Mireille Nègre, la contemplation pour vocation
Paris Notre-Dame du 21 décembre 2023
Première danseuse à l’Opéra de Paris, Mireille Nègre a choisi, en 1969, de quitter la scène pour embrasser la vocation contemplative des carmélites puis celle des vierges consacrées.
Souriante, élancée et lumineuse, Mireille Nègre, 80 ans, bien qu’elle ait raccroché tutus et chaussons depuis plusieurs années désormais, a conservé cette grâce ineffable propre aux danseuses classiques. Le temps semble ne pas avoir de prise sur celle qui se tourna vers la danse après que son pied fut accidentellement broyé quand elle n’avait que de 2 ans. Ce qui ne devait être qu’une rééducation thérapeutique fut pour la petite fille une révélation. Elle intègre alors l’Opéra de Paris à 8 ans et, malgré son handicap, sa progression est fulgurante jusqu’à ce qu’elle devienne première danseuse à l’âge de 22 ans. « Je travaillais énormément, jusqu’à l’épuisement, mais lorsque je sentais qu’un rôle tenait très à cœur à l’une de mes camarades, je m’effaçais pour le lui laisser », se rappelle l’ancienne danseuse. Une manière d’être aux antipodes de la mentalité de l’Opéra. Son cœur est déjà ailleurs, tourné vers le Christ. Un jour, alors qu’elle ouvre les Évangiles, elle est saisie par cette invitation : « Prenez sur vous mon joug, devenez mes disciples, car je suis doux et humble de cœur, et vous trouverez le repos pour votre âme. Oui, mon joug est facile à porter, et mon fardeau, léger » (Mt 11, 29-30). Peu à peu, le chemin vers la vie religieuse cloîtrée, lieu de la contemplation par excellence, se dessine et, à la surprise générale, alors qu’elle était pressentie pour être nommée danseuse étoile de l’Opéra de Paris, elle annonce sa décision de quitter la scène pour rejoindre le carmel de Limoges (Haute-Vienne).
Ce qui nous dépasse et nous élève
Dans sa nouvelle vie cachée, elle se plonge à cœur perdu dans la contemplation des mystères de la foi catholique et de son amitié avec le Christ. À cœur… et à corps perdus : « Toute ma vie, j’avais été habituée à me nourrir selon mon effort physique, explique-t-elle. Et comme je n’utilisais plus mon corps, sans m’en rendre compte, j’étais devenue anorexique. » Mireille Nègre réalise que si sa vocation est bien réelle, elle n’est pas appelée à la vie contemplative entre les murs d’un couvent et que la danse reste indispensable tant personnellement que spirituellement. La réponse arrive en 1986 : elle devient, par les mains du cardinal Jean-Marie Lustiger, archevêque de Paris, vierge consacrée dans le monde. Ses grands yeux verts, qui vous observent avec douceur et attention, n’ont de cesse d’ailleurs de le contempler ce monde, visible comme invisible, profane comme religieux, artistique comme spirituel. Car tout est lié dans la vie de Mireille Nègre, tout est propice à l’expression artistique, tout est en mouvement. « La contemplation, c’est pour moi d’essayer de visionner intérieurement ce qui nous dépasse, nous habite et nous rejoint et, dans le même temps, nous élève, confie-t-elle. Il s’agit d’un mouvement double, descendant jusqu’à nous pour nous élever. »
Une ancienne chapelle, dans le 14e arrondissement, devient le lieu atypique dans lequel, pendant plus de deux décennies, la nouvellement consacrée ouvre son académie de danse, crée ses propres ballets, se produit en gala et chorégraphie des messes… Aujourd’hui encore, loin des feux de la rampe, Mireille Nègre continue de créer dans « le petit sanctuaire » qu’est son appartement parisien : « Je passe chaque matin deux heures en oraison, méditant et contemplant les épisodes de la vie du Christ et de ses saints, confie la consacrée. Je prends ensuite mes crayons et mes pinceaux et je peins et dessine le reste de ma journée pour faire exister ce que j’ai reçu dans la prière. » De cette oraison contemplative et créatrice sont nés ces derniers mois des ouvrages romanesques et poétiques dont Mireille Nègre écrit les textes et peint les aquarelles qui les illustrent, confiant être « heureuse de continuer à partager l’espérance qui [l]’habite et à vivre d’une manière renouvelée [s]a vocation de vierge consacrée dans le monde. »
Mathilde Rambaud
Les ouvrages de Mireille Nègre, autoédités, sont disponibles au prix de 30 € l’unité, directement auprès d’elle. Renseignements et commandes : mireillenegre3@gmail.com
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