Méditation pour le Vendredi saint : Le voile de Véronique
« Son voile recouvre le visage de la Charité, y recueillant les marques du sang, de la couronne et des crachats. » Une méditation de Mgr Alexis Leproux, vicaire général du diocèse de Paris, pour entrer dans le mystère de la Passion.
Son voile recouvre le visage de la Charité, y recueillant les marques du sang, de la couronne et des crachats. Ce voile, Véronique le garde précieusement. Comme le suaire retrouvé au tombeau, ce voile est une icône de paix. Il a reçu les traits du visage parfait, un visage certes blessé, humilié et frappé, un visage défiguré mais qui est aussi celui de la bonté parfaite. Sous les injures et sous les coups, pas un instant ce visage ne s’est crispé d’un mouvement de colère ou de haine. On ne trouve, sur ce tissu sacré, aucune marque de révolte, aucun indice de désespoir. Implacable dans sa lutte contre l’esprit du mal, cet homme, Dieu lui-même, est venu chez les siens, rempli de l’Esprit Saint. Il a tenu ferme, résisté aux attaques de l’ennemi. Il demeure indéfectiblement lui-même, confiant et courageux, source de bonté pour ceux dont il prend soin.
Il ne cesse, en ce jour douloureux, de contempler, de soigner et de guérir. Ses bourreaux sont même ceux dont il prend le plus grand soin. Il les regarde avec une espérance qui ne déçoit pas, une intercession sans relâche. Il ne s’agit pas d’un soin visible et immédiat, mais de ce soin qui bouleverse les profondeurs de l’âme, une attention du cœur capable de changer le monde : « Vraiment, cet homme était fils de Dieu » ! Son regard transmet une lueur inédite à ce jour triste et violent. A qui ploie sous le fardeau, sa présence donne le repos. A qui peine sur le chemin, son silence ouvre une communion. Il y a ceux qui s’acharnent contre lui, ceux qui s’enfuient inquiets, ceux qui se tiennent à distance, témoins impuissants de sa persécution. A tous, il annonce les prémices d’un nouveau monde.
Seul, dans la nuit de sa prison, il porte les prisonniers de tous les temps, les criminels et les pécheurs. Sans défense, à l’aube de ce jour sanglant, il met un terme aux ténèbres du mensonge. Seul encore, au milieu de faux-témoins et de soldats, il se fait artisan de paix. Elevé sur le bois, il remet sa vie pour que les hommes aient la vie et qu’ils l’aient en abondance. Jamais il ne se résigne à ne plus aimer. Jamais, et surtout pas en ce dernier jour de sa vie, il ne renonce à transmettre la vie. Sa bonté est son être même, la communiquer sa mission constante. Et tels ces soignants et ces infirmiers, ces médecins des âmes et des corps, tels ces personnes consacrées aux plus fragiles d’entre nous, cet homme révèle la dignité de toute personne, celle dont on prend soin envers et contre tout, celle qui ne compte pas ses forces pour servir et soigner. En ces jours inédits pour notre petite planète, en ce jour singulier où l’on vénère la Croix du Christ, la bonté sans mesure continue de briller sur notre fragile humanité.