« Moi, c’est le rythme »
Paris Notre-Dame du 3 janvier 2019
Ils sont prêtres, curés ou vicaires, et mènent de front leur ministère et de multiples autres tâches. Pour autant, ils n’ont pas renoncé à cette passion - musique, sport, cuisine, vélo...- qui les habite depuis l’enfance. Nous vous proposons de découvrir les talents peu ordinaires de ces prêtres parisiens, qu’ils mettent parfois au service de leur sacerdoce. En abolissant les distances, ces passions les rendent tout simplement accessibles. Premier portrait de cette série, le P. Augustin Deneck, à la batterie.
Douze ans. Pour la plupart des garçons, c’est un âge où on se rêve volontiers en footballeur ou rugbyman. Pas le P. Augustin Deneck. À peine entré dans l’adolescence, lui ne pense qu’aux percussions. « Moi, c’est le rythme », résume t-il laconiquement. Ce premier amour, il le doit à son père, grand danseur et amateur de guitare à l’espagnole, musicien lui-même. À 12 ans, Augustin, qu’on imagine volontiers bon élève, intègre le conservatoire du 15e arrondissement, dans la classe d’un professeur membre de la Garde républicaine. S’ensuivent plusieurs années de percussions, entre caisses claires, xylophone et timbales, accompagnées de cours de solfège. Et à l’âge du lycée, le premier groupe de rock, les Beyonders, suivi d’un deuxième, Horizon cinq. À leur répertoire, des grands classiques, comme U2 et Phil Collins. Une école de commerce et l’entrée au séminaire mettent pourtant un frein à sa passion.
Poussé par le besoin « d’éliminer le superflu », il vend sa batterie et se met à la guitare. La rencontre avec le P. Daniel Ponsard, lui-même grand amateur de cinéma, ébranlera ces résolutions. Un an plus tard, dans la paroisse où il sert comme séminariste, il recrée un groupe de rock composé de jeunes paroissiens. Et se met lui-même aux percussions africaines. Ses fidèles ont désormais l’habitude d’entendre un djembé ou un cajon accompagner le Cantique de Moïse lors de la vigile pascale. Mais c’est finalement ici, à St-Ambroise (11e), paroisse dont il est le curé depuis 2012, que l’envie renaît, sous la pression amicale d’Aymeric, diacre permanent. Quinze ans après les avoir délaissées, le P. Augustin Deneck reprend donc les baguettes et lance un nouveau groupe de rock baptisé Kaïros – « le moment favorable » en grec. Sa batterie, la guitare – sèche, électrique ou folk – d’Aymeric, la basse d’Emmanuel, le clavier de Florent et la voix de Roselyne composent désormais le groupe, qui répète tous les quinze jours dans une cave. Un passe-temps qui aurait sans doute eu vocation à rester sous le boisseau, si ce n’était la Providence.
Un des vicaires de la paroisse, après les avoir entendus, leur propose de produire le groupe pour le marché de Noël. On est en juin 2017, et personne n’y croit vraiment, à commencer par le curé lui-même. Mais une fois de plus, la Providence s’en mêle. Un cousin, professionnel dans l’événementiel, propose ses services pour la sono, le mixage et l’éclairage. Le buzz fonctionne et le jour dit, c’est une petite foule qui assiste au premier concert de la toute jeune formation. Parmi elle, beaucoup de familles avec de jeunes enfants, mais aussi des personnes qui ne mettent jamais les pieds à l’église. Aujourd’hui encore, le P. Deneck s’étonne de l’impact que ce premier concert a produit dans le quartier.
De ces personnes qu’il ne connaît pas et qui l’abordent dans la rue pour le féliciter, en en profitant pour lui glisser que leurs enfants n’ont pas été baptisés, mais qu’elles aimeraient bien qu’ils le soient. De ces parents, non pratiquants, qui ont créé un groupe de fans sur les réseaux sociaux. Et de ces paroissiens qui, jusque-là, n’osaient pas aborder leur curé – bien trop occupé pour qu’on le dérange, pensaient-ils. Cette soudaine notoriété a rendu le prêtre abordable, le curé sympathique. Le P. Deneck s’en amuse aujourd’hui et raconte volontiers qu’il est à l’origine de vocations de batteurs – au moins deux. Et de conclure en riant : « J’espère que je ferai des vocations de prêtres aussi ! »
Priscilia de Selve
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