dieu et qui est celui qui te parle, c’est toi qui l’en aurais prié de te donner l’eau vive » (Jn 4). Quelle joie de retrouver, au plus intime de moi-même, cette source vive, quelqu’un qui me parle et me crée.

Mon être en effet n’est jamais une chose confinée, enfermée, menacée ou en danger. Mon être est bien une demeure, un palais, celui du grand Roi, de cet hôte infini qui m’a aimé jusqu’à donner sa vie pour moi, celui que j’aime, mon Créateur. Tous mes souvenirs, il les habite, il en est l’origine, il en est la vie. Je ne suis pas ce petit animal enfermé, le maillon d’une chaîne de vivants appelés à disparaître. J’éprouve au contraire une force infinie, celle de mon âme promise à l’immortalité, celle de mon corps appelé à vivre à jamais. Je retrouve la saveur de la liberté, celle d’être délié intérieurement des liens de la mort, pour voler en ces cieux éternels où le cœur, illuminé d’une promesse, est toujours un trésor.

Ce palais de ma mémoire me sert un festin, j’en goûte les moments exquis où l’écume des mers fouette mon visage, où le vent des montagnes vivifie mon être. Mes yeux se posent sur des espaces infinis, un soleil rougeoyant à son coucher, des étoiles étincelantes à leur lever. J’aime ces forêts et ces déserts, ces sommets enneigés et ces routes à perte de vue. Je revois les visages qui m’illuminent, ceux de ma famille, ceux de mes amis, le visage de ces jeunes accompagnés sur les routes du monde, de ces paroissiens rencontrés au fil du temps. Je suis dans la vie comme on est au ciel, au présent de chacun, comme on est en soi, non pas seul et avec soi-même, mais portant en son cœur, non seulement tous ceux qu’on aime, mais l’amour lui-même qui nous relie tous en lui.

Semaine sainte

Le Triduum pascal