Paris sonne-t-il ?
Paris Notre-Dame du 20 juillet 2017
À la fin du mois d’août, trois cloches seront installées à N.-D. de l’Assomption des Buttes-Chaumont (19e). À cette occasion, petit tour des clochers parisiens qui continuent de tinter, au rythme de la ville.
Marie, Gabrielle et Georges. Des triplés ? Sans doute, bien qu’il s’agisse de… nouvelles cloches, qui tinteront dès la rentrée au campanile de N.-D. de l’Assomption des Buttes-Chaumont (19e). Elles doivent leurs prénoms à Notre-Dame, à l’archange Gabriel et aux paroissiens de St-Georges de la Villette (19e) qui financèrent la construction de cette petite église de quartier. Elles ont été commandées par le curé, le P. Jean-Luc Leverrier, et son conseil économique, et entièrement financées par les Chantiers du Cardinal pour agrémenter leur clocher, vide depuis sa construction en 1960. D’après la Société française de campanologie (SFC), Paris possède quelque 900 cloches dont près de la moitié sont cultuelles. Les nouvelles poses sont rares, et concernent en l’occurrence des églises construites dans les années 1960 et 1970, enserrées dans des immeubles et peu visibles de l’extérieur. Comme à St-Albert-Le-Grand (13e) ou à N.-D. des Foyers (19e), dont les nouvelles cloches, nommées Claudine, Madeleine et Agnès, du prénom de trois bénévoles les plus anciennes de la paroisse, ont sonné pour la première fois à Pâques en 2016.
Plus de visibilité
« Chez nous, commente le P. Leverrier, il s’agissait avant tout de pourvoir un clocher anormalement vide. Au-delà de cela, le son des cloches – qui seront automatisées et tintées selon un volume qui pourra être réglé – permet de rendre plus visible l’église, qu’un passant peut ne pas remarquer. C’est aussi plus joyeux d’appeler les chrétiens aux offices en musique ! » Et de renchérir : « La cloche a sa place dans la ville, même dans une société de plus en plus sécularisée. S’il faut respecter les habitants alentours, nous ne sommes pas appelés pour autant à nous cacher. Tinter la messe et les fêtes liturgiques nous inscrit aussi dans le déroulement de la vie sociale de notre quartier, avec qui nous vivons en rythme. »
« Créer du beau »
D’après la loi de séparation de l’Église et de l’État de 1905, il appartient au maire de régler l’usage des cloches selon des critères de tranquillité publique et de liberté des cultes. Dans les faits, il s’agit de concertations à l’amiable. « Nous n’avons pas eu de plaintes, commente le P. Yves-Marie Clochard- Bossuet, curé de N.-D. des Foyers (19e) ; seulement une demande de voisins de ne pas sonner le samedi et le dimanche matin. Et nous restons en très bons termes avec la mosquée, en face de l’église. » Durant la semaine, les cloches de son église sonnent l’Angelus à 9h (au lieu du traditionnel 7h), à midi et 19h, ainsi que pour la messe dominicale.
D’après Thierry Bardin, campaniste de la société Mamias (Seine-et-Marne) qui gère la maintenance électrique d’une grande partie des clochers parisiens, si les sonneries sont devenues rares aux heures de la nuit et du petit matin, leur activité n’a pas baissé depuis plus de trente ans. « Cela s’explique par le dynamisme des paroisses parisiennes, observe-t-il, qui n’est plus le même dans les campagnes. » Même écho chez Paul Bergamo, directeur de l’atelier Cornille Havard, qui a fondu les neuf nouvelles cloches de N.-D. de Paris en 2013. Ces dernières années, les paroisses Ste-Colette (19e), St-Sulpice (6e), Ste-Jeanne de Chantal (16e) ou encore St-André de l’Europe (8e) ont bénéficié de leurs services pour des ajouts ou réparations de cloches. « D’autres projets sont à venir à Paris, informe l’entrepreneur passionné. On remarque à chaque fois un investissement important de la part de la ville – à qui appartiennent les édifices antérieurs à la loi de 1905 – et des paroissiens. Il y a un réel engouement pour préserver notre paysage sonore et c’est très important. Le son de la cloche n’est pas d’abord un bruit mais un son traditionnel et musical. Nous avons besoin de créer du beau aujourd’hui, l’Église comme la communauté civile. »
Laurence Faure